Procès Rwanda : deux ex-bourgmestres condamnés pour génocide à la prison à vie

Redigé par IGIHE
Le 7 juillet 2016 à 02:02

Octavien Ngenzi et Tito Barahira ont été reconnus coupables de crimes contre l’humanité et génocide. Pour avoir conduit les massacres dans leur commune de Kabarondo, ils ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.
Jusqu’au bout, ils n’ont pas dévié. Ce mercredi matin, Tito Barahira, 65 ans, lunettes cerclées, moustache grisonnante, s’est levé de son fauteuil avec difficulté (il est sous dialyse).
L’ex-reponsable local du MRND, le parti rwandais au pouvoir à l’époque du génocide, s’est tenu (...)

Octavien Ngenzi et Tito Barahira ont été reconnus coupables de crimes contre l’humanité et génocide. Pour avoir conduit les massacres dans leur commune de Kabarondo, ils ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.

Jusqu’au bout, ils n’ont pas dévié. Ce mercredi matin, Tito Barahira, 65 ans, lunettes cerclées, moustache grisonnante, s’est levé de son fauteuil avec difficulté (il est sous dialyse).

L’ex-reponsable local du MRND, le parti rwandais au pouvoir à l’époque du génocide, s’est tenu debout, le regard fixe, et a répété d’une voix sourde qu’il n’a « jamais organisé une réunion dans le but d’inciter à tuer les Tutsis » ; qu’en avril 1994, il s’est « occupé de la sécurité de sa famille » alors que son pays « était en état de guerre ». Son allocution finale, monocorde, a duré moins de trois minutes.

Le second accusé, Octavien Ngenzi, 58 ans, semblait au contraire ne pas vouloir s’arrêter de parler. Conscient qu’à l’instant où il se tairait, le procès prendrait fin, et plus rien ne le séparerait du verdict.

En s’adressant aux jurés avec lenteur, en étirant ses phrases, l’ancien bourgmestre a dit « avoir réalisé, au cours du procès, qu’[il] était le responsable moral de la population de Kabarondo, et qu’[il] a été incapable de la protéger ». En creux, sa défense est restée la même durant les deux mois d’audiences devant la cour d’assises de Paris : il est certainement un « lâche », un « pleutre », mais « pas un tueur ».

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Malgré la succession à la barre de plus de 70 témoins directs des faits, malgré les accusations sans équivoque de nombreux rescapés, les deux hommes ont donc persisté jusqu’au dernier jour à nier leur participation aux tueries de Kabarondo.

Les jurés ont pourtant rendu leur verdict dans la soirée : Tito Barahira et Octavien Ngenzi sont jugés coupables à la fois de génocide et de crimes contre l’humanité pour « une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires » en application d’un « plan concerté tendant à la destruction » du groupe ethnique tutsi. Ils ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.

C’est la seconde et la plus lourde condamnation en France en relation avec les massacres de 1994 au Rwanda. « On peut s’attendre à un appel », a déclaré l’avocat de Tito Barahira, Me Philippe Meilhac.
Des rouages essentiels

Les anciens bourgmestres de Kabarondo (Ngenzi a été le successeur de Barahira à la tête de la commune) n’étaient donc pas « impuissants » ni « dépassés », comme ils ont essayé de le faire croire. Ils ont bien été considérés comme des « superviseurs » de l’extermination de la population tutsie, selon les mots de l’avocat général, Philippe Courroye, mais aussi « des bourreaux à l’œuvre ».

« Au Rwanda, on ne tue pas les gens sans ordre », a rappelé l’abbé de Kabarondo durant le procès : lorsque 2000 personnes réfugiées dans l’église ont été abattues ou découpées à la machette par les miliciens hutus, lorsque les survivants sont poursuivis au centre de santé pour être achevés, lorsque des perquisitions sont conduites pour traquer les derniers Tutsis de la localité, Octavien Ngenzi est « le chef d’état-major, le dirigeant », a décrit Courroye, qui avait requis la réclusion à perpétuité.

Quant à Tito Barahira, l’avocat général l’a dépeint en « officiant de la machette », actif, brutal, portant lui-même une lance lors de la « journée terrible » du 13 avril 1994 qui va faire basculer Kabarondo dans la logique génocidaire, haranguant la foule des paysans hutus pour leur ordonner de se mettre « au travail » pour « assurer leur sécurité ».

Les deux hommes ont été des rouages essentiels et efficaces, au niveau local, d’un plan d’extermination planifié au plus haut niveau de l’Etat. Il y a deux ans, un premier procès du génocide rwandais s’était tenu en France : Pascal Simbikangwa, ex-chef des services secrets, proche des plus hautes sphères extrémistes hutues, avait été condamné à vingt-cinq ans d’emprisonnement en première instance - peine dont il a fait appel. Aujourd’hui, la justice française vient de condamner l’autre bout de la chaîne du génocide : deux exécutants qui l’ont rendu réel.

Avec Celian Macé de Libération


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