Le discours sibyllin rwandais sur la situation tendue de l’Est de la RDC

Redigé par Jovin Ndayishimiye
Le 26 novembre 2012 à 02:56

Des accusations « légères » du rapport d’experts des Nations Unies avançant le soutien actif du Rwanda et de l’Ouganda sont rejetées en bloc par les deux pays. Que reproche-t-on à ce rapport ? De ne se limiter qu’aux hostilités déclenchées par le M23 et d’oublier le fardeau porté par les pays limitrophes que la longue crise de la RDC a provoquée depuis les années d’après la chute de Mobutu ? Y a-t-il des non dits dans les discours officiels des autorités des pays incriminés ? Et puis les intérêts (...)

Des accusations « légères » du rapport d’experts des Nations Unies avançant le soutien actif du Rwanda et de l’Ouganda sont rejetées en bloc par les deux pays. Que reproche-t-on à ce rapport ? De ne se limiter qu’aux hostilités déclenchées par le M23 et d’oublier le fardeau porté par les pays limitrophes que la longue crise de la RDC a provoquée depuis les années d’après la chute de Mobutu ? Y a-t-il des non dits dans les discours officiels des autorités des pays incriminés ? Et puis les intérêts géostratégiques des grandes puissances de ce monde ne sont pas du tout effleurés dans ce rapport.

Alors que sévit les mutins du M23, qu’après avoir pris d’assaut la Ville de Goma, Chef lieu de la Province du Kivu à l’Est de la RDC, l’ONU décide de publier officiellement ce rapport sur la situation à l’Est de la RDC qu’il a commandé pour savoir l’exacte gravité de la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC. Ce rapport cite nommément le Rwanda et l’Ouganda et leur reproche de soutenir cette instabilité par le biais de la rébellion du M23.

La question n’est pas, entendez bien, pourquoi cette insécurité et ces armes qui tonnent. Le Rwanda officiel visé prend le poil de la bête. Il tempête et nie tout soutien en bloc. Pourtant, on remarque, de la part des officiels, un discours plein de violence qui semble accuser les auteurs d’avoir une quelconque tendance partiale.

Le Groupe d’Experts onusiens dirigés par Steve Hege a fait un travail parfaitement incomplet sur les tireurs de ficelles rwando ougandais rangés derrière les mutins congolais du M23. Il se fonde sur des indices très forts mais pas sur des évidences. Il se fonde également sur des convictions intimes qui restent à vérifier autant que pensent tous les observateurs politiques de la scène des Grands Lacs. On remarque que le discours autour de cette guerre de la part de tous les intervenants de près ou de loin dans cette situation de guerre en RDC, personne n’est franc. Les discussions et débats autour de la question qui se font à huis clos ne sont jamais rendus dans les déclarations publiques.

Hier le 24 novembre 2012, au Parlement, alors qu’il recevait le serment de son nouveau vice ministre à la Coopération internationale, M. Eugène Richard Gasana, le Président rwandais Paul Kagame a profité de l’occasion pour se défouler un peu, pour se désalourdir la conscience du fait de la sortie officielle du rapport d’experts des Nations Unies sur l’implication du Rwanda dans son soutien actif aux rebelles du M23 qui viennent de prendre la Ville de Goma et menacent de progresser vers Bukavu au Sud Kivu et Kinshasa, la capitale.

Dans son discours, des séquences revenaient souvent avec insistance.
« Nous ne cesseront de leur dire la vérité ». « Notre vérité n’est pas nécessairement celle qu’ils veulent entendre ». « Qu’ils le veuillent ou non, nous avons le devoir de leur dire notre vérité. Eux, ils sont libres de l’entendre ou non ». « Nous sommes un petits pays mais nous ne sommes pas moins valeureux ».

Ces segments ne disent pas ce que la Communauté internationale ou Kinshasa ne veulent pas entendre de la ‘vérité’ de Kigali. Au fait, cette « vérité » n’a pas non plus été dite par Kagame.
Par contre, ceci veut dire une chose. Les mutins du M23 ont commencé leur lutte autant que le CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple du Général Nkunda en 2006 ou le RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie de Me Azarias Ruberwa) en 1998 l’ont commencée.

