"Témoignage de complaisance", "mensonge" à la cour : l’avocat général a cherché mercredi à détruire la crédibilité d’un témoin clé pour la défense au procès d’Octavien Ngenzi, un ancien bourgmestre rwandais jugé pour génocide aux assises de Paris.
Jean Mpambara, épaules carrées dans un costume sombre, est arrivé en habitué des prétoires. Lui-même accusé d’avoir pris part au génocide des Tutsi en 1994, il a été acquitté en 2006 par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
Ancien bourgmestre de Rukara, une commune de la préfecture de Kibungo (est), il est venu témoigner à la demande de la défense de Ngenzi. Ce dernier est accusé avec Tito Barahira, son prédécesseur à la tête du village de Kabarondo, d’avoir pris part aux massacres, notamment le 13 avril 1994, lors de l’attaque de l’église où des milliers de personnes s’étaient réfugiées.
Comme son "collègue devenu un ami", il a adhéré au parti au pouvoir, il a cherché à maintenir la concorde dans sa commune où "il n’y avait pas de problèmes particuliers" entre Hutu et Tutsi. Et quand le génocide débute, il "délivre des cartes d’identité" portant la mention "Hutu" à des Tutsi. "Je l’ai fait, Ngenzi l’a fait, pour permettre aux gens de franchir les barrières", explique Jean Mpambara.
Son aisance s’étiole à mesure des questions de la cour puis des attaques de l’avocat général, Philippe Courroye, qui soulignent les contradictions entre ses déclarations aux enquêteurs français et celles faites au TPIR.
A la cour, Jean Mpambara vient d’expliquer avoir fui sa commune de Rukara et être arrivé à Kabarondo dans la soirée du 12 avril. Il voit Ngenzi le lendemain matin, est chez lui quand le massacre débute à l’église. "Nous avons entendu des détonations".
Il passe en voiture devant l’église, où il voit "des gendarmes", puis quitte la localité pour y revenir en coup de vent le lendemain chercher sa famille restée chez son collègue.
– ’Toute la vérité’ -
"Au TPIR, vous avez déclaré n’être jamais allé à Kabarondo le 13", lance l’avocat général. "Vous avez menti aux enquêteurs, devant cette cour ou au TPIR ?" Puis, s’adressant à la cour, il s’indigne : "Vous avez devant vous un témoin qui a prêté serment de dire toute la vérité".
Pourquoi avoir changé de version ? "Parce qu’à l’époque de son procès devant le TPIR (2005-2006), Ngenzi n’était pas encore arrêté, il n’était pas devant une cour d’assises, n’avait pas besoin qu’on parle pour lui", tonne l’accusation. A cette époque-là, Ngenzi était à Mayotte, une île française de l’océan Indien où il tentait d’obtenir l’asile et où Mpambara le retrouve après son acquittement.
Rappelant à Jean Mpambara que "le faux témoignage est réprimé par la loi" française, Philippe Courroye hausse le ton, dénonce un "mensonge pour venir au secours de Ngenzi". Face au témoin qui maintient ses déclarations les plus récentes, il se résout à "poser quelques questions sans attendre grand chose". Certains jurés sourient. Passé la première salve qui l’a dérouté, le témoin résiste, maintient sa version.
– "Que penser d’un bourgmestre qui fait relâcher des pillards qui viennent de tuer le bétail d’un Tutsi ? Est-ce qu’à votre avis un bourgmestre doit encourager à tuer ?", attaque à nouveau l’avocat général.
– "Je crois que c’est le signe de la faiblesse de l’autorité", élude le témoin.
– "Devant l’église, à supposer que vous soyez là, vous voyez des gendarmes, le bourgmestre est là..."
– "Les gendarmes n’étaient pas là sur ses ordres. A cette époque, le bourgmestre était dépassé. On ne contrôlait plus rien, c’était la guerre", répète-t-il.
Pour la défense, Me Françoise Mathe ramène le témoin à son quotidien de fonctionnaire face au déchaînement des violences. "Il ne vous restait comme alternative que de fuir, se cacher ou se faire tuer", suggère-t-elle. "C’est ça", souffle-t-il.
Avec RFI
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