Au dernier jour du procès pour « complicité de génocide » de l’ex-capitaine rwandais Pascal Simbikangwa, un nouveau témoin a tenté de dresser un portrait aimable de l’accusé.
Dans la famille Simbikangwa, voici le frère : au dernier jour de l’audition des témoins, après cinq semaines d’audience au procés de l’ex-officier rwandais accusé de « complicité de génocide » au Rwanda en 1994, la défense obtient in extremis la comparution surprise du frère cadet de l’ex-capitaine rwandais, chef des renseignements intérieurs d’un régime qui a conduit au génocide. Le frère, donc.

Le fauteuil roulant de Pascal Simbikangwa, ancien capitaine rwandais, lors de son procès à Paris, le 4 février.
Au départ, il ne semblait pas très pressé de venir défendre son frère aîné. Aujourd’hui, Bonaventure Mutangana vit à Conflans-Saint-Honorine et travaille à Auchan. Au moment du génocide, il était militaire, encore en formation, d’après ce qu’il raconte. Il a décidé finalement de venir témoigner au dernier moment, ce jeudi « à 22 heures » pour « dire la vérité sur la famille » et parce qu’il était « choqué et écoeuré » de voir son frère associé à un génocide « alors qu’il a pris des risques pour sauver des Tutsis ».
Très vite, le Président du tribunal, Olivier Leurant, a de quoi s’arracher les cheveux. Parce que selon Bonaventure, Pascal n’est pas son frère mais son cousin. Ah bon, premier scoop. « Administrativement c’est mon frère, mais biologiquement c’est mon cousin même si moi je le considère comme un frère voire un père », explique le vrai-faux frère.
Une histoire de famille ordinaire
« Vous vivez en France, vous connaissez les structures familiales européennes... » avertit le Président du tribunal, un peu déconcerté par cette nouvelle embrouille. Car le père officiel de Pascal semblait, lui, considérer que l’accusé était son véritable fils. Il l’a dit aux enquêteurs... « Non ses vrais parents sont morts. Et mon père qui l’a adopté, est en réalité le frère de son père », explique Bonaventure, qui tente peut-être de justifier les identités successives de son frère, démasqué sous un autre nom à Mayotte en 2008.
De toute façon, Bonaventure lui-même ne porte pas le même nom de famille que Pascal. Comme le veut la tradition rwandaise, laquelle implique que les enfants sont baptisés d’un prénom, mais aussi d’un nom de famille personnalisé.
Reste qu’entre vrais-faux frères ou cousins on se serre les coudes. L’accusé était « quelqu’un de bien » assure Bonaventure, il a veillé à la scolarisation de toute la famille. Sinon, ils n’ont jamais parlé de politique dans ce pays au bord de l’implosion depuis plusieurs années. Et le petit Bonvanture était peu curieux des activités de son frère au sein des renseignements intérieurs. Quand ils se voyaient, Pascal donnait des cours de maths à son cadet. C’est tout.
Comment se fait-il qu’il n’ait jamais eu l’envie de témoigner pour ce frère adoré en cinq ans de procédures et cinq semaines de procés, insiste encore le Président du tribunal ? Comment se fait-il qu’il n’ait jamais été le voir en prison ? Quoique cette dernière hypothèse soit contestée par l’accusé, qui a affirmé devant le juge d’instruction que son petit frère lui a rendu visite...
Un génocide ? « Oui, mais... » tente le frère
Bonaventure se serait éloigné de son frère pour se protéger. Il l’assure : « il y a des listes contre les Hutu au Rwanda ». C’est au nom de l’ethnie majoritaire du pays que le génocide a été commis. Mais pas plus que les Allemands n’ont été tous des nazis, tous les Hutu n’y ont pas participé. Reste que pour Bonaventure, on a mis son frère injustement sur une liste, et s’il n’est pas venu lui-même témoigner, c’est que la même chose risque de lui arriver, s’il se montre publiquement.
Un des témoins entendus, un jeune Tutsi qui est resté au domicile de Pascal Simbikangwa pendant les trois mois du génocide dans un climat de terreur, a affirmé à la Cour que parmi les gens qui le menaçaient, il y avait justement Bonaventure. Celui-ci est outré ! Il a une explication : ce témoin est lui aussi « sous pression » d’un pays qui serait désormais animé d’une volonté de vengeance à l’égard de tous les Hutus.
Il ne nie pas le génocide, mais évoque « des bêtises » pour parler des tueries. Et les « soucis » des Tutsis, quand le génocide commence. « Tout le monde est victime » dit-il, persuadé qu’on pourrait encore le tuer en Europe aujourd’hui. Pas certain que ce témoignage sorti à la dernière minute du chapeau de la Défense aide beaucoup l’accusé.
Il y a juste ce moment d’émotion, quand Bonaventure, au dernier moment, se tourne vers ce frère qu’il a peu vu depuis qu’il est accusé et emprisonné : « je suis désolé » lui dit-il, écrasant une larme. Désolé de quoi ? On ne le saura pas.
Maria MALAGARDIS
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