A partir de 18 h 30, aucune moto n’a le droit de circuler dans les artères de la ville de Goma, dans l’est de la RDC. Des piétons sont obligés de rentrer à la maison avant 20 h. Seules les voitures échappent à cette nouvelle réglementation. Un couvre-feu, instauré par la mairie, est en vigueur et vise à lutter contre la recrudescence de l’insécurité dans la ville. Si la petite accalmie enchante plus d’un habitant, ce couvre-feu lèse les prostituées. Il est désormais difficile pour elles de trouver des clients.
"Maintenant là, vous me trouvez en plein deuil. Je suis en train de me remettre à Dieu parce qu’il est le seul qui puisse m’aider." Zawadi Kabuo se prostitue dans les bistrots du quartier Majengo, au nord de Goma. Le couvre-feu la met dans l’embarras financier : "Je n’ai pas de père, ni de mère, ni de mari. Comment puis-je faire pour faire vivre mes trois enfants ? Avant, quand je rentrais les mains vides, je gagnais quelque chose du motard qui me transportait. Il couchait avec moi toute la nuit et soustrayait de son argent ce qu’il me devait. Aujourd’hui qu’ils ont instauré ce couvre-feu, qu’est-ce qu’ils nous veulent ?"
De nombreux conducteurs de motos sont dans le viseur de la mairie car ils sont suspectés d’implication dans des attaques à main armée qui ont eu lieu récemment. Parmi eux, de nombreux ex-militaires ou ex-policiers qui se sont recyclés en faisant le taxi-moto. Ce moyen de transport est populaire car il est bien meilleur marché que les mini-bus. On peut prendre un taxi-moto pour 1 000 CFA, c’est à dire moins d’1 dollar par nuit.
Travail foutu
Antoinette, jeune prostituée, fait remarquer que seuls les clients d’une certaine classe sociale ne sont plus au rendez-vous : "Les rares clients qui ont leurs propres voitures vont dans des boîtes de nuit. Mais la plupart de la classe moyenne dorment chez eux ; ils ne peuvent pas faire l’impossible ! Et c’est notre travail qui est foutu."
L’alternative serait de travailler pendant la journée. Ceci n’est possible que dans la plus grande discrétion, car le business du sexe est considéré comme répugnant par la tradition africaine. C’est la raison qui a poussé Zawadi Kabuo à déménager vers un quartier où elle peut recevoir ses clients en cachette. Comme astuce, elle fait semblant d’attendre un rendez-vous dans l’un des débits de boisson. Ses manières séduisantes portent ses fruits. "Je n’ai que la prostitution pour me faire vivre, dit-elle. La journée, ceux-qui viennent boire me trouvent ici. S’ils sont intéressés par mes services, on négocie le prix puis on passe à l’acte."
Davantage d’insécurité
Cependant, certaines prostituées, rentrant chez elles tardivement à pied, se plaignent d’être souvent tracassées et même violées par des patrouilleurs de l’armée régulière. Sandrine explique ce qui lui est déjà arrivé : "La sécurité qu’ils nous ont apportée nous insécurise davantage. Une nuit, par exemple, un soldat m’a demandé ma carte. Comme je ne l’avais pas et que j’avais les poches vides, il m’a obligée de coucher avec lui gratuitement. Vers une ou deux heures du matin, il m’a lâchée. Je ne savais où aller à cette heure-là parce qu’il n’y avait pas de taxis-motos. Ça fait vraiment pitié !"
Toutes les prostituées de la ville de Goma ne demandent que la reprise normale de la circulation des motos-taxis pour un meilleur exercice de leur profession. Elles menacent d’envahir le domicile du maire de la ville, auteur de ce couvre feu. Zawadi Kabuo se déchaîne : "Toutes les prostituées, nous préparons un jour ou nous débarquerons. Nous avons déjà préparé ce que nous allons lui dire. Que veut-il que nous devenions ? Dois-je aller déposer mes enfants chez lui pour qu’il les prenne en charge ? Nous irons vivre chez lui, s’il sait nourrir toutes les prostituées de cette ville."
Jusque-là, aucune réponse des autorités concernées aux desiderata de ces professionnelles de sexe.
RNW
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