Sur le Titanic-France la catastrophe était imminente, à l’heure où le commandant Hollande faisait la leçon à ses pairs Africains
Le 30 novembre dernier, alors que l’on clôturait, à Dakar, le Sommet de la Francophonie, Madame Louise Mushikiwabo, notre Ministre des Affaires Etrangères, a sauvé l’honneur du Rwanda et de l’Afrique en recadrant les propos d’un donneur de leçons plutôt mal inspiré.
Notre Ministre avait largement raison : c’est justement parce que nombre de dirigeants africains ont souvent choisi de mettre sous le boisseau leur dignité face à des diktats de leurs maîtres d’outre Méditerranée, que ces derniers se sont cru tout permis.
Dans ce contexte, la protestation de celle que ses pairs africains considèrent comme l’un(e) des plus doué(e)s d’entre eux/elles, est arrivée à point nommé pour faire savoir à qui ne l’aurait pas encore compris que l’Afrique et le Monde ont changé d’époque.
Changer d’époque ? Oui, certes, mais aussi de paradigme. Voilà ce qui n’effleurait pas la conscience du locataire actuel de l’Elysée alors que le Titanic- France est sur le point de sombrer.
Etre à la barre d’un navire qui prend de l’eau de toutes parts n’autorise pas le commandant à se présenter en expert de la navigation en haute mer. Mais, à Dakar, devant un parterre de chefs d’Etat et de gouvernement africains, le Président Hollande n’a pas résisté à la délicieuse tentation de jouer à l’Empereur devant ses gouverneurs.
Si au moins ses pensums à l’adresse de ses pairs - pardon, à ses gouverneurs provinciaux - s’appuyaient sur des succès socio-politiques et économiques en Métropole. Mais tel n’est, hélas, de loin pas le cas. A vrai dire, c’est même l’inverse !
En effet, d’aucuns admettent que tous les clignotants de l’économie hexagonale sont au rouge et que seul le président Hollande ne semble pas s’en rendre compte.
Sur le plan politique, la situation n’est guère meilleure. Il nous suffit de rappeler que le Président Hollande est actuellement le champion toutes catégories de l’impopularité parmi les dirigeants de l’Europe occidentale, avec seulement 12 % de citoyens satisfaits de son action (lire ici), à mi-parcours de son mandat.
L’intéressé est à ce point répudié qu’il n’envisage même pas de rempiler en 2016, conscient que ses chances d’être reconduit sont nulles, dans tous les cas de figure. De là à penser que c’est ce sentiment intime de l’échec qui le porte à prendre en grippe ceux de ses homologues africains qui ont l’insigne privilège d’être adulés par l’immense majorité de leurs concitoyens, il y a un pas que nous n’hésitons pas à franchir.
D’autant que ces mêmes africains ne se contentent d’être politiquement en phase avec leurs concitoyens et qu’ils affichent des résultats économiques qui feraient passer les énarques les plus titrés pour des cancres de l’économie politique.
On comprend combien il est difficile pour le Président Hollande d’encaisser ce choc. Où déverser son ressentiment si ce n’est sur la tribune d’un Sommet de la Francophonie qui donne encore l’illusion aux monarques parisiens qu’ils sont encore les lumières de la planète ?
L’ironie de l’histoire a voulu que le 24 novembre dernier, soit quelques jours seulement avant que Président français ne choisisse de jouer au missionnaire de la démocratie sur la terre africaine, ce soit ses voisins allemands qui ont tenté, pour la nième fois, de lui faire remettre les pieds sur terre.
Et comment ? A la manière allemande bien sûr ; c’est à dire en assénant au gouvernement français le plus violent coup que Berlin ait jamais porté à son voisin d’outre Rhin depuis 60 ans. Même la petite Grèce, dans sa phase de quasi faillite financière, n’a pas fait l’objet d’un traitement aussi rude. Jugez-en vous-mêmes :
« J’espère que la France va se bouger le cul, sinon elle risque d’entrainer la zone euro par le fond ».
Dans un passé pas si lointain, un tel écart de langage eut valu à son auteur d’être interdit de tribune publique de part et d’autre du Rhin. La variante soft, bien improbable à vrai dire, eut consisté à hausse les épaules et décider que la charge venait d’un obscur élu en mal de publicité.
Mais voilà : Christian Ehler, l’auteur de la « gentillesse » citée plus haut, est un député CDU, fort écouté, dans les milieux proches du gouvernement Merkel. L’article dans lequel l’élu allemand cogne avec jubilation sur la France, a paru partiellement dans Libération du 24 novembre dernier. M. C. Ehler a-t-il voulu livrer à l’opinion ce que l’équipe Merkel pense du bilan de la gouvernance Hollande, à mi-parcours de son mandat ? Cela nous semble évident.
Mais nous en tenir à cette seule lecture serait faire mal mesurer l’ampleur du renversement des rapports de force qui s’opère au sein de l’UE depuis une dizaine d’années.
