Le Gouvernement rwandais vient d’enfourcher un cheval rébarbatif difficile à chevaucher, celui de l’idéologie de la citoyenneté rwandaise, appelons-la la rwandité, aux fins d’éradiquer celle de l’ethnocentrisme hutu et/ou tutsi qui peuple la conscience sociale rwandaise de façon vivace depuis les années 1959 de peu avant l’indépendance jusqu’à sa culmination dans le génocide des Tutsi de 1994.

La force des idées : inculquer dans la psychologie sociale le virus du séparatisme

Le Gouvernement, dans sa croisade contre cette idéologie de l’ethnocentrisme, descend à la base communautaire et déploie une réelle volonté politique comme arme de conviction et de persuasion des paysans. Pourtant eux, ils ont vécu leur réconciliation avec la dure période de l’application de la justice traditionnelle Gacaca.

Le Maire de la Ville de Kigali, Fidèle Ndayisaba dans la campagne de ’Ndi Umunyarwanda dans le Secteur de Nduba le 25 novembre 2013. Il centre sa campagne sur sa propre expérience de separatisme vécue

Le pardon a été demandé par les bourreaux souvent de façon superficielle. Les victimes l’ont accordé car elles étaient mises devant la criante réalité : Toute une surpopulation ne doit pas être emprisonné à vie. Elle coûte cher.

Et puis, « il faut rectifier l’histoire cruellement mouvementée de notre société rwandaise », ne cessaient de leur dire les préposés à l’Unité et à la Réconciliation.

Mais, au centre de tout le débat, est la question de savoir comment attaquer et extirper de la conscience populaire une idéologie de l’ethnocentrisme hutu/tutsi, administrée à forte dose dans les milieux lettrés depuis que le ‘Manifeste des Bahutu’ de 1959, mise en application avec la grogne sociale bien orchestrée par l’administration belge et menée tambour battant par les jeunes Bahutu dont celui qui allait devenir le Premier président du Rwanda, Grégoire Kayibanda, eux-mèmes appuyés par un très actif clergé rwandais et blanc de Mgr Perraudin et prêché dans toutes les paroisses catholiques de tous les diocèses du pays.

Ministre de la Fonction Publique, Anastase Murekeraho, dans la campagne qu’il mène à Muhanga se souvient avoir milité pour le séparatisme alors étudiant en Belgique.

On comprend alors la grande quantité de la volonté politique et sociale extrêmement néfaste mise dans déchirure du tissu social de la nation rwandaise. Les stratégies du mal ont été sérieusement incrustées dans le vécu quotidien du citoyen rwandais.

Une thérapeutique pauvre : nécessité de synergie d’actions citoyennes

Le Gouvernement actuel pense que seule sa volonté politique peut produire des effets escomptés. Hélas force est de constater que celle-ci ne produira pas des effets notoires tant que la Société civile ne sera pas associée à cette lutte consistant à déboulonner tout cet édifice idéologique de l’ethnocentrisme.

Ministres, députés, gouverneurs et autres maires et exécutifs de secteur pourront sillonner le pays. Ils risquent de ne pas avoir des résultats escomptés du moment qu’ils n’associeront pas de façon sérieusement et systématiquement concertée, les églises qui deviennent légion de nos jours, à commencer par la puissante église catholique.

De deux, il faudra repenser le partenariat Société Civile- Etat dans la mesure où les ONGs locales et autres associations intervenant dans la création des richesses sociales pourront elles aussi jouer un rôle dans l’essor des conditions de vie des citoyens tout en les associant au débat sur la qualité sans cesse améliorée des outils et instruments de production.

Si l’ethnocentrisme hutu ou tutsi est une idéologie qui s’est abreuvée dans la pauvreté matérielle des citoyens façonnant ainsi leur mode de pensée ethnocentriste pleine de préjugés sociaux et dans le dysfonctionnement constaté dans la redistribution des revenus y compris les écarts criants de salaires, il va sans dire qu’une équipe de sociologues chevronnés et patriotiques devrait être mise sur pied comme institution au niveau de chaque district administratif du pays.

Cette équipe dûment rémunérée rien que pour des recherches particulières aux réalités locales devra faire l’inventaire des défis et tentera d’échafauder des mesures palliatives pour les passer aux agents de districts et de secteurs devant exécuter les recommandations de l’équipe en question.

Le débat citoyen permanent

On a vu avec le lancement de cette campagne de sensibilisation à l’idéologie de la rwandité des officiels poser comme dans Les Animaux Malades de la Peste de Jean de la Fontaine s’accusant de petits maux qu’ils ont commis dans le cadre de la lutte pour l’ethnocentrisme hutu en vigueur sous l’ancien régime du Général Président Juvénal Habyarimana.

Pourtant, force est de constater que même ces excuses ne sont pas nécessaires. Par contre, il faut que l’équipe dirigeant le pays sache qu’éradiquer une telle idéologie enracinée dans la mémoire collective durant plus de 4 décennies est un grand projet qui doit être étudié par des experts en pédagogie populaire et à eux de tabler sur ces recherches pour administrer des politiques idoines.

L’habitude de l’écriture

Somme toute, les dirigeants rwandais sont interpellés par l’écriture. Les sentiments qu’ils éprouvent sur les omissions ou les actions faites étayant l’ethnocentrisme pourraient faire l’objet de leurs mémoires tout en montrant comment ils pensent pour éradiquer à jamais cette idéologie afin que les rwandais pensent citoyenneté au lieu de la hutité ou la tutsité.

Leurs projets d’écriture s’avèrent nécessaires dans la mesure où, comme il fallait militer dans l’ethnocentrisme pour généralement être pris pour des durs et donc avoir droit aux dividendes du pouvoir d’alors, autant faut-il donc qu’avant de faire la descente sur terrain pour lutter contre cette idéologie, chaque officiel pourrait écrire son mémoire pour montrer comment l’idéologie de la citoyenneté rwandaise vient changer positivement l’ordre des choses dans l’arène politique rwandaise.