ETATS-UNIS • Témoignage : mon ami Djokhar

Redigé par Zolan Kanno-Youngs The Boston Globe|
Le 21 avril 2013 à 01:17

Un journaliste du Boston Globe revient sur son amitié avec le plus jeune des frères Tsarnaev, qu’il a connu au Lycée.
Le 19 avril à Moscou, un homme regarde une photo de Djokhar Tsarnaev, que ce dernier avait postée sur le réseau social russe VKontakte. AFP.
J’étais à mon bureau, après le Marathon de Boston, et je me disposais à écrire un article sur un coureur qui s’était retrouvé à une centaine de mètres des explosions et de la ligne d’arrivée. Et je me demandais quel monstre avait pu ainsi violer la (...)

Un journaliste du Boston Globe revient sur son amitié avec le plus jeune des frères Tsarnaev, qu’il a connu au Lycée.

Le 19 avril à Moscou, un homme regarde une photo de Djokhar Tsarnaev, que ce dernier avait postée sur le réseau social russe VKontakte. AFP.

J’étais à mon bureau, après le Marathon de Boston, et je me disposais à écrire un article sur un coureur qui s’était retrouvé à une centaine de mètres des explosions et de la ligne d’arrivée. Et je me demandais quel monstre avait pu ainsi violer la sécurité de la ville. Quel genre d’homme pouvait avoir infligé tant de souffrance et de chagrin aux gens avec qui j’ai appris à être si fier et si heureux de vivre ?

Le 19 avril au matin, quand mes colocataires m’ont tiré du lit pour me traîner devant la télévision, j’ai découvert le nom du responsable des attentats qui était encore en fuite, un nom désormais synonyme de terreur, un nom qui, pour moi, avait été synonyme d’amitié.

En proie au remord

C’est à la Rindge and Latin High School, un lycée de Cambridge, que j’ai rencontré Djokhar Tsarnaev. Nous étions voisins, et nous avons immédiatement noué des liens d’amitié qui dureraient jusqu’à ce que nous quittions le lycée. Que ce soit lors d’un match de basket ou au cours d’un déjeuner, jamais Djokhar ne m’a fait mauvaise impression. L’année dernière encore, il est venu me rendre visite à la Northeastern University.

Toute la semaine passée, j’ai été en proie au remord. Non seulement pour cet ami que je croyais connaître, mais pour ceux qu’on l’accuse d’avoir blessés, et même tués. J’éprouve du remord pour Martin Richard, le petit garçon de huit ans. Pour Krystle Campbell. Pour Lingzi Lu. Pour l’agent de police du MIT Sean Collier. J’éprouve du remords pour leurs familles, et pour chacun de ceux qui ont été touchés dans leur chair ou dans leur cœur lors des attentats du Marathon de Boston.

Il m’avait pris dans ses bras

Le Djokhar que je connaissais était un jeune homme qui avait passé toute une nuit à fouiller dans sa voiture pour retrouver le portable neuf que j’avais maladroitement perdu. Il avait quitté son travail plus tôt juste pour refaire en sens inverse le chemin que j’avais parcouru. Un jeune homme qui m’a serré la main avec fierté quand je lui ai dit que j’étais embauché au Boston Globe.

Il était capitaine de l’équipe de lutte de Cambridge Rindge and Latin, membre de la National Honor Society (programme d’excellence qui distingue les lycéens aux Etats-Unis et dans plusieurs autres pays), et il avait décroché une bourse pour l’université. Apparemment, jamais personne n’avait de problème avec Djokhar.

Je ne connaissais pas son frère aîné, Tamerlan, qui a été abattu par la police jeudi, et je ne sais pas quelle influence il pouvait avoir sur lui. Je ne sais pas ce qui a pu arriver à Djokhar l’an dernier. Ce que je sais, c’est que je pleure pour Cambridge, Watertown, Boston et toutes ces familles qui, comme moi, y vivent.

Je me souviendrai toujours de Djokhar, un ami qui m’avait pris dans ses bras pour une photo à la fin de nos études au lycée.

Mais manifestement, ce jeune homme que je connaissais n’est plus.


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