
François Hollande à l’Elysée, le 11 septembre 2013.
Sur le terrain fiscal, la gauche accumule les erreurs depuis un an et demi. Alors que François Hollande avait fait de la fiscalité son étendard durant la présidentielle pour se démarquer de Nicolas Sarkozy, le mot d’impôt est devenu synonyme de catastrophe nucléaire pour la gauche.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Amateurisme ? Un peu. Absence de ligne directrice ? Sans doute. La vraie racine du mal, c’est une erreur fondamentale de stratégie politique : l’idée, toute colbertiste, que la fiscalité reste l’art de plumer l’oie avec un minimum de cris. L’exécutif pense qu’il est de bonne politique de faire en sorte de ne jamais afficher la recette de sa grande soupe fiscale afin de ne surtout effrayer personne.
Le fond de sa pensée en matière de fiscalité, c’est que pour ne pas trop menacer le consentement à l’impôt, il existe un niveau d’opacité optimal dans lequel il vaut mieux maintenir le système. D’où le choix systématique de mesures techniques jugées plus indolores, l’ajout de nouvelles règles ou de nouveaux prélèvements, la dissimulation plutôt que la réforme, la prestidigitation plutôt que le débat légitime. Ce mode de pensée irrigue tant la culture de nos gouvernants qu’il en tue dans l’oeuf toute tentative de réforme fiscale.
Il est temps de rompre avec cette manie de la dissimulation paramétrique. Toutes les grandes démocraties avec des taux de prélèvements obligatoires comparables aux taux français ont des systèmes transparents. La Suède et le Danemark, seuls pays d’Europe à avoir des taux de prélèvements supérieurs au nôtre, ont tous deux des systèmes fiscaux simples fondés sur un impôt sur le revenu progressif à large base et des cotisations sociales pour les retraites et le chômage. La lisibilité du système, loin de menacer le consentement à l’impôt, le renforce. Les données de l’Enquête sociale européenne montrent que le consentement à l’impôt est bien plus élevé dans les pays scandinaves qu’en France.
LE CONSENTEMENT À L’IMPÔT
Les Français détestent plus l’impôt sur le revenu, complexe et mal administré, que la contribution sociale généralisée (CSG) à large base, prélevée à la source et pourtant non progressive. Dans une démocratie moderne, lorsque près de 50 % du revenu national sert à financer la puissance publique, le consentement à l’impôt passe par la transparence et le débat.
Les Français ne sont pas stupides, ils savent bien que le taux de prélèvement ne dit rien du niveau de vie réel. Les Américains ont un taux de prélèvement inférieur de plus de 15 points de revenu national, ils doivent payer de leur poche la quasi-totalité de leurs dépenses de santé, soit 18 % de leur revenu. Mais quitte à financer des services publics plutôt que privés, les Français veulent en connaître le prix et savoir qui paie quoi.
L’absence de transparence a aussi un coût économique, supporté par les contribuables et qui alimente leur ras-le-bol. Incapables de prévoir leur revenu net d’impôt, les individus prennent de mauvaises décisions. Le système aggrave leur difficulté à lisser leur consommation au cours du temps.
M. Hollande peut se défaire de son boulet fiscal grâce à deux chantiers. Le premier est une réforme de transparence, qui lui achèterait du crédit auprès des Français : l’instauration du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et son intégration dans une CSG progressive. Son coût politique est nul, car elle peut se faire sans changer les taux de prélèvements individuels.
Second chantier : le transfert vers d’autres prélèvements des cotisations patronales "famille" et "maladie" auquel le gouvernement semble s’être engagé auprès du Medef. Une nouvelle prestidigitation risque d’être explosive ! En revanche, un basculement de ces cotisations vers une CSG progressive permettrait d’améliorer la transparence du financement de la Sécurité sociale tout en laissant les salaires nets inchangés et en diminuant le coût du travail.
Si la gauche ne veut pas perdre en 2017 sur la fiscalité comme Nicolas Sarkozy en 2012, elle doit comprendre que ce n’est pas en bandant les yeux de l’oie qu’on l’empêche de crier.
Camille Landais (Professeur à la London School of Economics and Political Science)
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