* Pas de condamnation pour l’ancien directeur du FMI. Mais au nom d’une morale bêtement conformiste, il restera un affreux criminel.
Même à l’heure de l’acquittement, puisque en fin de compte pécher n’est pas forcément un crime, Dominique Strauss-Kahn semble ne plus pouvoir se parer de cette virginité morale que la politique exige sottement de ses représentants [le 2 novembre, le parquet de Lille a classé sans suite la procédure pour viol engagée contre lui dans l’affaire dite du Carlton de Lille ; il reste mis en examen pour proxénétisme aggravé]. Que le vieux satyre se résigne avec sérénité à son déclin et goûte au plaisir amer d’écrire ses mémoires, activité favorite de tous les grands proscrits.
Qu’il s’inspire, puisque nous sommes en France, non pas de Casanova mais du cardinal de Retz, sublime vaurien et insigne collectionneur d’amants, devenu dans l’exil un grand écrivain. Forcé d’occuper un temps libre surabondant, reclus dans un château de province par ordre de Louis XIV en personne, qui ne cachait pas sa haine à son égard.
Vieille garde
En ces temps de fastidieuse vertu, le Roi-Soleil a cédé la place à l’opinion publique, animal informe et sournois, avec ses tristes rengaines : un homme public, nous rabâche-t-on, ne peut succomber à des penchants et à des plaisirs qu’une morale sourcilleuse réprouve.
C’est le triomphe du modèle américain qui fait de chaque fumeur un assassin en puissance et de chaque époux adultère un ennemi de la société. Il faudra du temps pour mesurer la portée de cette authentique catastrophe culturelle, de cette absurde confusion.
Cet homme – ou cette femme – privé de vices, auquel nous devrions confier notre avenir, n’aurait d’autre qualité que son insignifiance. Jamais dans l’histoire de l’humanité l’absence de vices n’a rendu des crétins intelligents, des lâches courageux, des médiocres remarquables.
On a presque honte de devoir rappeler des vérités si rebattues. Et pourtant, l’adhésion à une morale conformiste, mélange de grisaille et de bienséance, est en train de devenir le principal critère de sélection démocratique dans le monde entier.
C’est toujours mieux que des voleurs ou des assassins, bien entendu. Mais nous les regretterons, les hommes de la vieille garde, les incorrigibles loustics, les bigames, les puissants scandaleux d’avant. Ils étaient humains, en proie à leurs désirs et à leur angoisse de mort. Au bout du compte, leurs péchés étaient ceux de tous. La morale contemporaine, à l’inverse, n’appartient vraiment à personne, et cela est proprement inquiétant.
Corriere della Sera
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