Le défilé des témoins se poursuit lundi au premier procès jamais organisé en France sur le génocide au Rwanda, avec notamment des familles tutsi sauvées par l’accusé, mais qui l’ont également vu stocker des armes chez lui.
Pascal Simbikangwa, qui comparaît devant la cour d’assises de Paris pour « complicité de génocide », a plusieurs fois fait bondir accusation et parties civiles en se comparant aux « Justes » qui ont sauvé des juifs de la Shoah. Mais il est admis par tous qu’au moins deux familles de voisins tutsi ont trouvé refuge chez lui au début des massacres en avril 1994. « J’ai fait mon devoir d’homme », explique Pascal Simbikangwa.
Plusieurs de ces survivants, que l’accusé a pour certains évacués peu à peu de Kigali, viendront donc déposer à la barre. Et ces témoignages devraient être à la fois à décharge et à charge, puisque plusieurs d’entre eux ont indiqué lors de l’enquête avoir vu Pascal Simbikangwa stocker des armes chez lui et en distribuer.
Depuis les quatre semaines qu’a commencé son procès, le témoignage le plus encombrant pour l’ancien capitaine de la garde présidentielle a d’ailleurs été celui d’un gardien de maison tutsi de son quartier, qu’il avait pris sous son aile et sauvé de la mort à plusieurs reprises. Car tout en exprimant sa reconnaissance à l’accusé, sa déposition mettait à mal le portrait que ce dernier fait de lui-même en petit fonctionnaire sans pouvoir et ignorant tout du génocide en cours, qui fit 800.000 morts en cent jours.
La cour entendra également un ancien responsable local des milices « interahamwe », féroces soutiens du régime. Un autre, réfugié au Canada et bénéficiant d’un régime de protection des témoins, a finalement renoncé à témoigner, arguant de « craintes pour sa sécurité et celle de sa famille ».
– Enjeu central -
En l’absence de victimes directes, et alors que le jury est appelé à se prononcer sur des faits survenus il y a 20 ans et à des milliers de kilomètres, l’enjeu des témoignages est central. S’il est évident qu’après deux décennies les souvenirs peuvent être imprécis, la défense ne manque pas une occasion de pointer les incohérences.
Pascal Simbikangwa, lui, affirme que ces témoignages à charge sont fabriqués, « mensonges » et « inventions » dictés par les intimidations et le désir de vengeance qu’il attribue à Ibuka, l’association officielle des victimes du Rwanda, et au Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), dont une plainte a notamment rendu possible l’enquête contre lui après son arrestation pour une affaire de faux papiers dans l’île française de Mayotte en octobre 2008.
Le président du CPCR, Alain Gauthier, et son épouse Dafroza, qui perdit une bonne partie de sa famille dans le génocide, seront entendus par la cour vendredi.
Le procès doit s’achever le 14 mars, après une dernière semaine consacrée aux plaidoiries et réquisitoires.
Pascal Simbikangwa risque la prison à perpétuité et l’issue du procès sera particulièrement scrutée à quelques semaines du vingtième anniversaire du génocide. Le rôle de la France dans cette tragédie reste en effet très critiqué, le régime rwandais issu de la rébellion tutsi qui mit fin au génocide accusant le pouvoir français de l’époque de complicité avec le régime hutu génocidaire.
Et la justice française a une nouvelle fois mercredi réaffirmé l’impossibilité juridique pour la France d’extrader des Rwandais réclamés par Kigali pour leur implication présumée dans le génocide.
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