Dans les stades de football, les supporters chantent :"Qui ne saute pas, n’est pas français". Pour les tyrans de la rigolade (made in Canal+) : "Qui ne rigole pas, n’est pas bien-pensant".

Le sketch du "Rendez-vous en parenthèse inattendue" (diffusé dans l’émission "Le débarquement 2" du 20/12/2013) fut plutôt le rendez-vous de la provocation et du racisme.

En guise de canevas, le spectateur eut droit à une succession de clichés racistes : des cris de singes, des Noirs cannibales et enfin des peuplades africaines en proie à une violence atavique.

A l’instar de François l’Yvonnet (1), on est forcé de constater que pour Canal+, comme pour les nouvelles stars de l’humour, "la provocation ex abrupto (…) tient lieu de courage".

Dans ce sketch, Canal+ ne critique pas l’idéologie génocidaire qui mit en oeuvre l’extermination des Tutsi. Bien au contraire, ce sketch se moque des victimes du génocide des Tutsi.

Pire, Canal + reprend des techniques utilisées en 1994 par la sinistre radio rwandaise de la haine, la RTLM (Radio-Télévision Libre des Milles Collines). La similitude de la forme et du procédé est saisissante pour toute personne qui s’est intéressée aux médias de la haine. Ce qui devrait être le cas pour une chaîne comme Canal+. La désinvolture de ces professionnels de l’information est glaçante. Parce que même si Canal + n’appelle pas au meurtre comme le faisait la RTLM, elle n’entend pas moins comme elle, faire de l’extermination des Tutsi, une bonne tranche de rigolade.

Il y a vingt-ans, sur les ondes de la RTLM, le ton était à la rigolade et à l’exaltation du meurtre "divertissant". RTLM était la radio de l’extermination dans la bonne humeur. Toute la programmation devait y contribuer. Musique entraînante et dansante, blagues, interactivité et surtout détournement du sens des mots. Les victimes sont des « cafards », « travailler » signifie « tuer », les tueurs sont des « résistants », …

La mission de cette radio interactive était de faciliter "le travail" de chasse à l’homme et d’extermination de ses auditeurs. Dès lors RTLM communiquait le décompte des meurtres, dénonçait les victimes cachées ou en fuite et encourageait les tueurs.

Les animateurs vedettes inventaient même des comptines annonçant la réussite de l’extermination des Tutsi.

Vingt-ans plus tard, Canal+ nous offre une berceuse digne de la RTLM :

" Fais dodo, Colin mon p’tit frère…

Fais dodo car les autres sont morts.

(Rires dans le studio)

Maman est en haut,

coupée en morceaux.

(Rires dans le studio)

Papa est en bas,

il lui manque un bras …

(Rires dans le studio) ".

(1) François L’Yvonnet, Homo comicus ou l’intégrisme de la rigolade, Edition Mille et une nuits, Paris, 2012.

par Constance Mukasemwaga, in http://ibitabonumuco.wordpress.com/