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Julien André de ’Souviens-toi le 7 avril’, interview à cœur ouvert

Redigé par Propos recueillis par Karirima A. Ngarambe
Le 7 mars 2014 à 01:28

Alors que les cérémonies commémoratives Kwibuka 20 sont lancées en Belgique depuis le 19 février. Aimable Karirma a été à la rencontre de Julien André pour une interview sans langue de bois et à cœur ouvert...
Julien André, vous êtes le jeune président de l’ASBL Souviens-Toi Le 7 Avril ! C’est une association qui veut perpétuer la mémoire du génocide et mener des projets humanitaires au Rwanda.
Pourquoi et comment avez-vous commencé à travailler sur le Rwanda ? C’est très difficile de trouver les mots pour (...)


Alors que les cérémonies commémoratives Kwibuka 20 sont lancées en Belgique depuis le 19 février. Aimable Karirma a été à la rencontre de Julien André pour une interview sans langue de bois et à cœur ouvert...

Julien André, vous êtes le jeune président de l’ASBL Souviens-Toi Le 7 Avril ! C’est une association qui veut perpétuer la mémoire du génocide et mener des projets humanitaires au Rwanda.

Pourquoi et comment avez-vous commencé à travailler sur le Rwanda ? C’est très difficile de trouver les mots pour exprimer les raisons de mon engagement mais je dirais avec beaucoup de modestie par devoir citoyen. J’ai étudié le génocide pour un travail scolaire basé sur ma date de naissance. Étant né le 7 avril 1994, quand j’ai découvert cette histoire, j’ai été traversé par un double sentiment.

L’incompréhension, d’une part, quant à l’horreur des faits, l’abomination dans sa plus effroyable expression. L’indignation, la honte ensuite de part les causes, les diverses complicité et l’abandon de la communauté internationale. Pour ses raisons, je me suis dit qu’il fallait agir et l’idée de créer l’ASBL est née comme ça.

Qu’entendez-vous par devoir citoyen ?

Le négationnisme et la minimisation sont présents, ça c’est indéniable. Comme c’est souvent le cas pour l’Afrique, certains individus trouvent normal que les Africains s’entre-tuent avec une telle barbarie.

Quand j’ai étudié les faits, j’ai vu une hiérarchisation ethnique basée sur un racisme dit scientifique qui a été initié par les colons. Ce processus raciste est, selon moi, une des bases du génocide. Aujourd’hui on entend parler de guerre ethnique ou de double génocide.

Au Rwanda, il est clair que des Hutu extrémistes, guidés par un projet politique, ont voulu exterminer des Tutsi. J’invite humblement les personnes qui doutent à étudier les statistiques, à écouter les archives disponibles de la radio RTLM...

Rappeler l’horreur des faits pour éviter la montée du révisionnisme et du négationnisme, pour que les rescapés et victimes gardent leur dignité, pour que qu’on ne connaisse plus jamais ça,... doit être un devoir, du moins ça l’est pour notre association et ses membres.

Vous parliez de honte, que vouliez-vous dire par là ?

À chaque fois que je suis amené à prendre la parole sur le génocide, je ne peux m’empêcher de me sentir honteux. Honteux d’appartenir à un pays – et il n’était pas le seul - qui a abandonné, qui a condamné un million d’individus malgré le massacre de dix de ses soldats et ce pour s’aligner avec une communauté internationale qui s’attarde malheureusement trop longuement au dessus d’hésitations souvent meurtrières comme c’est encore le cas pour la Syrie actuellement.

Fort-heureusement, Cet abandon et ces fautes, la Belgique les a reconnus en 2000 par le biais d’un discours engagé de Monsieur Verofstadt, alors premier ministre. Mais le travail est encore long pour éradiquer le négationnisme si malsain.

Vous en voulez à la communauté internationale ?

Vous savez, le génocide est très souvent présenté comme interne mais, pour moi, il ne peut se comprendre qu’au sein d’un contexte géopolitique internationale.

