La toile tissée par la NSA, révélée par Edward Snowden, l’ex-consultant de la plus importante agence de renseignement américaine, est symbole de gigantisme. On en sait, aujourd’hui, davantage sur les procédures et l’exhaustivité de l’intrusion américaine.

Des serveurs informatiques dans un data center de Paris, le 30 juin.
C’est une certitude, les Etats-Unis fouillent les secrets de leurs alliés comme de leurs ennemis. En revanche, peu d’éléments ont encore filtré sur l’autre visage de cet espionnage, celui où apparaissent les individus ou les entreprises ciblés par le gouvernement américain.
Cette facette, sans doute la plus explicite en termes d’atteinte aux libertés publiques et individuelles, ne concerne donc pas que les pays considérés comme des adversaires mais également des nations amies comme la France, au cœur des centres d’intérêt de la NSA. Des documents de cette agence, obtenus par Le Monde, illustrent cette intrusion, à grande échelle, dans l’espace privé des citoyens français comme dans les secrets de grandes entreprises nationales.
La preuve la plus récente de cet espionnage apparaît dans un document daté du mois d’avril 2013 au détour d’une page d’un manuel d’utilisation du programme Prism, dévoilé par Edward Snowden, qui explique, en 41 pages, aux analystes de la NSA comment se servir de cet outil destiné à la collecte des données sur les serveurs des grands fournisseurs d’accès américain tels que Microsoft, Yahoo, Facebook ou Google.
L’une des fiches du manuel indique à l’analyste qu’il ne doit pas utiliser le seul programme Prism pour ses recherches. Il doit aussi puiser ses informations à une autre source connue sous le nom d’Upstream, qui permet d’intercepter les communications qui transitent par les câbles sous-marins et les infrastructures d’Internet.
Au détour d’une liste de 35 exemples d’adresses choisies pour montrer l’intérêt de cette recherche élargie, on découvre ainsi que la NSA s’est intéressée de très près, du 1er au 31 janvier 2013, à tout ce qui est lié à wanadoo.fr et alcatel-lucent.com.
Wanadoo est une ancienne filiale de France Télécom qui a lancé son activité de fournisseur d’accès à Internet en 1995 et dont les activités ont été intégrées, en 2006, sous la marque Orange. Un tiers des clients d’Orange, soit 4,5 millions de personnes, utilise encore aujourd’hui l’adresse mail wanadoo.fr. Interrogée, la direction d’Orange s’est refusée à tout commentaire.
"ENTREPRISE STRATÉGIQUE"
Quant à Alcatel-Lucent, née de la fusion, en 2006, entre le groupe français Alcatel et l’américain Lucent Technologies, elle emploie plus de 70 000 personnes et œuvre dans le secteur sensible de l’équipement des réseaux de communications.
Alcatel-Lucent possède des pépites comme les routeurs de cœur de réseau qui organisent le transport des données numériques ou l’activité de pose des câbles sous-marins par lesquels transite l’essentiel des flux de communications mondiaux. Fin 2012, Bercy a étudié la reprise totale ou partielle par Orange d’actifs d’Alcatel.
Mi-janvier 2013, Fleur Pellerin, ministre en charge des PME, de l’innovation et de l’économie numérique a évoqué le possible investissement du Fonds stratégique d’investissement (FSI), détenu par la Caisse des dépôts et l’Etat français, dans Alcatel-Lucent Submarine Networks (ASN), la filiale de câbles optiques sous-marins d’Alcatel-Lucent.
Selon elle, cette activité représente un intérêt "stratégique", notamment en ce qui concerne "la cybersurveillance" et "la sécurité du territoire". Pour bien se faire comprendre, la ministre s’est déclarée favorable, sans citer les Etats-Unis, "à une solution qui maintienne l’intégrité d’ASN et son ancrage national".
Sollicitée par Le Monde, à plusieurs reprises, aussi bien sur les questions d’espionnage électronique américain à l’encontre d’un groupe industriel de droit français que sur les problématiques soulevées par ses déclarations concernant la sécurité des communications par voie sous-marine, Mme Pellerin a refusé de s’exprimer.
Une source de haut niveau, au ministère de la défense, a indiqué, pour sa part, que les "propos de Mme Pellerin, reconnaissant publiquement que les câbles sous-marins et les stations d’atterrissage de ces câbles au contact des continents étaient des nids d’espionnage, relevaient d’une grave maladresse". Interrogé, Alcatel n’a pas voulu commenter ces informations.
Le document interne à la NSA fournit peu de détails sur les critères d’interception des données qui circulent sur les adresses wanadoo.fr et alcatel-lucent.com. On sait néanmoins, grâce à d’autres pièces dévoilées par Edward Snowden, qu’Upstream peut cibler aussi bien des adresses elles-mêmes, ce qui signifierait que la NSA peut stocker l’ensemble des informations qui y figurent, que des mots-clés qui déclenchent l’interception.
Selon les documents obtenus par Le Monde, le programme Prism utilise, pour sa part, plus de 45 000 "sélecteurs". On ne dispose pas du nombre précis de mots-clés pour l’intrusion massive de la NSA, via Upstream, sur l’adresse wanadoo.fr.
Les méthodes de tri sont proches de celles de Prism et les critères retenus par la NSA couvrent les secteurs considérés comme "stratégiques" par le gouvernement américain et ce, dans tous les domaines, ceux qui sont liés aussi bien à la sécurité qu’aux enjeux politiques internationaux ou à la défense des intérêts commerciaux du pays.
Alcatel-Lucent joue une rôle central en matière d’équipements des réseaux de communication, notamment sous-marins. L’accès, par la NSA, à l’ensemble des communications des salariés de l’entreprise pourrait donc être systématique.
La philosophie de la NSA en matière de renseignement, selon les déclarations officielles de son directeur, le général Keith Alexander, est de pouvoir être alertée en cas de danger et de disposer d’une très large base de données en cas de besoin. Ce qui laisse imaginer que le stockage des données ainsi interceptées est de longue durée.
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