Mega, le nouveau site de Kim Dotcom, à vos risques et périls

Redigé par Par Jérôme Lefilliâtre Challenges
Le 22 janvier 2013 à 10:43

A lire ses conditions générales d’utilisation, le site de stockage qui remplace Megaupload met surtout à l’abri de la justice son créateur. Pour les internautes, c’est une autre histoire. Deux jours après son lancement, Mega, le nouveau site de Kim Dotcom, rame. Le dépôt de fichiers est très lent : il m’a fallu deux bonnes heures, ce lundi matin, pour ajouter une inoffensive vidéo d’un peu plus de trente secondes (2,8 Mo).
Normal, répond le fondateur de feu Megaupload, plus de 500.000 utilisateurs se (...)

A lire ses conditions générales d’utilisation, le site de stockage qui remplace Megaupload met surtout à l’abri de la justice son créateur. Pour les internautes, c’est une autre histoire.

Deux jours après son lancement, Mega, le nouveau site de Kim Dotcom, rame. Le dépôt de fichiers est très lent : il m’a fallu deux bonnes heures, ce lundi matin, pour ajouter une inoffensive vidéo d’un peu plus de trente secondes (2,8 Mo).

Normal, répond le fondateur de feu Megaupload, plus de 500.000 utilisateurs se sont déjà inscrits au service de stockage en ligne, qui doit devenir la nouvelle Mecque du téléchargement illégal.

Enfin, pas officiellement. Dans un numéro d’hypocrisie absolue, le sulfureux Kim Dotcom (Kim Schmitz de son vrai nom) claironne que Mega est parfaitement légal, tout en le présentant comme le successeur du tout à fait illégal Megaupload.

La différence tient en une nuance très significative : le site ne fait que permettre à ses utilisateurs de partager des fichiers, s’ils rendent publics, sur un blog, un forum, un site ou lors d’un échange de courriels entre amis, le lien et la clé (=le mot de passe) y donnant accès. Ce n’est donc pas Mega qui est responsable de l’acte de partager, mais bien les utilisateurs.

"MEGA respecte les copyrights"

Nous sommes d’ailleurs prévenus au moment où l’on reçoit le lien et la clé du fichier précédemment téléchargé (voir photo ci-dessous) : "Avis de Copyright : MEGA respecte les copyrights des autres et requiert que les utilisateurs du service Cloud de MEGA soit en accord avec les lois de Copyright. Il est strictement interdit d’utiliser le service Cloud MEGA pour enfreindre les droits d’auteur. Vous ne pouvez pas charger, télécharger, stocker, partager, afficher, utiliser pour stream, distribuer, envoyer par mail, mettre en lien, transmettre ou autrement dit rendre disponible des fichiers, des données ou de contenu qui porte atteinte à un droit d’auteur ou d’autres droits de propriété de toute personne ou entité."

Pour ma part, aucun risque. La vidéo que j’ai téléchargée (visible en cliquant sur ce lien, puis en entrant cette clé : ShViQT4C6X-8Y1UIJiTig1oPZvIG-BaA5Q9fwW-l0ho, quand le site veut bien fonctionner) ne viole aucune propriété intellectuelle, elle montre seulement le superbe but d’un ami lors d’un match de foot indoor privé. Je peux donc la rendre publique comme je viens de le faire à l’instant. En principe, la Hadopi ne devrait pas faire une descente à la rédaction de Challenges pour me passer les menottes.

Déjà des sites de piratage

Evidemment, il n’en va pas de même pour l’internaute qui mettra à disposition de ses congénères la chanson "Skyfall" d’Adele ou "Le Hobbit", le dernier film de Peter Jackson. Je ne prends pas ces exemples au hasard : à l’heure où j’écris ces lignes, ce sont les deux fichiers les plus recherchés sur SearchOnMega, un moteur de recherche (français) déjà très prisé qui permet aux utilisateurs de Mega de trouver ce qu’ils convoitent. Facile, pratique, rapide : ce site, et les nombreux avatars qui vont fleurir sur le web dès aujourd’hui, promet la plus grande prospérité au piratage.

Sur le coup, Kim Dotcom semble inattaquable. Il ne fait qu’héberger des fichiers, dont seuls ses déposants savent à quoi ils correspondent. "Vos données sont cryptées par vous avant que vous ne les déposiez sur notre système, explique la page "politique de confidentialité" de Mega. Ainsi, nous ne pouvons avoir accès à ce contenu que si vous nous fournissez la clé de déchiffrage." La responsabilité quant à la violation de la propriété intellectuelle est donc clairement renvoyée aux utilisateurs.

Dès lors, faut-il se méfier ? Lors de la délirante conférence de presse de lancement de son nouveau site, Kim Dotcom, qui a souligné la confidentialité et la sûreté de son service (deux qualités pourtant déjà contestées par des spécialistes ici ou là), s’est présenté en "hacker" sympathique et vaguement anar, qui fait la nique aux puissants : "En utilisant Mega, vous dites non aux gouvernements qui vous espionnent et vous dites oui à la liberté sur internet et oui à votre droit à une vie privée."

Kim Doctom est-il prêt à vous balancer ?

A écouter Kim Dotcom, son nouveau service (payant au-delà de 50 gigaoctets de stockage) est une avancée pour les libertés humaines, plutôt qu’un business avantageux pour lui-même. On n’est pas obligés de le croire, surtout quand on lit les conditions générales d’utilisation de Mega. Il y est écrit, au numéro 43, que le nouveau site de stockage se réserve le droit de révéler les "données et autres informations" si la loi l’exige.

Jusqu’à balancer un utilisateur pour non-respect des droits d’auteur ? La page "Copyright" de Mega est on ne peut plus claire : "MEGA respecte les droits de propriété intellectuelle d’autrui et s’attend à ce que les utilisateurs des Services de Cloud en fassent de même. Nous répondons aux notifications relatives à une violation des droits d’auteur dès lors qu’elles sont conformes à la législation applicable et nous sont adressées correctement."

D’ailleurs, Mega enregistre, chaque fois que vous vous connectez, l’adresse IP de votre ordinateur, c’est-à-dire son numéro d’identité. "Si nous le jugeons nécessaire, ou si nous y sommes forcés par la loi, nous avons le droit de donner des informations vous concernant aux autorités", précise également la page "politique de confidentialité" du site.

Bref, il n’y a rien de rassurant à se précipiter sur Mega pour y offrir au monde "Django Unchained", le nouveau film de Tarantino. A moins que vous ne fassiez une confiance aveugle à Kim Dotcom. Si c’est le cas, rappelez-vous tout de même que le bonhomme dort dans des lits à 103.000 dollars pièce, possédait la réplique gonflable d’un char russe T-72 dans son jardin et s’est fait photographier récemment devant le Vatican avec une voiture immatriculée... "Dieu".


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