L’instrumentalisation des ethnies par le pouvoir colonial, le commerce d’arme, les complicités dans le génocide,... sont quelques-unes des responsabilités des puissances internationales...

Maintenant quant à dire que je lui en veux, je n’ai pas la légitimité pour le faire... Je pense qu’en-vouloir pour des actions qu’on ne peut plus corriger ne sert à rien. Par contre, il faut reconnaître ses erreurs et ne plus les commettre à l’avenir...

Vous avez participé à de nombreuses commémorations alors que vous n’êtes pas rescapés, c’est important pour vous ?

Commémorer est important ! Je tiens quand même à préciser que pour les rescapés, c’est tous les jours qu’ils ont des pensées pour les victimes de 1994. Alors, c’est vrai que je ne suis pas rwandais, que je n’ai pas connu le génocide...

Mais avec les autres jeunes de l’association, nous sommes citoyen du monde et personne ne peut rester indifférent aux monstruosités que le Rwanda a connu en 1994.

C’est comme l’émotion d’une population entière pour la mort d’une personne qu’elle ne connaissait pas avant de connaître son histoire. Ça te touche au plus profond et tu ne sais rien faire contre cela, ça fait partie de tes valeurs...

Vous qui êtes amené à rencontrer beaucoup de rwandais dans les commémorations, trouvez vous qu’il y a encore des tensions ethniques ?

Maintenant pour beaucoup, il n’y a plus de Hutu ou Tutsi mais bien des Rwandais c’est un sentiment largement partagé. Cependant, des tensions persistent en Belgique notamment comme à Anvers ou dans le quartier de Matonge par exemple.

Je rencontrais encore la semaine dernière une dame qui m’expliquait qu’elle se faisait passer pour une camerounaise de peur de se faire agresser.

La profanation de la stèle commémorative de l’année dernière est un autre exemple honteux des tensions qui perdurent.

Vous avez prononcé un discours au Parlement Européen le 19 février dernier, vous faites de belles rencontres dans votre engagement ?

C’est vrai ! Jamais je n’aurai pensé faire d’aussi belles rencontres et vivre de tels moments. C’était très impressionnant de prendre la parole à coté de Louis Michel, parler devant Isabelle

Durant et d’autres euro-parlementaires, des mandataires, des membres du monde diplomatique,.... C’est clair que pour un étudiant en sciences politiques ce sont des riches expériences car tu rencontres des personnalités que tu voyais petit à la télé et qui, au fond, ont forgé ton intérêt pour la politique.

Dans mon entourage, il y a aussi Anne-Marie Lizin qui a joué un rôle fondamental dans le projet de notre association car c’est elle qui nous a mis en contact avec l’Ambassadeur du Rwanda à Bruxelles, Monsieur Masozera et qui a rendu possible la fondation de l’association. Pour cela, notre association lui doit, à elle aussi, énormément.

Il est vrai que ces personnalités politiques sont de belles rencontres mais les contacts humains avec les rescapés ou des acteurs dans la recherche de vérité marquent tout autant, même plus.

J’ai des contacts avec de nombreux rescapés ou des personnes actives comme Martine Debatty qui sont devenues de véritables amis avec lesquels je m’entretiens régulièrement et qui m’apprennent aussi énormément.

Ou serez-vous le 7 Avril prochain ?

S’il n’y a plus de changements, je serai à Bruxelles. Il est vrai qu’il avait été annoncé publiquement que je devais être à Kigali mais des circonstances purement organisationnelles font que ce n’est pas pas possible, il y a plus de place... Ça sera pour l’année prochaine.

Il y a de la déception car nous nous y étions préparés depuis deux ans... Mais notre association ne travaille pas pour voyager mais bien pour un problème plus profond. Alors, nous serons très honorés et heureux de prendre la parole à Bruxelles. Le discours est déjà écrit et on se réjouit de partager ce moment avec les rescapés.


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