Si l’on n’est de loin pas dans la logique d’une confrontation ouverte entre les deux plus grosses locomotives de l’UE, il n’est pas moins vrai que la grande nation germanique écrase aujourd’hui l’Europe entière de sa puissance industrielle et diplomatique.
Et quel autre rival en face d’elle sinon cette France arrogante et superficielle avec laquelle une Allemagne, au faîte de sa puissance économique, se sent désormais libérée de son lourd passé. Que la presse européenne, allemande en particulier, n’en fasse pas les gros titres n’enlève rien à la réalité du moment.
M. C. Ehler ne s’est pas embarrassé de précautions oratoires, assuré qu’à Paris comme à Berlin, son propos fait echo à la réalité des rapports franco-allemands du moment. En parlant d’économie, l’élu allemand ne parlet-il pas aussi de l’histoire ? De l’histoire, mais aussi de l’avenir ? Ecoutons-le encore :
« Dans ce contexte, croire que le secours viendra de l’Europe ou de l’Allemagne est une illusion », « même si nous dépensions 20 milliards d’euros en France, cela n’aurait qu’un effet temporaire. La solution à long terme est uniquement française »(lire ici).
Plus crument dit, cela revient à à-peu-près ceci : il n’est plus acceptable que l’Allemagne reste la vache à lait de sa voisine, pantouflarde et donneuse de leçons. Plus question de se taire, face à cette détentrice de bombinette, titulaire indu d’un siège au Conseil de sécurité et jouant à l’Empire alors que ses poches sont aujourd’hui vides, et le seront davantage demain.
Aussi incroyable que cela puisse paraître : pas une seule ligne, une seule, dans la presse dite africaine pour éclairer le citoyen africain sur cette situation de quasi faillite du pays le plus donneur de leçons de la planète depuis 300 ans.
RFI Afrique, la plus bruyante vuvuzella du continent, a passé cette avant-dernière journée de l’an à nous parler de Simone Gbagbo, de Boko Haram, du homard géant sur le marché de Ringis, des footbaleurs africains, Ah, les foutbaleurs africains !) etc. etc, etc.
Du chômage qui bat les records en France, des banques hexagonales qui sont en quasi faillite (et qui ne survivent que par l’arnaque faite à leurs clients), des infrastructures aéroportuaires bradées aux Chinois pour une bouchée de pain, des universités qui sont logées dans des taudis faute d’entretien, dde commerçants qui ferment boutiques par dizaines de milliers : rien !
Les médias français de ces cinq dernières années n’ont rien à envier à ceux de Pyongyang et de Moscou, à la belle époque de l’URSS. Presque tous les ténors de la scène médiatique mainstream sont aux ordres, et les quelques rares resistants sont ceux qui sont assez fous pour ignorer que l’unique sort qui leur est réservé sera de se voir poussés à la sortie avant d’être ostracisés.
La réponse de l’Elysée aux protestations de Madame L. Mushikiwabo était centrée sur l’idée que le Président Hollande entendait, à Dakar, défendre les principes démocratiques. Il faudra beaucoup d’imagination aux Africains pour se convaincre que la France se bat pour défendre la démocratie en Afrique, elle qui, d’Abidjan à Ouaga, de Bangui à Yaoundé et de Bamako à Lomé, donne, année après année, les preuves qu’elle en est la vraie sinon l’unique fossoyeuse.
A Kigali, dieu merci, il y a longtemps que nous en sommes revenus de ces tartuferies d’un autre âge. Pour nous, et pour notre Ministre des AE, la démocratie et le respect du citoyen sont les deux faces d’une même médaille. L’une ne va pas sans l’autre. Et à Dakar, l’actuel locataire de l’Elysée a manqué de respect aux Africains au travers de leurs représentants légitimes, exactement comme l’avait fait son prédécesseur, sur la même tribune.
Son erreur aura été d’avoir voulu capitaliser sur une révolution burkinabé qui a déboulonné un chef d’Etat dont les seules performances connues ont consisté à agir en oncle Tom zélé au service des intérêts de ses maîtres parisiens. Que son peuple se soit montré patient ne signifiait nullement qu’il était dupe. En le chassant de son trône, les Burkinabés répudiaient du même coup une mainmise élyséenne de trente ans sur leur démocratie. Combien de temps cela durera ? Personne ne le sait mais nous aurons assisté réconfortes à une renaissance africaine en action.
Que Monsieur Hollande et ses conseillers aient cru un instant faire bon marché de cette magnifique célébration de la liberté, en cela a consisté la véritable tragédie de la France, en ce début du troisième millénaire.
Que Madame L. Mushikiwabo, et au travers elle, notre pays, soit la seule responsable africaine qui a choisi, à Dakar, de donner la voix à cette Afrique souvent aphone, cela va dans le sens d’un Rwanda et d’une Afrique qui ont décidé de prendre en main leur destin, conscients, certes, des avantages, mais aussi des charges qu’implique cet engagement.
Bonne année à tous les patriotes rwandais et africains.
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