André GUICHAOUA est professeur de sociologie à Paris et fut expert depuis 1996 dans plusieurs procès du TPIR, notamment celui de Butare qui regroupe six accusés : Pauline NYIRAMASUHUKO, Joseph KANYABASHI, Shalom NTAHOBALI, Elie NDAYAMBAJE, Alphonse NTEZIRYAYO et Sylvain NSABIMANA. Le 13 novembre 2014, Il publiait dans le journal LE MONDE un article intitulé : « Le génocide des Tutsis n’a pas été préparé quatre ans à l’avance ».
Il interprète mensongèrement les résultats du TPIR et soutient des thèses négationnistes qu’il convient de réfuter et de condamner. Pour l’honneur et la mémoire des morts.
Mensonge sur la compétence temporelle du TPIR
GUICHAOUA écrit que « les juges de toutes les chambres [du TPIR] se sont refusés à entériner une histoire intentionnaliste du génocide des Tutsi qui voudrait qu’il ait été préparé depuis 1990 au début de la guerre déclenchée par le FPR, voire depuis la proclamation de la République hutu en 1959 ».
Une telle argumentation constitue un mensonge au regard du Statut du TPIR. Selon la résolution 955 du Conseil de sécurité du 8 novembre 1994, le TPIR n’avait pas le mandat de connaitre des infractions qui ont eu lieu avant 1994. Sa compétence temporelle fixée par l’ONU se limitait uniquement à l’année 1994.
C’est donc un mensonge délibéré de vouloir insinuer que le TPIR n’a pas prouvé la planification du génocide avant 1994 puisque cela ne lui était pas permis.
De toute façon, l’essentiel que l’histoire retiendra est que le TPIR ait prouvé et établi à l’issue des procès contradictoires, que le génocide commis au Rwanda a été dirigé contre les Tutsi, en raison de leur appartenance ethnique et que ce génocide est désormais un fait de notoriété publique qui ne prête plus à discussion.
Par ailleurs, le TPIR n’a pas nié que les Tutsi aient été victimes de crimes graves avant 1994. L’existence de ces crimes dans l’histoire du Rwanda depuis 1959 se trouve dans tous les actes d’accusation du procureur, et les juges ne lui ont jamais désapprouvé. Dans plusieurs procès, tel celui de Ferdinand NAHIMANA, le TPIR s’est aussi référé au comportement antérieur des accusés dans leur vie estudiantine et professionnelle d’avant 1994 pour y puiser des preuves de leur haine anti-tutsi, et donc de leur intention de tuer les Tutsi et de leur rôle dans le génocide des Tutsi commis en 1994.
L’absolution du Gouvernement en place le 6 avril 1994
Le professeur GUICHAOUA écrit que « le gouvernement en place le 6 avril 1991 n’était pas génocidaire. Son premier ministre assassinée le 7 avril et le haut commandement militaire n’étaient pas génocidaires ». Sans aucun doute, la regrettée Agathe UWILINGIYIMANA n’était pas génocidaire et elle est honorée comme une vraie patriote. Si la clique des organisateurs du génocide a tué cette brave dame, c’est qu’elle ne cautionnait pas le plan d’exécution du génocide.
Par ailleurs, si ce gouvernement n’était pas génocidaire, ses ténors n’ont-ils pas commencé par assassiner ses rares membres hutu, comme les ministres Fréderic NZAMURAMBAHO, Boniface NGULINZIRA et Faustin RUCOGOZA qui refusaient tout extrémisme ethnique et politique ? Rappelons que le TPIR a condamné à des peines très lourdes des membres du Gouvernement en poste le 6 avril 1994 et des hauts gradés militaires, dont l’ex-chef d’état-major, le général Augustin BIZIMUNGU.
