PAKISTAN • Une énorme erreur judiciaire, et la mort en prison

Redigé par The Express Tribune |Rana Tanveer
Le 6 mai 2013 à 11:51

L’Indien Sarabjit Singh est mort le 2 mai sous les coups de ses co-détenus au Pakistan. Il était incarcéré depuis 1990, victime selon son avocat d’une erreur sur la personne.
A Hyderabad, en Inde, une vieille femme regarde une banderole condamnant la mort de Sarabjit Singh le 2 mai dans une prison pakistanaise - AFP.
Singh a été condamné à la peine capitale en 1990 pour avoir commis des attentats à la bombe qui ont fait 14 morts à Lahore et à Faisalabad. Dans un ouvrage intitulé Sarabjit (...)

L’Indien Sarabjit Singh est mort le 2 mai sous les coups de ses co-détenus au Pakistan. Il était incarcéré depuis 1990, victime selon son avocat d’une erreur sur la personne.


A Hyderabad, en Inde, une vieille femme regarde une banderole condamnant la mort de Sarabjit Singh le 2 mai dans une prison pakistanaise - AFP.

Singh a été condamné à la peine capitale en 1990 pour avoir commis des attentats à la bombe qui ont fait 14 morts à Lahore et à Faisalabad. Dans un ouvrage intitulé Sarabjit Singh : A Case of Mistaken Identity (Sarabjit Singh : un cas d’erreur sur la personne), Me Sheikh affirme que son client [indien] était entré au Pakistan par erreur et qu’il a été accusé à tort.

Son livre de 199 pages détaille les erreurs commises dans l’enquête, le procès et les recours en appel et reproduit des lettres que le détenu a reçues en prison ou qu’il a envoyées à sa famille en Inde ainsi qu’aux gouvernements indiens et pakistanais pour demander sa mise en liberté.

L’avocat souligne que la procédure n’a pas été régulière, que des problèmes juridiques essentiels n’ont pas été réglés et que les enquêteurs ont fait appel à de faux témoins. "Sarabjit a été victime d’une condamnation injuste, qui l’a obligé à passer toute sa vie d’adulte en prison", écrit-il [en février, soit deux mois avant son passage à tabac à coup de briques].

Un problème d’identité

Pour commencer, le formulaire de rapport d’enquête des autorités de Lahore fait mention d’un certain Manjit Singh, fils de Mehanga Singh. Or, l’avocat précise que son client se nommait Sarabjit Singh et qu’il était le fils de Salakhan Singh.

Le 8 septembre 1990, Sarabjit Singh a été présenté devant le juge par un officier du renseignement militaire. Le magistrat a jugé l’affaire de Manjit Singh et "n’a pas écouté Sarabjit, qui ne cessait de répéter qu’il n’était pas Manjit Singh. Il n’a pas pris la peine de vérifier le nom du prévenu traduit devant son tribunal". Ce problème d’identité n’ayant pas été réglé, "toute la procédure est illégale et ne correspond pas aux faits", observe Me Sheikh.

A cette époque, Sarabjit Singh n’avait pas d’avocat. Il lui était impossible de contacter sa famille en Inde pour la mettre au courant de son arrestation. Et le gouvernement pakistanais ne l’a pas informée non plus, en violation du droit international.

Témoignage forcé

Selon Me Sheikh, les supposés aveux de son client, sur lesquels repose sa condamnation, ne portaient ni sa signature ni son empreinte. Devant le juge du Tribunal spécial, le prévenu a nié les accusations portées contre lui et affirmé que Manjit Singh avait été arrêté puis libéré et que lui-même avait servi de "remplaçant". Le seul témoin de l’affaire, Shaukat Ali, a déclaré avoir été forcé à témoigner contre Singh.

Dans une lettre, Singh écrit qu’après son arrestation, il a été présenté devant le commandant Ghulam Abbas. "’Vous êtes Manjit Singh’, m’a dit-il dit abruptement. J’ai nié. Il a fait un signe aux soldats. Ils ont commencé à me frapper. [...] Mes cris et mes lamentations n’ont eu aucun effet. Finalement, on m’a fait passer pour Manjit Singh, et même si je n’ai pas été accusé, on m’a condamné pour les explosions."

Interrogatoires invalidés

Dans une autre lettre, Singh critique le juge. "Tous les témoignages et interrogatoires étaient en ma faveur. Le juge aux affaires de terrorisme, Aslam Shami, a invalidé les interrogatoires." Dans un autre courrier, il se plaint de la manière dont il est traité en prison. "J’ai été psychiquement torturé en 2006 et 2007. On m’a enlevé mon crayon, mon papier et d’autres affaires. Ils continuent à utiliser les vieilles tactiques. Mon voisin de cellule, Karpal Singh, est une véritable peste. Il donne de fausses informations sur moi aux gardiens." Et aussi : "On ne m’autorise pas à m’asseoir au soleil. Je ne vois la lumière du soleil qu’une heure par jour. "

Invoquant un jugement de la Cour suprême, Me Sheikh estimait que, puisque Singh avait déjà passé 22 ans en cellule d’isolement, sa peine devait être commuée en détention à vie. "J’espère que le président examinera les recours en grâce qui lui ont été adressés", écrivait-il [deux mois avant le meurtre de son client].


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