La transparence, c’est avant tout la revanche en ligne du peuple sur les élites, écrit le Corriere della Sera. Mais si les règles et contrôles se multiplient en France, ils ne sont en rien garants de l’éthique et de l’honnêteté individuelle.
La France a effacé les frontières entre vie publique et vie privée. Le choix de rendre public, en ligne, le patrimoine des ministres est la réponse de l’Elysée face à la perte de sa crédibilité et à la vague de ressentiment et de mépris des citoyens envers leurs représentants.
Et, dans l’urgence et la panique, c’est probablement l’unique réponse que le président pouvait apporter. Après que François Hollande a lui-même attisé les sentiments jacobins des citoyens contre les catégories aisées, les grands dirigeants d’entreprise et les riches en général, la grotesque affaire Cahuzac l’a contraint – dans une sorte de retour de bâton révolutionnaire – à une opération de transparence vis-à-vis de sa propre classe, la classe politique.
La décision du président (qui avait déjà rendu public son propre patrimoine) vient confirmer des réflexes culturels et institutionnels très français, à savoir la tentation de recourir à des solutions radicales quand le vase est plein. Mais aussi une attitude cartésienne et étatique qui consiste à vouloir réglementer l’éthique individuelle. Ou encore le pouvoir du président, qui ne doit pas attendre du Parlement qu’il s’impose une morale. Mais à l’époque de WikiLeaks et de Facebook, de la politique en ligne et du rejet de la politique, la mesure a également une conséquence universelle.
Retour à Robespierre
La vie privée appartient déjà au domaine public, car il est facile de mettre son nez dans la vie de tout un chacun, du compte en banque aux habitudes sexuelles. La transparence comme réponse thérapeutique à la corruption et aux malversations est d’ores et déjà devenue le paradigme de la politique même, le critère qui prime sur le mérite, les capacités de stratège ou le profil professionnel. La transparence, c’est la revanche en ligne du peuple sur les élites. Une transparence déjà exaltée au temps de Robespierre, sur la base d’un préjugé selon lequel l’honnêteté est l’apanage du peuple, ou de l’homme neuf qui sait toucher le cœur du peuple. “L’argent corrompt”, disait Mitterrand. “Je n’aime pas les riches”, lui répond en écho Hollande.
Reste à savoir dans quelle mesure et comment l’exaltation de la transparence, dans n’importe quelle démocratie, peut effectivement se traduire dans la moralisation de la vie politique et ne contribue pas à alimenter une sorte de voyeurisme populiste qui n’ajoute pas grand-chose à la légitimité des dirigeants ni à la crédibilité des institutions.
Les interrogations des Français et la curiosité qui les taraude depuis hier [lundi 15 avril] laissent prévoir une suite et des conséquences sujettes à controverse. D’aucuns se demandent s’il est cohérent d’être de gauche et de posséder un patrimoine de plusieurs millions, comme le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. D’autres, au contraire, manient l’ironie et manifestent leur incrédulité à l’égard des ministres "pauvres" qui ont déclaré en ligne une voiture utilitaire, un trois-pièces acheté à crédit, quelques milliers d’euros sur un compte en banque et trois bicyclettes.
Mesures, règles et contrôles...
Reste enfin la question fondamentale qui, comme dans le jeu de l’oie, ramène le débat à la case départ : cela servira-t-il à quelque chose ? On se rappellera à cet égard que la vie politique française était réglementée, comme dans de nombreux autres pays, depuis des dizaines d’années déjà. Ainsi, les élus doivent communiquer leur patrimoine au début et à la fin de leur mandat et sont tenus de faire une déclaration sur les intérêts qu’ils détiennent, dans laquelle sont mentionnés également les avoirs et l’activité du conjoint. Une commission a la faculté de s’adresser à la justice.
Mesures, règles et contrôles qui n’ont pas empêché Jérôme Cahuzac de mentir, outre au gouvernement et au président, à la même commission. Réglementations qui n’ont pas prévenu les enrichissements personnels, les pots-de-vin, les financements occultes des campagnes électorales, les privilèges non monétisables ni documentables mais inhérents à l’exercice du pouvoir.
A la médiatisation comme remède, Hollande ajoute le pouvoir de contrôle en ligne et le pouvoir d’enquête d’une autre commission, naturellement qualifiée de "haute", une sorte de grand frère de la politique qui élève le seuil de contrôle. Mais pour les élus, la transparence, avant d’être une règle, ne devrait-elle pas être un devoir, une garantie d’honnêteté ?
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