L’augmentation des coûts de production en Chine pourrait rééquilibrer le jeu mondial au profit des Etats-Unis et d’une Europe réindustrialisés.
Contre-intuitif
Cela ne date pas d’hier. Le mythe d’une Asie triomphante refermée sur elle-même et sur des "valeurs asiatiques" remonte au moins aux années 1980.
Ce fut d’abord le Japon dans sa grande confrontation avec les États-Unis qui cherchaient déjà à neutraliser son mercantilisme en imposant le relèvement du yen par rapport au dollar. Résultat, les firmes japonaises se sont délocalisées vers l’Asean mais pour réexporter vers les pays développé
L’effet statistique est alors évident : apparemment plus de commerce intra-asiatique, mais en réalité confiné à la chaîne de valeur ajoutée. Car, in fine, le débouché ultime est resté le monde développé.
Puis ce fut le tour de la Chine dans les années 90. Mais cette fois au détriment de l’Asean qui a connu un choc de compétitivité vis à vis du made in china. Ceci explique pourquoi elle fut la plus touchée par la grande crise asiatique de 1997.
Tout au plus, les pays riches en matières premières minérales ou agricoles, comme l’Indonésie ou la Malaisie, se sont mis à réorienter leurs exportations vers la Chine qui elle-même assemblait les composants japonais, coréens ou taïwanais pour les réexporter vers le monde occidental.
Bref, le « circuit intégré asiatique » avait changé de lieu mais pas de logique comme on le dit bien dans un livre paru en 2001 : Chine, Hong Kong, Taïwan : une nouvelle géographie économique de l’Asie. Car évidemment, le modèle asiatique mercantile n’avait pas beaucoup changé de nature entre temps. La part de la consommation finale dans le PIB chinois ne dépasse ainsi toujours pas 40 % contre près de 75 % dans les pays développés.
Montée des coûts
Il reste qu’on est peut-être rentré dans une 3e phase de l’intégration asiatique avec la crise de 2009, et marquée par le retour de l’Asean dans le jeu compte tenu de trois facteurs :
1. Sur le plan économique, c’est d’abord la montée incroyable des coûts en Chine, y compris environnementaux, et la pression à la réévaluation du yuan.
Comme pour le Japon dans le passé, tout pousse à se relocaliser, y compris de la part des entreprises chinoises, et notamment vers des pays comme le Vietnam ou le Bangladesh pour le textile ou l’électronique, mais aussi vers la Thaïlande qui retrouve petit à petit un rôle de hub et notamment dans l’automobile.
2. Deuxième facteur, toujours économique : la stagnation de la demande occidentale qu’on perçoit comme durable en raison de la crise de la dette, se double d’un mouvement de relocalisation en Occident même : la réindustrialisation américaine est en marche (même s’il faut rester prudent), mais aussi en Europe car les deux ensembles retrouvent des marges de compétitivité vis-à-vis de l’Asie.
3. Enfin troisième facteur, politique cette fois : la peur de la domination de la Chine en Asie se traduit par une volonté d’élargir le jeu et de trouver un terrain neutre entre les trois grandes puissances de la région : Chine, Japon et… Etats-Unis. Et ici l’Asean tente de jouer la double carte économique et politique d’une zone d’attraction et d’apaisement.
L’Asie désunie
Ce n’est pas pour rien que le concept de « valeurs asiatiques » soit venu de nos amis de Singapour et notamment du Premier ministre Lee Kuan Yew, chinois d’origine et grand penseur du modèle singapourien autoritaire. Mais aussi d’un Indien de Singapour, Kishore Mahbubani, diplomate singapourien pendant 15 ans et père de la théorie du « Siècle de l’Asie ».
Tout cela est bien paradoxal. Car, en réalité, chaque pays d’Asie se méfie de son voisin, d’où les échecs de l’intégration de l’Asean jusqu’à présent. Il représente moins du quart de son commerce total, contre plus de 60% dans l’Union Européenne.
D’où aussi l’annonce d’un élargissement des négociations commerciales pour créer un marché commun régional (RCEP) avec non seulement l’Asean, mais aussi l’Australie, la Chine, l’Inde et le Japon.
Or les États-Unis ne laisseront pas faire bien sûr et jouent sur la peur de la menace chinoise pour rester dans le jeu. Quant à l’Europe, elle a déjà des accords de libre-échange avec la Corée et négocie en ce moment avec le Japon et l’Inde à leur demande d’ailleurs.
Bref, le différentiel de croissance entre l’Asie et les pays occidentaux va jouer mécaniquement en faveur de la demande asiatique. Mais il n’y a pas à craindre de forteresse Asie.
On peut tout au contraire souhaiter que les pays d’Asie de l’Est se débarrassent de leur modèle mercantiliste, et ce au profit du bien-être de leur population. Ce sont autant d’opportunités pour réindustrialiser l’Europe et permettre aux firmes européennes implantées directement en Asie de faire valoir leurs avantages compétitifs certains.
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