Les mauvais antécédents de Kigali
Terrassés de questions de la presse internationale pour savoir si oui ou non les troupes rwandaises étaient au Congo, progressant avec celles du RCD avec objectif Kinshasa entre 1998 et 2003, après moult tergiversations, les responsables politiques et militaires rwandais ont décidé de déclarer qu’ils appuyaient ce Mouvement armé.

La question a été prise au sérieux surtout que le Rwanda était menacé par les forces ALIR (Armée de Libération du Rwanda) composées principalement d’éléments des anciennes milices rwandaises de triste mémoire INTERAHAMWE et autres anciens militaires des ex-Forces Armées Rwandaises non contents de n’avoir pas pris leur revanche pour reprendre Kigali quand l’AFDL/Alliance des Forces Démocratiques de Libération du Congo, elle aussi appuyée fortement par le Rwanda et l’Ouganda, les a pris de court en 1997 et les a éloignées des frontières congolaises avec le Rwanda.

« Le Rwanda et l’Ouganda ont collaboré pour soutenir la création et l’Expansion de la Branche politique du M23…le Rwanda a fourni les armes et des troupes de renfort aux rebelles du M23. Il a encouragé des désertions du sein des FARDC. De facto, la Chaîne de commandement du M23 est coiffée par le Ministre rwandais des Forces Rwandaises de Défense, le général James Kabarebe. Le M23 est proprement une création du Rwanda », lit-on dans AP/Associated Press qui reprend les extraits du rapport désormais officiel.

Des promesses non tenues par la partie congolaise pour les stratégies sécuritaires à l’Est RDC

De telles accusations sont graves. On ne doit pas les lancer à pied levé sans preuves tangibles à l’appui. Il faut dire que, dans la logique des choses, tout observateur se croirait fondé d’avancer l’idée d’une implication des deux pays dans le soutien aux M23 car, tôt en 1996-7, l’accompagnement de l’AFDL/Alliance des Forces Démocratiques de Libération du Congo avec à sa tête Laurent Désiré Kabila, père de Joseph, par les troupes rwandaises et ougandaises ne doit pas avoir été gratuit.

Le Père doit avoir promis un périmètre Est RDC sécurisé au point que des forces négatives pouvant inquiéter les deux régimes ougandais et rwandais ne pouvaient pas y opérer pour menacer les régimes de leurs pays respectifs.

Or, peu après sa prise de pouvoir, Laurent Désiré a payé d’ingratitude ses mentors. Il s’est plutôt tourné vers les forces rebelles anti rwandais, ougandais et même burundais pour bouter dehors ces troupes qui l’avaient intronisé à Kinshasa. Les ALIR/PALIR rwandaises (Armée de Libération du Rwanda, Parti pour la Libération du Rwanda), les ADF-NALU (Allied Democratic Forces-National Army for Liberation of Uganda) et autres FNL Palipehutu et CNDD-FDD burundais.

La suite, on la connaît. L’ingouvernabilité proche de la faillite du Congo malgré les élections qui se sont déroulées dans ce pays. Les mouvements rebelles étrangers pullulaient dans cet Est du Congo et menaient des attaques contre les régimes de leurs pays respectifs. Ainsi sont-ils nés les RCD de Me Azarias Ruberwa ou MLC (Mouvement de Libération du Congo de Jean Pierre Bemba), plus tard, le CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple) comme réponse à ces mouvements qui brutalisaient et massacraient sérieusement les citoyens congolais tout en cherchant à dégager une voie pour faire tomber les régimes de leurs pays respectifs.

Payés en monnaie de singe

Dans toute cette saga de mauvais goût, les maîtres de Kinshasa, le clan Kabila, a obtenu ce qu’ils cherchaient ; le pouvoir. Non seulement ils se sont retournés contre leurs mentors mais aussi contre leurs compatriotes rwandophones qui ont été à la pointe de leur combat pour la capture du Pouvoir à Kinshasa. On a vu des dizaines de milliers de Congolais rwandophones fuir leur pays pour venir peupler des camps de réfugiés au Rwanda, au Burundi ou en Ouganda.

Dans leur entendement, il va sans dire que ces intrépides guerriers rwandophones sont assimilés aux Rwandais que par conséquent ils ne devaient pas jouir des dividendes du pouvoir. Or, eux aussi ne manquent pas d’ambitions démesurées.

