La nouvelle valse d’Ari Folman avec le Festival de Cannes

Redigé par Nirit Anderman Ha'Aretz
Le 15 mai 2013 à 10:53

Après Valse avec Bachir, qui avait enchanté le monde du cinéma en 2008, le réalisateur israélien revient à Cannes présenter Le Congrès. Son oeuvre, à mi-chemin entre réalisme et animation, suscite la curiosité en Israël. La version animée (et vieillie) de Robin Wright dans Le Congrès - Capture d’écran de la bande annonce.
Le nouveau film d’Ari Folman est-il vraiment israélien ? C’est discutable. Le Congrès est une production anglophone avec une distribution américaine, dont l’histoire se passe très loin (...)

Après Valse avec Bachir, qui avait enchanté le monde du cinéma en 2008, le réalisateur israélien revient à Cannes présenter Le Congrès. Son oeuvre, à mi-chemin entre réalisme et animation, suscite la curiosité en Israël.

La version animée (et vieillie) de Robin Wright dans Le Congrès - Capture d’écran de la bande annonce.

Le nouveau film d’Ari Folman est-il vraiment israélien ? C’est discutable. Le Congrès est une production anglophone avec une distribution américaine, dont l’histoire se passe très loin du Moyen-Orient. Pourtant, le dernier opus de ce réalisateur est de loin le plus grand événement cinématographique de ces dernières années en Israël.

Valse avec Bachir, son documentaire d’animation novateur, avait été nommé aux Oscars en 2008. Une fois l’enthousiasme retombé, Folman a annoncé que son prochain film serait une œuvre de science-fiction et qu’il y mêlerait animation et véritables acteurs. L’ensemble du projet a été mené dans la plus grande confidentialité.

Jeudi 16 mai, le secret sera levé lorsque Le Congrès sera projeté pour l’ouverture du Festival de Cannes. Avant cela, Ari Folman s’est déplacé à Holon [près de Tel-Aviv, Israël] début mai, où il était l’invité d’honneur de la conférence "Design in Motion". Son intervention a captivé le public. L’odyssée de Valse avec Bachir a fait de lui un expert de la scène. Il n’empêche que la partie la plus intéressante de son exposé à Holon reste les bribes d’informations qu’il a révélées sur Le Congrès.

"Quelque chose de diamètralement différent"

Son film est inspiré d’un livre intitulé Le congrès de futurologie, du romancier polonais de science-fiction Stanislaw Lem. C’est à 16 ans qu’Ari Folman a découvert cette oeuvre publiée en 1971. Il s’agit d’une allégorie du régime communiste : un Etat dictatorial drogue ses citoyens pour les maîtriser plus facilement. Lorsqu’il était étudiant, il a relu ce roman et l’idée lui est venue de l’adapter quand il cherchait un nouveau projet de film.

"Après Valse avec Bachir, je me trouvais en quête d’inspiration et j’étais certain de vouloir entreprendre quelque chose de diamétralement différent", explique-t-il. Le travail d’animation de son précédent long métrage l’avait entraîné dans un voyage introspectif qui l’avait conduit à se remémorer ses vagues souvenirs de la première guerre au Liban.

Poursuivre avec un film de science-fiction lui a semblé un changement bienvenu. Il a donc retrouvé les détenteurs des droits du livre et a obtenu les droits cinématographiques.

Pourtant, même une fois ces formalités accomplies, Ari Folman ne savait toujours pas à quoi ressemblerait le film. Une seule chose était claire : cette fois, il associerait l’animation à des scènes filmées avec des acteurs.

"Diriger des comédiens m’a vraiment manqué", se souvient-il. A ce moment, il n’avait pas la moindre idée des acteurs fabuleux qui se joindraient au projet, comme Robin Wright, Harvey Keitel, Paul Giamatti, Jon Hamm et Danny Huston. Il a d’abord dû affiner ses idées et écrire le script.

Il explique que sa réflexion a beaucoup avancé en 2008 pendant les derniers jours du Festival de Cannes, où son film avait été projeté. Il se promenait au marché du film, le salon professionnel qui se déroule en parallèle du Festival et où des acheteurs et des distributeurs du monde entier cherchent des productions à commercialiser.

