Pierre angulaire de la stratégie décennale de la BAD : « La transformation économique de l’Afrique »

Redigé par Farida Moha
Le 31 mai 2013 à 06:05

« La stratégie réaffirme les choix stratégiques de la Banque que sont les infrastructures, l’intégration économique et le secteur privé. Elle trace la voie à suivre pour parvenir à une croissance inclusive, partagée par tous les citoyens, de tous âges, sexes et régions et qui tient particulièrement compte des États fragiles d’Afrique, où vivent 200 millions de personnes.
Cette stratégie met aussi l’accent sur le renforcement de la résilience au changement climatique et la gestion durable des ressources (...)

« La stratégie réaffirme les choix stratégiques de la Banque que sont les infrastructures, l’intégration économique et le secteur privé. Elle trace la voie à suivre pour parvenir à une croissance inclusive, partagée par tous les citoyens, de tous âges, sexes et régions et qui tient particulièrement compte des États fragiles d’Afrique, où vivent 200 millions de personnes.

Cette stratégie met aussi l’accent sur le renforcement de la résilience au changement climatique et la gestion durable des ressources naturelles et sur le développement de l’infrastructure, de l’intégration économique régionale, du développement du secteur privé, de la gouvernance et la responsabilisation, du développement des compétences et de la technologie. La croissance économique doit maintenant se traduire en une véritable transformation économique qui créera des emplois et offrira des opportunités aux populations. C’est pour cette raison que la prochaine décennie sera si déterminante, et que la Stratégie de la Banque africaine de développement pour la période 2013-2022 revêt une si grande importance ».

Après Arusha (Tanzanie), en 2012, c’est à Marrakech que se tiennent du 27 au 31 mai les 48es Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) avec comme point d’orgue l’ouverture officielle de ces Assises avec la participation de quelque 5 000, ministres des Finances, gouverneurs des Banques centrales, représentants d’institutions internationales, d’ONG, mais aussi de Chefs d’État : Macky Sall, Président du Sénégal, Ali Bongo, Président du Gabon, Paul Kagame, Président du Rwanda. Une thématique fédératrice a été choisie qui est au cœur de la stratégie décennale (2013-2022) de la BAD : la transformation structurelle en Afrique.

À l’ordre du jour, il y a le renouvellement des 2/3 des membres du conseil d’administration d’une institution forte de 35 bureaux répartis dans toutes les régions d’Afrique, dont les Centres régionaux pilotes de Nairobi et Pretoria, l’examen du rapport du comité des gouverneurs sur la feuille de route pour le retour au siège à Abidjan, un projet annoncé lors des dernières assises d’Arusha, ainsi que d’autres questions techniques habituelles soumises à l’approbation des États membres comme les résultats opérationnels financiers et institutionnels de la banque, la présentation du rapport annuel… et un focus spécial sur les économies d’Afrique du Nord ».

Si la croissance économique est là, comme en témoignent les taux de croissance (plus de 5%) et les évolutions des PIB, à l’instar de celui de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a vu son produit intérieur brut multiplié par cinq au cours des deux dernières années, il faut accélérer le rythme des efforts. Les gouvernements doivent s’atteler à la croissance inclusive qui passe par la redistribution des richesses, par une fiscalité équitable, par la lutte contre la corruption et les rentes. « Car seule la croissance inclusive peut se traduire par l’emploi, par des opportunités pour les jeunes et des améliorations concrètes du quotidien des populations ». C’est le message qui doit être retenu avec, souligne, M. Kaberuka, beaucoup d’humilité, car nombre de pays africains ne sont pas encore partis ou sont mal partis, selon le titre de l’ouvrage du géographe René Dumont publié en 1962.

Au-delà des taux de croissance actuels « insolents » dans un monde de crise, il faut en effet regarder l’envers du décor et faire preuve d’humilité. Regardez, dit le président de la BAD à Arusha, « la situation dramatique qui prévaut au Mali, avec le retour des militaires au pouvoir, la remise en cause de l’ordre démocratique, la menace de partition du pays ; mais aussi l’instabilité chronique en Guinée-Bissau, les 22 ans de chaos en Somalie, la désolation au Sahel et dans la Corne de l’Afrique. Regardez, dit-il encore, lors des 47es Assemblées de la BAD à Arusha, la vulnérabilité de nos économies, le retour de l’inflation à deux chiffres dans de nombreux pays, la réduction sensible des subventions et des dépenses contra-cycliques pose des problèmes sur le plan politique »…

