Alors qu’arrivaient jeudi au Burundi quatre chefs d’Etat (Afrique du Sud, Sénégal, Mauritanie et Gabon) et un Premier ministre (Ethiopie) envoyés par l’Union africaine pour pousser le président burundais à dialoguer avec son opposition, Human Rights Watch dénonçait « la brutalité accrue » déployée par « les autorités » burundaises face « aux opposants présumés » : }
« les forces gouvernementales tuent, enlèvent, torturent et arrêtent arbitrairement de nombreuses personnes, à un rythme alarmant ». En début de semaine, c’est le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, qui avait tenté – apparemment en vain – d’obtenir un tel dialogue du président Nkurunziza, qui en exclut toujours la coalition d’opposition Cnared.
Pour analyser la situation, « La Libre Belgique » a interrogé par téléphone Léonce Ngendakumana, un des signataires hutu de l’Accord de paix d’Arusha qui mit fin à la guerre civile (1993-2005), aujourd’hui président du parti Frodebu-Sawanya et un des rares chefs de l’opposition qui n’a pas fui le Burundi – quand 250 000 Burundais l’ont fait. Ces visites « traduisent la préoccupation internationale sur la crise au Burundi, en particulier les assassinats politiques et massacres à caractère politico-génocidaire », analyse le politicien.
Le régime « a commencé à attaquer la Constitution depuis que le Parlement a refusé de la modifier pour permettre à Pierre Nkurunziza de se succéder à nouveau à lui-même« , le 21 mars 2014. « Depuis lors, il détruit l’armée et la police ; il a renforcé et armé les Imbonerakure », la milice du parti présidentiel et « fait la chasse aux membres des partis politiques qui ont participé aux manifestations contre le troisième mandat » présidentiel, interdit par l’Accord de paix d’Arusha.
Déplacer l’attention
Mais parce qu’il est en difficulté au niveau politique, étant de plus en plus isolé, le président Nkurunziza « cherche à déplacer la question sur le plan ethnique », dit l’opposant hutu. « Il accuse les Tutsi de vouloir prendre le pouvoir aux ‘85 %’ de Hutu », bien que la majeure partie de ses adversaires politiques soient hutu. Et cette propagande fonctionne, s’alarme M. Ngendakumana, « parce que nous, les Hutu, avons été victimes du pouvoir tutsi pendant 30 ans ».
Le régime Nkurunziza « s’attaque avec violence aux quartiers tutsi et aux jeunes Tutsi qui, lorsqu’ils sont arrêtés, sont rapidement tués, tandis que les jeunes Hutu sont généralement arrêtés pour ‘redressement’ », explique l’opposant. « Une grande partie du (parti présidentiel) CNDD-FDD s’est enfuie du pays. C’est pourquoi je parle de massacres à caractère politico-génocidaire.«
Fin de l’équilibre ethnique
Cette politique n’est pas sans conséquences pour l’équilibre mis au point par l’Accord de paix d’Arusha. Le régime « s’attaque, au sein de l’armée, aux ex-FAB » (Forces armées burundaises), soit l’armée tutsi qui existait jusqu’à l’Accord de paix d’Arusha et qui a, conformément à ce dernier, été fusionnée avec les anciennes guérillas hutu pour former les nouvelles armée et police. A ces évictions ethnistes s’ajoute celle « de tous ceux qui, au sein des forces armées CNDD-FDD, étaient opposés au troisième mandat« , poursuit-il.
« Tous ceux-là ont été remplacés par des miliciens Imbonerakure, ce qui aboutit à la rupture de l’équilibre ethnique ( 50/50) prévu par l’Accord de paix d’Arusha« , souligne l’opposant avec inquiétude.
« Aucun parti digne de ce nom »
Enfin, pointe M. Ngendakumana, la politique du régime « a pour effet de démanteler les partis politiques, les médias, la société civile. Aujourd’hui, il n’y a plus aucun parti politique digne de ce nom ». Les grands partis d’opposition comme « le Frodebu, l’Uprona, le FNL n’existent plus que sur le papier. Ils ne peuvent plus exercer leurs droits. Il est impossible, aujourd’hui, de rencontrer un organe d’un parti politique« .
Et du côté du parti présidentiel, officiellement au pouvoir, cela ne va pas mieux. « Le CNDD-FDD a, en réalité, été remplacé par les ex-combattants » de la guérilla hutu, les « civils » ayant été écartés quand ils ne sont pas pourchassés comme dissidents. « Aujourd’hui, ce n’est plus ce parti qui prend les décisions. »
Selon le co-rédacteur de l’Accord de paix d’Arusha, « pour résoudre ce problème, il faut des négociations globales. Celles-ci doivent :
1. Mettre un terme à la violence afin de créer un environnement favorable aux négociations et à la préparation d’élections conformes à l’Accord de paix d’Arusha.
2. Négocier la réhabilitation de celui-ci pour qu’il reste, avec la Constitution, la seule référence politique et juridique du pays.
3. Mettre en place des institutions capables de mettre cela en application et procéder à des élections."
Avec la Libre Belgique
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