L’observateur rationnel trouvera que c’est de bonne augure que le Rwanda et l’Ouganda qui ont assisté le Clan des Kabila à la capture du pouvoir de Kinshasa sympathisent avec leurs revendications surtout que ces derniers peuvent efficacement barrer la route à leurs opposants armés respectifs.

Les géostratégies internationales sur la RDC, pièce maitresse dans le puzzle congolais

Ce scandale géologique qu’est la RDC est très prisé par la Communauté internationale. Tous les regards sont braqués sur lui. Dans l’entendement de celle-ci, les pays voisins ne veulent que profiter de la gestion désordonnée de cette RDC.

Pourtant, les experts économistes affirment que même au cas où la RDC renouait avec une bonne gouvernance stable, il lui prendra plusieurs décades pour renverser les tendances des routes commerciales qui, pour ce qui est de l’Est de la RDC, sont tournées vers la Communauté Economique de l’Afrique de l’Est dont principalement le Rwanda, l’Ouganda et le Kenya ; pays qui appliquent à la rigueur le système ultracapitaliste parfait de gestion de leurs Etats.

« Nous souhaitons ardemment voir stabilisé l’Est de la RDC. Nous y gagnons beaucoup en échanges commerciaux au lieu de le voir en proie à de violences interminables », a récemment déclaré la Ministre rwandaise des Affaires Etrangères, Louise Mushikiwabo en réaction à la question lui posée par un journaliste occidental lui demandant si réellement le Rwanda soutient les mutins congolais du M23.

Cette déclaration a-t-elle été entendue dans toute sa profondeur par la Communauté internationale ? Et comment l’a-t-elle été perçue ?

On a vu des puissances européennes particulièrement coriaces jouant dans les coulisses et de façon solennelle pour que le Rwanda écope des sanctions internationales dont la suspension des aides pour son rôle supposé dans l’appui aux mutins du M23. Il y a lieu de citer la Belgique et la France. Des lobbies britanniques ou américains s’évertuent également à travailler dans ce sens.

Ceci se comprend car Kigali a entrepris un combat dangereux pour son indépendance économique. Or ceci n’entre pas dans l’intérêt de ces puissances car ceci revient, en d’autres termes, à réclamer sans le dire la révision de l’OCDE/Organisation Internationale pour le Commerce et le Développement Economique qui vit du commerce nord-sud parfaitement inéquitable, des Accords UE-ACP (Union Européenne-Afrique/Pacifique/Caraïbes et autres Coopérations bilatérales Pays du Nord-Pays du Sud.

Les pays de l’Hémisphère Nord ne sont pas du tout intéressés par ce courant déclenché par le régime d’un petit pays comme le Rwanda car cette gestion saine et déterminée de l’économie rwandaise qui procède par l’accroissement des richesses sociales peut servir de modèle aux autres pays de la périphérie dépendant entièrement des aides occidentales pour équilibrer leurs budgets ordinaires. La démocratie et la transparence dans la gestion de la chose publique, c’est leur label et non celui des pays du Sud.

Il faut également noter que les mutins du M23 ne peuvent pas être appuyés par la Communauté internationale car, si d’aventure ils pouvaient être responsables de la gestion autonome des Provinces du Kivu, gérant avec parcimonie les affaires publiques comme leurs parrains rwandais ou ougandais, cela reviendrait à créer un pouvoir fort au Congo où tous les gros contrats dont ceux du cuivre, de l’uranium ou de l’or congolais et bien d’autres peuvent être revus en faveur des citoyens congolais.

Le branle-bas de combat contre Kigali déclenché par les médias internationaux qui relaient les ONGs occidentales opérant au Congo et, par ricochet, les puissances occidentales peut-il se comprendre de cette façon ? Kigali peut-il sortir victorieux de ce combat quand bien même il est élu pour deux ans au Conseil de sécurité des Nations Unies ?

Il lui faut de la crampe et du sang froid et nouer des relations avec des lobbies puissants occidentaux. Kigali ne doit pas non plus entrer dans la peau de la bête agressée donnant en désordre des coups ici ou là. La violence de son discours ne résout pas du tout les problèmes. Au contraire, elle les exacerbe.


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