Ari Folman raconte que son agent lui a montré une femme de 65 ou 70 ans, et lui a demandé s’il la reconnaissait. Lorsqu’il a répondu par la négative, son agent lui a expliqué que cette Américaine était une ancienne actrice, autrefois célébrissime - un véritable fantasme cinématographique. Plusieurs décennies plus tard, elle s’occupait d’acheter les droits de films et plus personne ne la reconnaissait.

Une femme âgée qui doit affronter sa propre image

"J’ai compris que grâce à ses films, qui continuent d’être projetés, elle restait toujours jeune. En pratique, toutefois, la femme que l’on voit se trouve dans un monde complètement différent. Même à Cannes, elle n’est plus associée à la figure divine qu’elle était jadis, affirme Ari Folman. Je ne savais pas encore comment lier cette idée à mon film, mais j’avais en tête une femme âgée qui doit affronter sa propre image."

La dernière pièce du puzzle est apparue lorsqu’il a lu une citation de Jon Landau, co-producteur avec James Cameron du long métrage Avatar, sorti en 2009. Jon Landau affirmait ne pas comprendre pourquoi les créatures bleues de cette superproduction en 3D n’étaient pas elles-aussi nommées aux Oscars.

L’argument selon lequel les personnages créés par ordinateur ne pouvaient pas jouer comme des acteurs en chair et en os est venu s’associer dans l’esprit d’Ari Folman à cette actrice vieillissante qu’il avait vue à Cannes. A ce moment, l’histoire du Congrès a commencé à prendre forme.

"Beaucoup de noms me sont venus à l’esprit, explique le réalisateur à propos de son actrice principale. A la période des cérémonies de récompenses, j’étais à Los Angeles et à l’un de ces événements, j’ai vu Robin Wright, assise avec son ex-mari Sean Penn. Elle avait quelque chose de gracieux, poignant et triste. Je me suis dit : ’Voilà, le film portera sur elle’."

Il a téléphoné aux deux autres créateurs qui avaient travaillé avec lui sur Valse avec Bachir et qui ont continué sur Le Congrès - le directeur de l’animation Yoni Goodman et le concepteur artistique David Polonsky. Il leur a demandé de préparer quelques illustrations de Robin Wright. Armé de ces dessins et d’un synopsis, il a abordé l’actrice, qui a accepté de participer au film.

Finalement, Le Congrès est une adaptation libre du livre de Stanislaw Lem et n’hésite pas à s’éloigner de la source. Robin Wright (que l’on a vue dans Princess Bride et la série House of Cards) y joue son propre rôle.

Elle interprète une actrice sur le retour qui reçoit une offre étonnante de la part d’un studio hollywoodien : on lui propose de construire une figure en trois dimensions qui serait son portrait fidèle et serait envoyée à sa place pour jouer dans les films.

Ainsi, elle resterait jeune éternellement. La compensation financière est généreuse, mais elle doit en échange abandonner définitivement sa carrière d’actrice.

Des acteurs au salaire minimum

Les bases essentielles de l’animation ont été créées en Israël. "Il aurait été beaucoup plus facile pour moi de le faire à l’étranger, mais je souhaitais absolument travailler dans mon pays", précise Ari Folman. En revanche, les parties plus techniques, comme la colorisation, ont été réalisées ailleurs, en Pologne et aux Philippines par exemple.

Assembler le casting de rêve dont bénéficie le film a été possible uniquement parce que les acteurs ont aimé le projet, au point d’accepter d’être payés bien moins qu’à leur habitude. Ils ont été tellement impressionnés par Valse avec Bachir qu’ils étaient prêts à ne recevoir que le salaire minimum imposé par le syndicat des acteurs.

Il a fallu quatre ans et demi de travail pour réaliser Le Congrès et, aujourd’hui, la première projection à Cannes provoque une grande curiosité. Il semble que les (nombreux) fans de Valse avec Bachir soient intrigués par le nouveau travail d’Ari Folman.

Ainsi, cinq ans plus tard, le réalisateur va de nouveau se lancer dans la tournée des festivals du monde entier, sans compter le déluge éreintant d’interviews qui l’attendent. Il ne sait toujours pas quand le film sortira sur les écrans israéliens, mais les courts extraits diffusés à Holon ont sans aucun doute aiguisé l’impatience de ses futurs spectateurs.


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