« Les jeunes Tutsi arrêtés sont rapidement tués au Burundi »

Redigé par Marie-France Cros
Le 26 février 2016 à 02:29

Alors qu’arrivaient jeudi au Burundi quatre chefs d’Etat (Afrique du Sud, Sénégal, Mauritanie et Gabon) et un Premier ministre (Ethiopie) envoyés par l’Union africaine pour pousser le président burundais à dialoguer avec son opposition, Human Rights Watch dénonçait « la brutalité accrue » déployée par « les autorités » burundaises face « aux opposants présumés » :
« les forces gouvernementales tuent, enlèvent, torturent et arrêtent arbitrairement de nombreuses personnes, à un rythme alarmant ». En début de (...)

Alors qu’arrivaient jeudi au Burundi quatre chefs d’Etat (Afrique du Sud, Sénégal, Mauritanie et Gabon) et un Premier ministre (Ethiopie) envoyés par l’Union africaine pour pousser le président burundais à dialoguer avec son opposition, Human Rights Watch dénonçait « la brutalité accrue » déployée par « les autorités » burundaises face « aux opposants présumés » : }

« les forces gouvernementales tuent, enlèvent, torturent et arrêtent arbitrairement de nombreuses personnes, à un rythme alarmant ». En début de semaine, c’est le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, qui avait tenté – apparemment en vain – d’obtenir un tel dialogue du président Nkurunziza, qui en exclut toujours la coalition d’opposition Cnared.

Pour analyser la situation, «  La Libre Belgique » a interrogé par téléphone Léonce Ngendakumana, un des signataires hutu de l’Accord de paix d’Arusha qui mit fin à la guerre civile (1993-2005), aujourd’hui président du parti Frodebu-Sawanya et un des rares chefs de l’opposition qui n’a pas fui le Burundi – quand 250 000 Burundais l’ont fait. Ces visites « traduisent la préoccupation internationale sur la crise au Burundi, en particulier les assassinats politiques et massacres à caractère politico-génocidaire », analyse le politicien.

Le régime « a commencé à attaquer la Constitution depuis que le Parlement a refusé de la modifier pour permettre à Pierre Nkurunziza de se succéder à nouveau à lui-même« , le 21 mars 2014. « Depuis lors, il détruit l’armée et la police ; il a renforcé et armé les Imbonerakure », la milice du parti présidentiel et « fait la chasse aux membres des partis politiques qui ont participé aux manifestations contre le troisième mandat » présidentiel, interdit par l’Accord de paix d’Arusha.

Déplacer l’attention

Mais parce qu’il est en difficulté au niveau politique, étant de plus en plus isolé, le président Nkurunziza « cherche à déplacer la question sur le plan ethnique », dit l’opposant hutu. « Il accuse les Tutsi de vouloir prendre le pouvoir aux ‘85 %’ de Hutu », bien que la majeure partie de ses adversaires politiques soient hutu. Et cette propagande fonctionne, s’alarme M. Ngendakumana, « parce que nous, les Hutu, avons été victimes du pouvoir tutsi pendant 30 ans ».

Le régime Nkurunziza « s’attaque avec violence aux quartiers tutsi et aux jeunes Tutsi qui, lorsqu’ils sont arrêtés, sont rapidement tués, tandis que les jeunes Hutu sont généralement arrêtés pour ‘redressement’ », explique l’opposant. « Une grande partie du (parti présidentiel) CNDD-FDD s’est enfuie du pays. C’est pourquoi je parle de massacres à caractère politico-génocidaire.« 

Fin de l’équilibre ethnique

Cette politique n’est pas sans conséquences pour l’équilibre mis au point par l’Accord de paix d’Arusha. Le régime « s’attaque, au sein de l’armée, aux ex-FAB » (Forces armées burundaises), soit l’armée tutsi qui existait jusqu’à l’Accord de paix d’Arusha et qui a, conformément à ce dernier, été fusionnée avec les anciennes guérillas hutu pour former les nouvelles armée et police. A ces évictions ethnistes s’ajoute celle « de tous ceux qui, au sein des forces armées CNDD-FDD, étaient opposés au troisième mandat« , poursuit-il.

« Tous ceux-là ont été remplacés par des miliciens Imbonerakure, ce qui aboutit à la rupture de l’équilibre ethnique ( 50/50) prévu par l’Accord de paix d’Arusha« , souligne l’opposant avec inquiétude.

« Aucun parti digne de ce nom »

Enfin, pointe M. Ngendakumana, la politique du régime « a pour effet de démanteler les partis politiques, les médias, la société civile. Aujourd’hui, il n’y a plus aucun parti politique digne de ce nom ». Les grands partis d’opposition comme « le Frodebu, l’Uprona, le FNL n’existent plus que sur le papier. Ils ne peuvent plus exercer leurs droits. Il est impossible, aujourd’hui, de rencontrer un organe d’un parti politique« .

Et du côté du parti présidentiel, officiellement au pouvoir, cela ne va pas mieux. « Le CNDD-FDD a, en réalité, été remplacé par les ex-combattants » de la guérilla hutu, les « civils » ayant été écartés quand ils ne sont pas pourchassés comme dissidents. « Aujourd’hui, ce n’est plus ce parti qui prend les décisions. »

Selon le co-rédacteur de l’Accord de paix d’Arusha, « pour résoudre ce problème, il faut des négociations globales. Celles-ci doivent :

1. Mettre un terme à la violence afin de créer un environnement favorable aux négociations et à la préparation d’élections conformes à l’Accord de paix d’Arusha.

2. Négocier la réhabilitation de celui-ci pour qu’il reste, avec la Constitution, la seule référence politique et juridique du pays.

3. Mettre en place des institutions capables de mettre cela en application et procéder à des élections."

Avec la Libre Belgique


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