20 ans jour pour jour après le début du génocide des Tutsi au Rwanda, et alors que le président Kagame vient de mettre en cause la France, un ancien officier de l’armée française apporte un nouvel éclairage sur l’opération Turquoise (23 juin-22 août 1994). Au début de l’opération , un raid terrestre avait été programmé pour aller jusqu’à Kigali. Raid terrestre, qui devait être accompagné de frappes aériennes.
Guillaume Ancel, ancien officier, affirme que des frappes terrestres avaient été programmées sur Kigali ; que l’avancée du FPR (Front patriotique rwandais) devait être bloquée militairement ; que, à la mi-juillet, la France a rendu aux militaires rwandais réfugiés dans les camps du Zaïre les armes qui leur avaient été confisquées et qu’elle a payé leur solde en dollars.

Guillaume Ancel, au centre © GUILLAUME ANCEL
Aujourd’hui, l’ancien capitaine Ancel affirme qu’avant de devenir humanitaire, Turquoise a clairement été une opération offensive.
En 1994, Guillaume Ancel, militaire français, officier de la Force d’action rapide, est intégré dans le détachement de la Légion étrangère, qui intervient au Rwanda. Aujourd’hui, il affirme qu’avant de devenir humanitaire, l’opération Turquoise a clairement été une opération offensive.
Cette opération millitaire a toujours été officiellement présentée comme "humanitaire" par les dirigeants politiques de l’époque : François Mitterrand, à l’Elysée, Edouard Balladur, à Matignon, Alain Juppé, au Quai d’Orsay, et François Léotard, au ministère de la Défense.
Depuis, la nature de cette opération extérieure n’a jamais été remise en cause, ni par la Mission Quilès (Mission d’information parlementaire, 1998), ni par les autorités politiques ou militaires. Seul un ancien sous-officier de Turquoise, Thierry Prungnaud (issu du GIGN), s’était inscrit en faux contre cette "version officielle", dès 2005, en donnant son témoignage au micro de France Culture. Témoignage confirmé dans son livre, Silence Turquoise (Editions Don Quichotte, 2012).
Guillaume Ancel, qui a quitté l’armée en 2005 avec le grade de lieutenant-colonel, témoigne donc à son tour. Il explique qui il est et pourquoi il a choisi de parler aujourd’hui.
Une opération d’abord très offensive
Le débat sur la nature de Turquoise a commencé avant même que l’opération ne soit lancée. La France, disaient ses détracteurs, est le pays le plus mal placé pour intervenir au Rwanda, parce que depuis octobre 1990, Paris soutient politiquement, financièrement et militairement le régime rwandais de Juvénal Habyarimana contre les « rebelles » du FPR.
Turquoise est lancée le 23 juin 1994, après un vote du Conseil de Sécurité qui souligne, dans sa résolution 929, « le caractère strictement humanitaire de cette opération, qui sera menée de façon impartiale et neutre et ne constituera pas une force d’interposition entre les parties »
A ce jour, les anciens responsables politiques et militaires continuent à affirmer le caractère strictement « humanitaire » de l’opération.
A l’inverse, Guillaume Ancel affirme que les premiers jours de Turquoise ont dérogé au mandat onusien. Et s’il le fait, c’est pour qu’on puisse enfin « parvenir à la vérité des faits ».
L’opération Turquoise a fini par devenir humanitaire après la mi-juillet 1994, c’est à dire après la victoire du FPR. C’était précisément le 17 juillet 1994, jour où le gouvernement intérimaire du Rwanda (GIR) a définitivement quitté le pays pour la Zaïre voisin via la zone Turquoise.
C’est à ce moment-là que les militaires français ont pu commencer officiellement à remplir leur mission véritablement humanitaire :

Le camp de Nyarushishi© GUILLAUME ANCEL
Il faut rappeler que deux informations judiciaires ouvertes contre X en 2005 et 2010 visent des militaires de Turquoise. La première porte notamment sur des faits présumés de meurtre (personnes jetées dans le vide depuis un hélicoptère) ; la seconde sur des faits de viols qui auraient été commis au camp de Nyarushishi et dans la zone de Karama (quatre Rwandaises tutsi ont porté plainte). Ces deux dossiers sont instruits au pôle « génocides et crimes contre l’humanité » du TGI de Paris.
Précision : Guillaume Ancel ne parle que de ce qu’il a vu. Pendant Turquoise, il a été affecté au détachement Sud confié à la Légion étrangère. Il ignore ce qui s’est passé dans les autres détachements.
Si elles sont avérées, ces révélations sont de nature à remettre en cause la version "officielle" qui circule depuis 20 ans maintenant.
Elles apportent en tout cas de l’eau au moulin de l’association Survie, qui dénonce depuis des années "la complicité" de l’Etat français avec le Rwanda des génocidaires.
A l’occasion de la XXème commémoration du génocide des Tutsi, l’ONG réclame notamment la création d’une commission d’enquête parlementaire qui étudierait l’ensemble des éléments sur la politique menée par l’Etat français au Rwanda, ainsi que la déclassification de tous les documents officiels liés à la « question franco-rwandaise ».
REACTIONS
Joint par France Culture, Alain Juppé, qui était ministre des Affaires Etrangères en 1994, n’a pas souhaité répondre à nos questions. Sa seule communication sur le sujet étant un article posté sur son blog. Il y parle d’une "inacceptable mise en cause de la France".
Le centre de presse du ministère de la Défense a publié une "interview" du général Jean-Claude Lafourcade pour le magazine "Armées" d’aujourd’hui sur l’opération Turquoise.
Guillaume Ancel vient de publier Vents sombres sur le lac Kivu, un roman au coeur de l’intervention française au Rwanda.
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