La jurisprudence du TPIR reconnait la planification du génocide
Contrairement aux affirmations mensongères du professeur GUICHAOUA, le TPIR dans l’ensemble de ses jugements a reconnu la longue planification du génocide commis contre les Tutsi ainsi que l’implication du Gouvernement, de ses forces armées et de ses milices. Le seul exemple du plaidoyer de Jean KAMBANDA est assez éclairant. KAMBANDA a confessé, entre autres, les crimes suivants :
– « Il y a eu au Rwanda en 1994 une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile tutsi, dans le dessein d’en exterminer les membres (§ 39, i) ;
– Avant le 6 avril, le gouvernement d’alors a organisé et commencé l’instruction militaire des mouvements de jeunes du MRND et du CDR dans l’intention de les utiliser dans les massacres qui s’ensuivirent (§ 39, vi) ;
– Jean KAMBANDA dirigeait un conseil de ministres qui exerçait un contrôle sur les membres du gouvernement, l’administration et les forces armées ainsi que les hauts fonctionnaires et les officiers supérieurs de l’armée (§ 39, ii) ;
– Jean KAMBANDA a siégé aux réunions du cabinet et des préfets dans lesquelles on suivait l’évolution des massacres : il n’a pris aucune mesure pour y mettre un terme ; il a participé à la décision du gouvernement de dépêcher certains ministres dans les préfectures afin d’inviter la population civile à faire preuve de vigilance pour démasquer l’ennemi et ses complices, que sont les Tutsi et les Hutu modérés : par exemple dans la destitution du préfet de Butare qui s’était opposé aux massacres (§ 39, iii) ;
– La directive sur la défense civile adressée aux préfets le 25 mai (publiée le 8 juin 1994) sur la défense civile a encouragé les Interahamwe qui commettaient des massacres de la population civile tutsi dans les préfectures ; le gouvernement assumait la responsabilité des actes perpétrés par les Interahamwe (§ 39, v) ;
– Le gouvernement intérimaire a distribué des armes et des munitions aux milices ; des barrages routiers tenus par des patrouilles mixtes d’éléments des forces armées rwandaises ont été érigés et des Interahamwe ont été érigés à Kigali et ailleurs dans le pays à l’annonce de la mort du Président Juvenal HABYARIMANA ; les medias ont été utilisés dans le dessein de mobiliser et d’inciter la population à commettre des massacres de la population civile tutsi et l’existence au sein de l’armée, des milices et des rouages politiques, de groupes qui avaient planifié l’élimination des Tutsi et des opposants hutu ;
– Jean KAMBANDA a encouragé et soutenu la RTLM à continuer à inciter aux massacres de la population tutsi (vii) ;
– Le Premier Ministre et les membres de son gouvernement dans leurs tournées dans les préfectures (Butare, Gitarama, Gikongoro, Gisenyi et Kibuye) ont incité, aidé et encouragé les préfets, les bourgmestres et la population à commettre des massacres et des assassinats de civils tutsi et hutu modérés (ix) ;
– Jean KAMBANDA reconnaît avoir pris la parole lors de grands rassemblements et dans les médias pour inciter directement et publiquement la population à tuer les Tutsi et les Hutu modérés (x) ;
– Il reconnaît avoir été témoin oculaire des massacres des Tutsi et en avoir été informé par le biais des rapports périodiques émanant des préfets et des réunions du conseil des ministres (xii) ;
– Jean KAMBANDA reconnaît qu’il avait ou qu’il aurait dû savoir que ses subordonnés commettaient des massacres contre les Tutsi et qu’il n’a ni empêché, ni puni les auteurs. »
GUICHAOUA est un négationniste habile mais dangereux
Le professeur GUICHAOUA ne se déclare pas comme négationniste à l’instar d’autres écrivains comme Pierre PEAN, Robin PHILIPOT, Serge DESOUTER, Charles ONANA et autres. Il reconnait même que les Tutsi ont été victimes d’un génocide. Son négationnisme se situe dans le fait de nier la planification de ce génocide, d’atténuer les responsabilités de ses auteurs et de criminaliser les victimes. En voici quelques faits :
Pour GUICHAOUA, l’attentat est le fait du FPR et il est la cause du génocide
GUICHAOUA a forgé cette thèse sur base d’un faux témoignage rapporté par Feu Abdul RUZIBIZA qui, après avoir longtemps menti, s’est plus tard rétracté pour admettre son mensonge délibéré. Rappelons que c’est GUICHAOUA et sa collègue Claudine VIDAL qui ont écrit eux-mêmes le livre de RUZIBIZA propageant ce mensonge.
