La loi de 2008 a déjà assoupli le temps de travail, via des accords d’entreprise. Il faut surtout simplifier le droit du temps de travail, trop complexe.

Emmanuel Macron, le nouveau ministre de l’Économie, a déjà lancé une polémique à gauche. © ERIC PIERMONT / AFP
François Hollande l’a dit dans son interview du 14 juillet : "Nous avons simplifié un certain nombre de dispositifs du Code du travail. Je vous rappelle qu’il y a eu un accord qui a modernisé le marché du travail. (...) On peut aller plus loin."
Son ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée et nouveau ministre de l’Économie Emmanuel Macron a visiblement des idées sur le sujet.
"Nous pourrions autoriser les entreprises et les branches, dans le cadre d’accords majoritaires, à déroger aux règles de temps de travail et de rémunérations. C’est déjà possible depuis la loi de juillet 2013, mais sur un mode défensif, pour les entreprises en difficulté. Pourquoi ne pas étendre ce dispositif à toutes les entreprises, à la condition explicite qu’il y ait un accord majoritaire avec les salariés ?" a interrogé l’ancien banquier de 36 ans et artisan du pacte de responsabilité dans une interview accordée au Point, juste avant sa nomination.
Une petite phrase qui déclenche déjà une tempête à gauche. Le secrétaire d’État aux Affaires européennes, Harlem Désir, a tenu à assurer qu’"il n’y a pas de projet de remise en cause des 35 heures". Et les services du Premier ministre que Manuel Valls "n’a pas l’intention de revenir sur la durée légale du travail à 35 heures".
Les 35 heures, déjà assouplies
Pour Gilbert Cette, économiste à l’université d’Aix-Marseille et ancien conseiller de François Hollande pendant sa campagne présidentielle, "la focalisation sur la durée légale du travail est anachronique". Tout simplement parce que les entreprises peuvent déjà déroger aux règles du temps de travail par accord d’entreprise. Comme l’explique une maquette du ministère du Travail, la loi du 20 août 2008 initiée par Xavier Bertrand a pour objectif "d’élargir l’espace de la négociation collective, plus particulièrement à l’accord d’entreprise, afin de permettre, au plus près des réalités, d’adapter le temps de travail aux besoins des entreprises et des salariés".
Du coup, "la durée légale du travail ne sert qu’à déterminer le volume horaire au-delà duquel il y a des majorations de rémunérations pour les heures supplémentaires, explique Gilbert Cette. Et ces majorations peuvent être inférieures à 25 % lorsque l’accord collectif le prévoit". Un point d’ailleurs rappelé par Matignon pour récuser toute remise en cause des 35 heures. "L’organisation du temps de travail peut déjà être modulée dans les entreprises, via des accords collectifs", ont fait savoir les services du Premier ministre.
En revanche, l’assouplissement des accords de "maintien de l’emploi" instaurés par l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 est nécessaire, reconnaît Gilbert Cette. Signés au niveau de l’entreprise, de tels accords permettent un aménagement de la durée du travail, de ses modalités d’organisation et de la rémunération en échange d’un maintien de l’emploi.
Mais "depuis l’adoption de la loi de retranscription de l’accord, il n’y en a eu que cinq, rappelle l’économiste. Les accords de maintien de l’emploi sont trop verrouillés, car ils ne peuvent être négociés qu’à chaud, quand l’entreprise connaît des difficultés. Il faudrait pouvoir les négocier à froid pour être ensuite déclenchés à chaud, en cas de besoin." L’autre verrou à faire sauter, selon lui, est la disposition qui oblige l’employeur à licencier pour motif économique tout salarié qui s’opposerait individuellement à l’accord. Une obligation qui "laisse planer la menace d’un contentieux".
Gilbert Cette recommande donc que l’accord majoritaire s’impose au salarié. En d’autres termes, si cela ne lui convient pas, il doit démissionner.
Matignon n’a pas totalement fermé la porte à une telle réforme. "La modification éventuelle (...) des accords de maintien de l’emploi relève de discussions entre partenaires sociaux. Le gouvernement respectera ce dialogue social", a expliqué l’entourage de Manuel Valls. Or, l’État pourrait très bien peser pour qu’ils avancent sur le sujet dans le cadre de leur négociation de l’automne...
"Le Code du travail, un carcan"
Mais pour Gilbert Cette, il faut aller plus loin. "Les 35 heures ne sont pas un carcan. En revanche, le droit de la durée du travail en est un, estime le coauteur d’un livre remarqué sur les réformes économiques à mettre en place*. Éminemment complexe, il n’est pas à la portée d’une PME qui ne dispose pas d’un service juridique". Le spécialiste recommande même de contourner l’ensemble du Code du travail.
"Avec l’avocat Jacques Barthélemy, nous préconisons que les entreprises puissent déroger par accord collectif au droit de la durée du travail et, au-delà, à toute disposition du Code du travail, à deux conditions. Que les accords majoritaires n’aillent pas à l’encontre de l’ordre public social, par exemple de la dignité du travailleur ou de sa vie privée ni à l’encontre du droit international et notamment du droit communautaire." Un programme ambitieux pour le nouveau ministre de l’Économie.
*Changer de modèle, de nouvelles idées pour une nouvelle croissance, de Gilbert Cette, Philippe Aghion et Elie Cohen, éditions Odile Jacob, 22,90 euros.
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