Une nouvelle loi sur les associations renforce le contrôle du pouvoir sur les ONG russes et étrangères toujours suspectées d’œuvrer contre les intérêts de l’Etat.

Un dessin d’Arcadio
La Russie s’est lancée dans une vaste chasse aux agents d’influence étrangers. La loi sur les associations, paraphée en juin 2012 par le président, n’était pas un simple "épouvantail", mais un véritable outil politique, destiné à servir. Ne restait qu’à mettre au point les modalités de son application.
La liste des associations qui ont reçu la visite des hommes du parquet s’allonge de jour en jour. Transparency International en fait désormais partie, ainsi que Grajdanskoé sodeïstvié [Assistance civique] de Svetlana Gannouchkina, et Agora, la fameuse association interrégionale de défense des droits de l’homme.
"On nous demande les copies des statuts, des documents sur nos activités, le nombre et l’identité de nos salariés, nos sources de revenu, le montant de notre budget, les détails de sa composition et la manière dont il est dépensé", précise Agora dans un communiqué de presse. Le parquet réclamerait également le bilan comptable des années 2011 et 2012 et des informations sur les sommes reçues de l’étranger durant cette période. En outre, le procureur a convoqué le responsable de l’association Agora, Pavel Tchikov, afin qu’il fournisse des explications.
Débusquer les "agents étrangers"
La semaine dernière, c’est un contrôle en règle de l’association Mémorial qui a été lancé. Et, en même temps que les forces de l’ordre, ce sont les journalistes de la chaîne NTV, bien connue pour réaliser les reportages les plus immondes sur l’opposition, qui ont investi les bureaux. Le 25 mars, des descentes impromptues ont eu lieu chez Amnesty International et dans les bureaux de la fondation Obchtchestvenny verdikt [Verdict de la société].
Au ministère de la Justice, on ne cache pas que tout cela a pour but de débusquer les "agents étrangers", auxquels la loi interdit d’avoir la moindre "activité politique". Sauf que cette loi ne précise pas ce qu’est une "activité politique". Avec ces perquisitions, le parquet va désormais pouvoir établir sa propre définition.
Nous assistons là à une campagne d’Etat de grande ampleur qui vise à trouver des agents étrangers au sein de toutes les associations qui existent en Russie. Le 26 mars, l’opération avait touché 88 associations dans 24 régions différentes, dont 35 uniquement à Moscou et à Saint-Pétersbourg.
A noter que les organisations bien connues pour leurs activités et discours critiquant le pouvoir russe, comme la branche moscovite de Human Rights Watch, ou Mémorial, n’ont pas été les seules concernées.
Les associations que les nouvelles lois rendent automatiquement suspectes aux yeux des pouvoirs publics, comme celles qui se battent pour les droits des minorités sexuelles, à l’instar de Bok-o-bok [Côte à côte] ou Vykhod [Issue], à Saint-Pétersbourg, ne sont pas non plus les uniques cibles.
Des révolutionnaires dans l’Alliance française ?
Ainsi, dans la région de Samara, c’est l’Alliance française locale, qui donne des cours de français, qui a été visée. Peut-être les autorités ont-elles voulu s’assurer qu’on n’y formait pas de nouveaux révolutionnaires dans l’esprit de 1789.
A Novossibirsk, les procureurs ont débarqué chez les pompiers volontaires, sans doute pour éviter qu’ils mettent le feu aux poudres ! A Saratov, c’est l’Union régionale de protection des oiseaux qui a fait l’objet d’un contrôle.
Avant que cette loi sur les agents étrangers soit votée, les associations, en particulier celles qui menaient des activités sociales, politiques, et défendaient les droits de l’homme, étaient déjà soumises à des inspections incessantes.
Leurs comptes sont souvent beaucoup plus transparents que ceux des grosses sociétés russes. D’ailleurs, il n’est pas rare que ces dernières aient leurs sièges sociaux à l’étranger, qu’elles fonctionnent avec des capitaux étrangers et disposent d’une influence politique (avec leur capacité à appuyer des décisions économiques précises au plus haut niveau), au moins autant qu’Agora ou Memorial.
Les suites de l’opération actuelle et l’ampleur de la lutte contre les "agents étrangers" vont en grande partie dicter le climat politique russe des mois à venir. De même que la retentissante campagne de "nationalisation des élites" [censées ne plus posséder de biens à l’étranger et centrer toute leur vie et leurs activités sur la Russie], il s’agit d’un nouveau trait de caractère d’une politique qui tend à se couper de plus en plus de la communauté internationale.
Pour l’instant, nous assistons à un contrôle généralisé des associations, qui a pour objectif de déterminer la présence de capital étranger et de voir s’il est employé à des fins d’intervention dans la vie politique russe. L’étape suivante consistera manifestement à "tirer" de façon ciblée sur les indésirables.
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