La lettre du président malien par intérim, Dioncounda Traoré, dans laquelle il "sollicite" officiellement l’aide de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), "dans le cadre du recouvrement des territoires occupés du Nord et la lutte contre le terrorisme" est parvenue, mardi 4 septembre, à son destinataire, le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, président de la Cédéao.
Aussitôt, Paris a annoncé, jeudi, l’organisation, d’une conférence sur le Sahel, le 26 septembre, à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, dont l’appui est nécessaire pour une intervention militaire au Mali.
Soixante chefs d’Etats y sont conviés, et François Hollande a déjà indiqué qu’il en serait. Mais de Kati, QG de la junte militaire malienne, à l’origine du coup d’Etat de mars qui a renversé l’ancien président Amadou Toumani Touré, des réactions très négatives sont parvenues. Une réunion houleuse, selon des sources concordantes, s’y est tenue à l’issue de laquelle les militaires maliens ont affiché leur hostilité à toute intervention étrangère.
"La position est claire : nous ne voulons pas de forces d’interposition sur notre sol", confirmait, jeudi sur RFI, Bakary Mariko, porte-parole du capitaine Amadou Sanogo, le chef de la junte, qui aurait été lui-même mis en difficulté par ses troupes.
L’appel au secours du président Traoré, porté par un émissaire à Abidjan, se voulait pourtant prudent. Dans sa lettre datée du 1er septembre, dont Le Monde a obtenu une copie, le chef de l’Etat malien par intérim sollicite, pour reconquérir le nord du Mali déclaré indépendant le 6 avril par les Touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et occupé depuis par des groupes djihadistes alliés à L’al-kaida islamique (AQMI), l’envoi de "cinq bataillons à partir de la ligne de front à engager graduellement dans le contrôle des villes reconquises".
Or cette ligne démarre à 683 kilomètres de Bamako, ce qui exclut toute présence militaire étrangère dans la partie gérée par le pouvoir central où se trouve la junte. Concernant la "sécurisation des institutions de la transition" M. Traoré précise, en revanche, que "le déploiement d’unités de police constituées ou de forces militaires combattantes n’est pas l’objectif".
Quant à la "réorganisation des forces armées et de sécurité", troisième chapitre ouvert dans le courrier, il n’est fait mention que d’une aide technique, comme "la formation d’un bataillon de déminage".
Ces détails prouveraient qu’il y a bien eu négociations, au préalable, avec des représentants de la junte, avant qu’elle ne manifeste son désaccord. Le président Traoré "pensait avoir un accord avec les militaires, mais l’enthousiasme n’a duré que vingt-quatre heures, et maintenant il est en danger, et la transition avec", s’alarme un de ses proches qui souhaite préserver l’anonymat.
En mai, le chef de l’Etat, violemment agressé dans son bureau par des manifestants, avait dû quitter le pays pour se faire soigner à Paris. Ce n’est que deux mois plus tard qu’il avait pu retourner à Bamako. "Nous avons fait une erreur à ce moment-là, poursuit ce proche. Jamais nous n’aurions dû le laisser repartir une sécurité extérieure comme beaucoup le préconisaient, dont Laurent Fabius."
Décrit "très isolé" dans son propre pays, M. Traoré, qui doit conduire la transition dans un pays coupé en deux, voit le cercle de ses partisans se réduire de plus en plus. Et il semble avoir peu d’emprise sur le nouveau gouvernement "d’union nationale" dirigé par le premier ministre Cheick Modibo Diarra, formé au mois d’août. La junte, qui a rendu le pouvoir aux civils après son coup d’Etat, y dispose de solides appuis.
Or cette dernière s’oppose à l’intervention de la Cédéao en arguant que l’organisation africaine retient, dans le but d’agir elle-même, des armes qui auraient dû lui être livrées. Achetées par l’ancien président Amadou Toumani Touré, des armes de guerre sont effectivement bloquées depuis le 27 juillet, sur le port de Conakry, à la demande de la Cédéao, a reconnu le gouvernement guinéen.
Par crainte, disent les spécialistes du dossier, qu’elles ne tombent dans les mains d’une armée jugée "déstructurée" ou pire, qu’elles soient vendues aux djihadistes du nord du pays.
Ces derniers progressent toujours. Le 1er septembre, Douentza, une ville stratégique de la région de Mopti, à moins de 150 kilomètres de la "ligne de front" à laquelle faisait référence M. Traoré, a été prise sans effusion de sang par le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
Qualifié de "priorité des priorités" par le président malien, le projet de la reconquête du Nord avec le renfort de la Cédéao est activement soutenu par la France. "Nous avons une demande malienne, cette demande pourrait ou, semble-t-il, devrait prendre une dimension africaine.
Et à ce moment-là, le Conseil de sécurité [de l’ONU] devra exercer ses responsabilités pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale", a affirmé Jean Felix-Paganon, conseiller du chef de la diplomatie française pour le Sahel dans une déclaration diffusée jeudi par la télévision publique sénégalaise.
"La France, a poursuivi le diplomate qui effectue une nouvelle visite dans les pays de la zone, n’entend pas être un acteur de premier rang, mais elle peut être un facilitateur." Avant même Bamako, c’est pourtant lui qui a révélé la demande "formelle" du Mali à la Cédéo, au risque de froisser des susceptibilités.
Le Monde
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