Une fois que ce dernier s’est rétracté, GUICHAOUA et VIDAL, pris de honte, se sont dits étonnés du revirement de RUZIBIZA sans pour autant admettre qu’ils s’étaient fait avoir, ce qui est un signe qu’ils ont du mal à s’écarter d’une thèse négationniste qui fait de l’attentat la cause du génocide. Surpris par le revirement de RUZIBIZA, les deux auteurs ont tenté, par un communiqué diffusé dans les medias, de se justifier en persistant dans leur erreur :
« Aujourd’hui, Abdul Ruzibiza déclare que ses témoignages précédents étaient des montages et que ceci vaut pour le livre qu’il atteste avoir écrit et que nous avons, l’une, préfacé, l’autre, postfacé. Nous rappelons cependant que ce livre a 494 pages sur lesquelles 15 pages seulement sont consacrées à l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana.
Dans ses déclarations, Ruzibiza intervient uniquement sur cet épisode pour affirmer qu’à ce sujet il a tout inventé. Nous avons eu cependant l’occasion de vérifier, avant la publication de cet ouvrage, que nombre d’informations livrées par l’auteur étaient recoupées par d’autres témoignages, autres que ceux connus par Ruzibiza.
Aujourd’hui nous ne sommes pas convaincus que Ruzibiza puisse prouver qu’il a menti sur toute la ligne depuis 2003 et notamment devant le TPIR, que ce soit sur l’attentat, que ce soit sur d’autres points. Quant aux mobiles de la rétractation d’Abdul Ruzibiza, nous ne savons que ce qu’il en dit lui-même et que nous n’avons pas à discuter. Il appartient aux juridictions concernées de réagir à cette revendication de faux-témoignage. »
Dans ce communiqué, on sent la honte et le désarroi de ces professeurs d’université qui ont soutenu un mensonge flagrant et ne sont pas capables d’en reconnaitre l’évidence pour des mobiles de haine et purement négationnistes.
GUICHAOUA prêche le refus de confier au RWANDA les archives du TPIR
Dans un texte paru fin janvier 2008 dans la presse française, GUICHAOUA écrit :
« En revendiquant le transfert au Rwanda des archives du tribunal et des accusés encore non jugés ou non arrêtés (…) les actuelles autorités rwandaises entendent s’approprier le travail et la légitimité du TPIR alors qu’elles figuraient elles-mêmes parmi les cibles de la politique pénale de poursuite ».
Et il poursuit son réquisitoire contre les autorités rwandaises en ces termes : « Jusqu’où le TPIR peut-il accepter de se soumettre à l’obligation de réalisme politique que l’actuel régime rwandais impose à tous les interlocuteurs internationaux au nom de leur défection devant les massacres et le génocide de 1994 ? ».
Refuser aux autorités rwandaises le droit de conserver les archives d’un génocide dont ils gèrent ses conséquences constitue non seulement une entorse à la mémoire des victimes mais aussi une insulte au peuple rwandais qui a le droit de disposer des documents historiques pour les générations futures.
CONCLUSION
Le génocide est défini par le droit comme un crime commis dans l’intention de « détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ».
Or l’intention implique un plan concerté à l’avance, et en ce qui concerne l’extermination des Rwandais Tutsi, le TPIR a clairement établi l’intentionnalité de ce crime. Le TPIR a même prononcé contre des ministres du Gouvernement en poste en 1994, des condamnations à perpétuité pour le crime d’entente en vue de commettre le génocide sur les Tutsi.
Il s’agit, outre celui contre Jean KAMBANDA, du ministre de l’Information Eliezer NIYITEGEKA, du ministre des finances Emmanuel NDINDABAHIZI, du ministre de la jeunesse Callixte NZABONIMANA et de la ministre de la Famille Pauline NYIRAMASUHUKO. Comment alors des gens comme A. GUICHAOUA, F. REYNTJENS, B. LUGAN, P. ERLINDER, C. ONANA, S. DESOUTER et leurs acolytes peuvent-ils raisonnablement dire que ce crime n’a pas été planifié ?
Dr Jean Damascène Bizimana est un chercuer et sénateur au Parlement rwandais.
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