Le président de la BAD ne sombre pas cependant dans l’afro-pessimisme. Il répète que l’Afrique a su avec résilience faire face à la crise mondiale. Mais, dit-il, la question qui nous interpelle aujourd’hui et demain est : « comment pérenniser la nouvelle dynamique en marche en Afrique ? » Et de lister un certain nombre d’enjeux, de prérequis nécessaires pour transformer l’Afrique :

• Reconstituer les capacités d’absorption des chocs externes.
• Mettre résolument l’accent sur la création d’emplois.
• Gérer intelligemment nos ressources naturelles, car l’Afrique est riche en ressources et la malédiction des ressources peut être évitée. La richesse héritée peut être transformée en richesse réelle. Les modèles de gestion sont bien connus. Ce qui reste à faire, c’est galvaniser la volonté politique.

• Investir dans les compétences dont une économie moderne a besoin à tous les niveaux, y compris dans le « chaînon manquant ». Le véritable trésor caché de l’Afrique, dit-il, c’est sa jeunesse, en d’autres termes sa dynamique démographique.

En Asie du Sud-Est, pendant 30 ans, soit de 1970 à 2000, la croissance économique a été, pour l’essentiel, tirée par la dynamique démographique. L’Afrique peut tirer parti de ce dividende, en investissant les recettes générées par les ressources naturelles qui constituent une « richesse héritée » dans des actions visant à créer une « richesse réelle », grâce à une éducation de qualité, à la prestation de soins de santé, à la qualité de l’infrastructure, à l’acquisition de compétences et à l’innovation, en particulier dans les domaines de la science et de la technologie.

• Développer le secteur énergétique, la connectivité et les corridors régionaux, car l’intégration régionale constitue pour la BAD un impératif stratégique important.
• Promouvoir la sécurité alimentaire, par le biais de la croissance, du commerce et de l’investissement.

Par Donald Kaberuka, Président de la BAD

Biographie de Donald Kaberuka

Donald Kaberuka a été élu en 2005 président de la Banque africaine de développement (BAD), devenant ainsi le septième président du Groupe de la Banque depuis sa création en 1963. Il remplit actuellement son second mandat, de cinq ans.
Réélu en mai 2010 au siège de la BAD à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pour ce second mandat, il a prêté serment en septembre de la même année à Tunis, qui abrite l’agence temporaire de relocalisation. C’est de là que la Banque conduit ses opérations depuis 2003, année où ses services ont dû quitter Abidjan à cause de la situation sécuritaire qui prévalait en Côte d’Ivoire. Avant de rejoindre la BAD, M. 
Kaberuka, actuellement âgé de 60 ans, avait déjà connu une brillante carrière dans la banque, le commerce international, le développement et la fonction publique.

Ressortissant rwandais, il a été ministre des Finances et de la planification économique de son pays de 1997 à 2005. Au cours de cette période, il a dirigé avec succès la reconstruction de l’économie du Rwanda après la fin de la guerre civile dans le pays. Il a engagé et mis en œuvre les grandes réformes économiques et introduit de nouveaux systèmes de gouvernance structurelle, monétaire et fiscale, en mettant un accent particulier sur l’indépendance de la Banque centrale du Rwanda.

Ces réformes ont débouché sur la renaissance, largement reconnue, de l’économie rwandaise et sur la croissance économique durable qui a permis au Rwanda d’obtenir, en avril 2005, l’annulation de la dette au titre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.

À la tête de la BAD, M. Kaberuka a piloté une réorientation importante de la stratégie de l’institution en matière de développement et de réduction de la pauvreté en Afrique. À cette fin, la BAD a accentué le rôle du secteur privé et l’importance du développement des infrastructures dans des domaines tels que les routes, les chemins de fer, les centrales électriques et les communications, particulièrement dans leur fonction de promotion de l’intégration régionale en Afrique.

Pendant le mandat de M. Kaberuka, la BAD est devenue la première institution de financement du développement de l’Afrique. En 2009, en réponse à la crise économique mondiale, la Banque africaine de développement a atteint son chiffre record d’approbations de prêts et dons, pour un total de plus de 12,6 milliards de dollars US. Donald Kaberuka a étudié dans les universités de Tanzanie et d’Écosse. Il est titulaire d’un PhD en économie obtenu à l’Université de Glasgow.

Le Matin


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