
Mis en cause après la découverte de paiements en liquide suspects pour un total de 20 000 à 25 000 euros et l’existence d’un virement de 500 000 euros sur son compte en banque, Claude Guéant tente de se défendre sur deux fronts.
L’ancien ministre de l’intérieur attribue les premières sommes à des primes en liquide, touchées lorsqu’il était au ministère de l’intérieur, et justifie les 500 000 euros par la "vente en 2008 de deux tableaux du peintre hollandais Andries van Eertvelt à un confrère avocat". Or, tout comme l’origine des paiements en liquide, la vente des tableaux suscite un certain nombre d’interrogations.
◾Sur le certificat d’exportation
L’ancien ministre de l’intérieur n’a jamais demandé de certificat d’exportation pour les deux tableaux, a indiqué jeudi 2 mai le ministère de la culture à l’AFP. Comme le rappelle le site spécialisé La Tribune de l’art, tout tableau d’une valeur supérieure à 150 000 euros doit pourtant obtenir un certificat du ministère de la culture pour être autorisé à sortir de France.
Interrogé une première fois dans la journée de jeudi par Médiapart, Claude Guéant a une première fois assuré détenir ce certificat, tout en refusant de donner des explications détaillées. De nouveau sollicité après l’annonce du ministère de la culture, il a cette fois "assuré ne jamais avoir confirmé ce point délicat", relate le site d’information.
Pour Christian Deydier, président du syndicat national des antiquaires, "il peut toutefois arriver qu’un particulier, à la différence d’un professionnel, ne connaisse pas la nécessité d’obtenir ce certificat". Il risque alors, explique-t-il, une amende pour infraction douanière. Sauf s’il s’agit d’un "trésor national", auquel cas il s’agit d’"un délit passible de deux années de prison et une amende de 450 000 euros". Ce qui n’est pas le cas de ces deux tableaux.
En revanche, si l’acheteur, en l’occurrence un "avocat malaisien", selon M. Guéant, a laissé les tableaux en France, aucun certificat n’était nécessaire à la vente.
Par ailleurs, l’attribution d’un certificat de sortie est automatique si le bien a été importé légalement en France depuis moins de cinquante ans. "Dans ce cas, les douaniers apposent leur tampon et ne gardent pas systématiquement trace du certificat", explique Christian Deydier.
Cité par Libération, Claude Guéant a déclaré tenir "les pièces justificatives de la vente de ces deux tableaux à la disposition de la justice", estimant qu’il est "anormal que le secret de l’instruction ait été bafoué et que des fuites aient été organisées dans la presse pour me nuire avant que j’ai pu apporter des explications au juge qui n’allait pas manquer de me convoquer".
◾Sur la valeur des deux tableaux
Selon Artprice, le prix des tableaux d’Andries van Eertvelt en ventes publiques a oscillé ces dix dernières années entre 12 000 et 140 000 euros. La "valeur type" d’une huile sur bois de 30 cm sur 60 cm du peintre représentant des bateaux en mer, comparable aux tableaux évoqués par Claude Guéant, "est de 15 127 euros", a même assuré Artprice, jeudi 2 mai à l’AFP. Pour aboutir à ce résultat, la société a retenu l’ensemble des peintures de cet artiste passées en ventes aux enchères publiques depuis 1989 et présentant des caractéristiques similaires aux œuvres décrites par M. Guéant. "Artprice n’a pas la science infuse et ne donne pas la réalité du marché, a tempéré Christian Deydier, le président du syndicat national des antiquaires. Un prix de 500 000 euros ne me surprend pas pour deux tableaux flamands."
◾Sur la taxe sur les plus-values
Il devrait en théorie être facile pour l’administration fiscale de déterminer si l’ancien ministre de l’intérieur s’est acquitté d’une taxe après la vente de ces deux tableaux. Or, si comme il l’assure, Claude Guéant a bien acquis ces deux tableaux "une vingtaine d’années" avant leur vente en 2008, et s’il est en mesure de prouver leur date d’achat, il est normal qu’il n’ait pas payé de taxe sur cette vente.
Il existe en effet deux cas de figure pour vendre une œuvre d’art. Si le vendeur ne peut pas prouver la durée de détention, il peut payer une taxe sur la plus-value de 5 %. S’il peut prouver la durée de détention, après la deuxième année, un mécanisme d’abattement de 10 % par année de détention aboutit à une exonération au bout de douze ans. Comme le résume un spécialiste de la fiscalité qui tient à garder l’anonymat, c’est aujourd’hui "le seul petit refuge fiscal qui reste pour ne pas payer d’impôt".
Sans se prononcer sur l’affaire Guéant, un connaisseur des questions de lutte contre la fraude financière estime que "les œuvres d’art sont un moyen fantastique pour transférer de l’argent de manière artificielle" dans la mesure où "il est difficile d’établir qu’il est fictif de faire une très forte plus-value dans un laps de temps exceptionnellement court".
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