« Faire du développement une opération autonome, interne et volontariste » - Mohamed Moncef Marzouki

Redigé par IGIHE
Le 5 août 2018 à 07:45

L’Afrique ne se développe pas, mais elle aide le reste du monde à se développer. Ceci se voit quand par la quantité d’argent qui quitte l’Afrique vers le Nord, et qui n’a pas de commune mesure avec la quantité d’argent qui va du Nord à l’Afrique. Lire l’interview de l’ex-Président Mohamed Moncef Marzouki (MMM) de Tunisie à André Gakwaya de l’Agence Rwandaise d’Information (ARI-RNA) lors de la clôture du Forum du Leadership Africain (ALF) organisé à Kigali du 02 au 03 Août 2018.
ARI - Mr le Président, que (...)

L’Afrique ne se développe pas, mais elle aide le reste du monde à se développer. Ceci se voit quand par la quantité d’argent qui quitte l’Afrique vers le Nord, et qui n’a pas de commune mesure avec la quantité d’argent qui va du Nord à l’Afrique. Lire l’interview de l’ex-Président Mohamed Moncef Marzouki (MMM) de Tunisie à André Gakwaya de l’Agence Rwandaise d’Information (ARI-RNA) lors de la clôture du Forum du Leadership Africain (ALF) organisé à Kigali du 02 au 03 Août 2018.

ARI - Mr le Président, que pouvons-nous retenir de ce Forum sur le Financement de la Transformation du Développement Durable en Afrique ?

MMM - La problématique du développement est posée en termes d’aide extérieure, c.-à-d. l’Afrique est là, comme pauvre continent devant recevoir de l’argent de l’extérieur, ainsi que les ressources et le mode de développement. Tout cela ne marche pas très bien.

En réalité, c’est l’Afrique qui aide le reste du monde à se développer. Parce quand on voit la quantité d’argent qui quitte l’Afrique et va vers le Nord, et l’argent qui vient du Nord vers le Sud, on voit très bien que c’est l’Afrique qui est entrain de développer le monde. Ce n’est pas le reste du monde qui développe l’Afrique. Malheureusement, l’argent de la corruption, les minéraux, etc. Aujourd’hui, il faut réfléchir le développement autrement, c.-à-d. le développement doit être d’abord une affaire intérieure. On doit compter sur nous, et sur nos propres ressources, identifier nous-mêmes nos propres objectifs, et enfin de compte faire du développement une opération essentiellement autonome, interne et volontariste. Et, ça, c’est la nouvelle méthode.

Alors, quand ont dit cela, il faut les ressources. Et ces ressources existent en réalité. Seulement, elles ont été très mal utilisées. Beaucoup de ces ressources ont été perdues par la corruption, véritable hémorragie qui fait perdre à notre continent des milliards et des milliards de dollars. Le fait de garder ces milliards de dollars à l’intérieur et les empêcher de s’envoler par la corruption, c’est déjà une partie des ressources.

Ensuite, il faut des politiques nationales. Il faut que les gens payent leurs taxes dans des pays, par exemple comme la Tunisie qui a une classe moyenne, mais qui ne paye pas beaucoup de taxes. En fait, on peut mobiliser un certain nombre de ressources existantes sans être obligé de s’endetter.

ARI – N’y-a t-il pas moyen d’engager des procédures de justice pour obliger ceux qui nous ont pillé à ramener au moins une partie de ressources, dans le cadre de la fuite des flux illicites des capitaux ? Après tout, l’enquête a montré les grandes sociétés et les individus qui ont pillé nos capitaux.

MMM- Vous soulevez tout un autre problème très grave. Après la révolution en Tunisie, on a fait un rapide calcul. On a compris que la dictature nous avait volé quelque chose comme US$ 28 milliards. Je vous dis qu’on n’a pas récupéré grand chose. On a récupéré US$ 27 millions. Donc, vous voyez la différence. Pratiquement de un à mille. Le reste de l’argent a disparu. J’ai demandé personnellement à plusieurs gouvernements. Ils disent « Oui, nous sommes des Etas de droit. Il faut passer par les tribunaux. etc., etc. ».

Donc, c’est quelque chose de très compliqué. Il n’y a pas une volonté de nous ramener notre argent. Hier, l’ex-président du Nigeria nous a raconté comment il a pu, avec des moyens du bord, en payant des avocats, etc., récupérer jusqu’à US$ 5 milliards. C’est un grave problème. C’est un grave problème. Parce que l’Afrique est accablée de dettes d’une part, et d’autre part, une grande partie de son argent fout le camp vers l’extérieur. Ce sont de graves problèmes politiques et éthiques à résoudre. L’Afrique doit se mobiliser pour cela.

RNA – Dans nos pays, les abus de changements des constitutions et le manque d’alternance provoquent une insécurité dans les pays. Celui qui gagne les élections ne veut pas partir quand ses mandats s’achèvent. Certes, le peuple peut apprécier et faire sa recommandation quand le bilan est très positif. Que recommande le Forum du Leadership Africain (ALF) face à ces cas ?

MMM - Ecoutez. Regardez les cinquante dernières années. Il y a cinquante ans, vous n’auriez pas pu voir cinq anciens Chefs d’Etat africains se réunir comme maintenant. Chacun mourait à son pouvoir, ou était mis en prison, etc. Aujourd’hui, on voit de plus en plus des anciens Chefs d’Etat comme moi qui ont exercé démocratique le pouvoir, qui l’ont quitté démocratiquement, et qui vivent dans leurs pays. Cela est un phénomène nouveau, aussi bien en Afrique que dans le monde arabe. Ceci est entrain de s’accélérer.

Les présidents dont vous parlez, et qui changent les constitutions, sont en retard d’une époque. Ils n’ont pas compris leur époque. Ils font perdre du temps à l’Afrique. Mais en fin de compte, d’ici dix ans à vingt ans, ce genre de présidents aura complètement disparu. C’est une question de temps, de maturation

Avec rnanews.com


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