Pour la première fois en 59 éditions, la finale de la Ligue des champions, samedi 24 mai (20h45) à Lisbonne, oppose deux clubs d’une même ville : Madrid.
Sur la pelouse du Stade de la Lumière, le Real de Cristiano Ronaldo et Karim Benzema affronte l’Atlético, devenu champion d’Espagne le week-end dernier dans un match plein de suspense à Barcelone.
Ce derby -quand deux clubs de la même ville se rencontrent-, comme il en existe dans tous les grands championnats européens, n’a pas d’équivalent en Ligue 1 et en Ligue 2 où il n’y a qu’une seule équipe professionnelle dans chaque ville. On peut donc légitimement se demander comment les Madrilènes "choisissent" et soutiennent l’un ou l’autre club.
Pour comprendre la "problématique" du derby de la capitale espagnole, il faut tout d’abord en appréhender l’aspect géographique. Les rouges et blancs de l’Atlético ("l’Atléti" disent les Espagnols) évoluent à Vicente-Calderón (55.000 places), dans le sud de la ville ; quand les blancs du Real jouent à Santiago Bernabéu (81.000 places), au nord :
Vers un renversement du pouvoir établi ?
Cette opposition nord/sud trouve ici cette signification : les "Vikings" du Real, au nord, qui ont tout gagné et étendu leur domination partout en Europe à travers les âges ; contre les "Indiens" de l’Atlético au sud, qui "vivent" en bordure du fleuve -le Rio Manzanares- et qui sont considérés comme les losers magnifiques.
Si les choses ont bien changé cette saison, avec le titre de champion brillamment conquis par l’Atlético au nez et à la barbe de son rival madrilène (3e à 3 points), les rouges et blancs restent et resteront quoiqu’il arrive le club de la classe ouvrière, populaire, à l’autre surnom bien connu de tous les Espagnols : les "colchoneros" (matelassiers). L’explication ? Lors de sa création en 1903, le tissu utilisé pour la tunique rouge et blanche du club était le même que celui servant à fabriquer les matelas. Peu cher, il était en outre facile de s’arranger avec les fabricants pour en récupérer les chutes.
Au contraire, le voisin du Real, soutenu par une classe plus aisée, s’était paré à sa naissance (1902) d’un maillot blanc que son président au début des années 40, Santiago Bernabéu, voulait absolument voir porté de nuit, car la réverbération de la lumière sur les tuniques immaculées évoquait les étoiles. Le futur lui donnera raison, quand arrivera au club en 1953 le légendaire Di Stéfano, puis 50 ans plus tard les Zidane, Figo, Beckam et consorts, formant au début des années 2000 l’ère des "galactiques".
Résultat, le Real et ses pléiades de stars à travers les âges -aujourd’hui Cristiano Ronaldo en tête- concentrent des fans à Madrid, mais aussi dans toute l’Espagne et dans le monde entier. Au contraire, même champion d’Espagne et peut être champion d’Europe samedi soir, l’Atlético restera toujours le petit club prolétaire, honni partout en Espagne, et soutenu par un nombre beaucoup plus restreint de supporteurs, fiers et viscéralement attachés à leurs couleurs.
Et dans les autres grands derbys européens, ça se passe comment ?
L’un des autres derbys espagnols, celui de Barcelone, même si celui-ci passionne moins le pays que celui de Madrid, reste sociologiquement intéressant à analyser. Il oppose depuis 114 ans le Barça (fondé en 1899), le géant qui a toujours eu cette volonté de monopole sur la Catalogne, à l’Espanyol, né un an plus tard en opposition, et dont les supporteurs revendiquent avant tout le droit d’exister dans la ville et plus généralement dans la région.
En effet, le premier reste le club adulé à Barcelone, de dimension mondiale et au palmarès impressionnant ; le second, lui, n’a rien gagné ou presque (seulement quatre Coupes du Roi en plus d’un siècle), et reste snobé par les pouvoirs politiques et les médias catalans. Résultat, ses fans, les "pericos" (perruches), sont doublement plus focalisés sur cette rivalité locale que les supporteurs adverses, les "culés" (raccourcissement de la prononciation de Barcelone en catalan et ses disciples), plutôt amusés face à ce voisin finalement peu encombrant...
La capitale anglaise est tout simplement la ville qui concentre le plus de derbys au monde. Lors de la saison qui vient tout juste de s’achever, la Premier League hébergeait... six équipes londoniennes : Chelsea, Arsenal, Tottenham, Crystal Palace, West Ham et Fulham (19e et rélégué).
Résultat, entre un et deux derbys sont à l’affiche chaque week-end, encore plus si l’on inclut les trois divisions inférieures, toutes professionnelles. Le samedi après-midi, les Londoniens en pleine séance de shopping sont ainsi habitués à croiser dans le métro un ballet de fans -maillots sur le dos- des différentes équipes, mais toujours dans le respect et la bonne humeur, les pouvoirs politiques et le prix prohibitif des places ayant chassé depuis plusieurs années les hooligans des stades et de leurs abords.
Le nombre colossal de clubs s’explique par la superficie gigantesque de la ville : 1572 km², soit 15 fois la taille de Paris. Les supporteurs, eux, sont donc avant tout derrière le club de leur "district" (quartier). Et au petit jeu des rivalités, c’est le Arsenal-Tottenham qui se place au-dessus du lot, les fans des deux équipes se détestant par-dessus tout en raison de la proximité entre les deux stades : ceux-ci sont distants de six kilomètres, une broutille à l’échelle de la capitale anglaise.
Alors que l’on pourrait croire l’inverse, City est bien l’équipe la plus aimée dans la ville. United, elle, reste par contre la plus soutenue à travers le Royaume-Uni et dans le monde entier. Une étude de l’université de Manchester a ainsi démontré qu’un quart des 45.000 abonnés d’Old Trafford vivaient à au moins 100 kilomètres de la ville, certains même à l’étranger. Mais comment les habitants choisissent-ils de soutenir l’une ou l’autre des deux équipes ? Dans cette ville industrielle du nord de l’Angleterre, cela se fait par "filiation", comme l’explique Eric Cantona dans son documentaire Looking for Manchester sorti il y a cinq ans maintenant. Si votre père, et donc votre grand-père (et ainsi de suite...) est pour City, vous êtes pour City. S’ils soutiennent United, vous êtes pour United.
Et vous n’avez pas le choix, c’est comme ça. Dès votre naissance, vous êtes de toute façon directement mis dans le bain avec votre pyjama, bavoir, et autres jouets aux couleurs de l’une ou l’autre équipe, les Anglais restant les champions de l’achat des produits dérivés.
• Rome
lazio roma
Sans doute la ville où la rivalité entre les deux équipes est la plus prononcée en Europe, qui ont en plus la particularité de jouer en plus dans la même enceinte, le Stade olympique. D’un côté, la Roma, dont les supporteurs sont généralement de gauche et issus des milieux populaires ; de l’autre la Lazio, et ses fans plus à droite appartenant aux classes plus aisées, voire, pour certains ultras, proches de l’extrême droite.
Les premiers clament aussi haut et fort qu’ils sont les seuls garants de l’identité de la ville, reprochant aux seconds d’être "étrangers" à celle-ci et de représenter avant tout la région, le Latium.
Enfin, comme les joueurs l’entendent souvent quand ils se promènent dans les rues de la capitale italienne, les supporteurs des deux camps préféreront largement remporter les deux derbys dans la saison et finir (même loin) derrière l’ennemi, plutôt que l’inverse...
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