INDE • Pourquoi l’Inde a besoin de la peine de mort

Redigé par par Shivam Vij Kafila
Le 12 avril 2013 à 09:10

Le point de vue ironique et acerbe d’un journaliste de gauche, écrit après deux exécutions récentes et le rejet d’au moins dix demandes de grâce. Jusqu’à présent, la peine capitale était très peu appliquée.
Dessin de Stephff, Thaïlande.
On devrait pendre encore quelques personnes. Il y a tellement de gens à pendre, par qui on commence ? Et si on commençait par quelques non musulmans pour changer ? Après tout, il y a un "acte rarissime" [seul des actes qualifiés comme tels peuvent justifier, d’après les (...)

Le point de vue ironique et acerbe d’un journaliste de gauche, écrit après deux exécutions récentes et le rejet d’au moins dix demandes de grâce. Jusqu’à présent, la peine capitale était très peu appliquée.

Dessin de Stephff, Thaïlande.

On devrait pendre encore quelques personnes. Il y a tellement de gens à pendre, par qui on commence ? Et si on commençait par quelques non musulmans pour changer ? Après tout, il y a un "acte rarissime" [seul des actes qualifiés comme tels peuvent justifier, d’après les tribunaux indiens, l’application de la peine de mort] tous les trois jours. Allez, trouvons quelqu’un qui n’est pas trop sensible politiquement.
On a donc dégotté quatre types qui ont tué 22 personnes avec une mine, dont cinq policiers. Faire la guerre à l’Etat, tuer des policiers. Quand les policiers tuent quelqu’un on évoque "la loi et l’ordre", on parle de "rencontre." C’est exactement ce qu’on peut dire quand on pend les tueurs de flics ! Ces quatre types appartenaient à la bande de Veerappan, le bandit dont la conscience collective aimerait bien qu’il soit encore vivant pour qu’on puisse se réjouir à l’idée qu’il crève asphyxié. Mais comme on l’a tué lors d’une "rencontre" il y a longtemps, on n’a qu’à tuer ces quatre-là. Tuer des gens qui tuent des gens, c’est la meilleure façon de corriger les tueurs. Si les Etats qui appliquent la charia le font, pourquoi pas nous ? On est le pays du progrès et des Gandhi qui se multiplient [il y a le Mahatma Gandhi bien sûr, et sans lien de sang, la famille Nehru-Gandhi].

En tuant ces quatre-là, on établira définitivement l’Inde comme un pays où règne l’Etat de droit. Il n’y aura plus que 472 cas rarissimes à expédier. Dieu sait combien de crises politiques le gouvernement actuel devra affronter avant les prochaines élections. Chaque fois que ces ingrats de citoyens lambda se mettront à pleurnicher comme des chochottes, montrez-leur ce que c’est que la conscience collective : pendez un salopard et ça leur remettra les pendules à l’heure.

Il y aura peut-être quelques problèmes, une pénurie de corde par exemple, mais on peut être sûr que la commission du Plan trouvera quelque chose et que nous réussirons le coup de la corde aussi bien que les Jeux du Commonwealth [organisés à New Delhi en 2010, ils ont donné lieu à un scandale de corruption de grande ampleur].

La grâce est destinée à ne pas être accordée

Par ailleurs, pour que la justice suive son cours, il faut toujours pendre les gens en secret et non donner à ces minables le temps de pleurer devant leur famille, d’écrire de longues dernières lettres ou, Dieu nous en garde, de rencontrer leur avocat pour introduire des demandes de révision. Saibanna [inculpé de double meurtre] a déjà échappé à notre piège. Il est allé pleurnicher devant la Cour en disant qu’on ne devrait pas le pendre rien que parce qu’on avait mis trop longtemps à décider de le pendre. Quels hypocrites, ces obsédés des droits de l’homme ! Et ceux qu’ils ont tués, ils n’avaient pas de droits ? Ces gens commencent par se plaindre comme des chochottes que la justice met trop longtemps à suivre son cours et, quand elle suit son cours, ils se plaignent encore et veulent qu’elle mette encore plus de temps à suivre son cours ! Ils croient vraiment à la Constitution ? Ils sont maoïstes ou quoi ? [Les insurgés maoïstes, présents dans une bonne partie de l’est et du centre du pays, sont présentés par le gouvernement comme la plus grave menace contre le pays.]

De même que les promesses sont destinées à ne pas être tenues, la grâce est destinée à ne pas être accordée. L’Inde n’est pas un Etat faible. Ce n’est pas une question de politique mais de justice. La justice doit non seulement être forte mais aussi perçue comme forte. Ceux qui confondent justice et politique et prétendent que la justice a suivi un cours autre que le sien oublient que, comme a dit un jour M’dame [Sonia] Gandhi : "Yeh janta hai sab jaanti hai" ["Ce peuple sait tout" ; Sonia Gandhi dirige le parti au pouvoir].

Il faut que tous ces gens comprennent qu’on n’est pas comme les autres républiques bananières. On est notre république bananière hindoue à nous, avec des valeurs laïques, la démocratie, la liberté de parole, l’Etat de droit, des médias indépendants proches du Congrès, le Cachemire, un bon taux de croissance. Les autres républiques bananières n’ont pas tout ça.

Pendons les coupables, séance parlementaire après séance parlementaire. Tapons-nous la tête contre le mur en criant : "Jai Hind ! Jai Sonia ! Jai Hind !" [Vive l’Inde ! Vive Sonia ! Vive l’Inde !]


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