Rwanda : Des libertes publiques et des corps intermediaires apres 1994

Redigé par Andre Twahirwa
Le 27 septembre 2017 à 04:05

Au pays de Gihanga, les droits civils et la démocratie (participative) sont indissociables. Ils s’inscrivent tous dans la Tradition « modernisée » et dans le contexte post-génocide. Et, comme les partis politiques, les corps intermédiaires (ONG, syndicats et médias) sont libres et citoyens.
Égalité et interdiction de toute discrimination, dialogue à la recherche du consensus et participation de tou(te)s au pouvoir : au Rwanda de l’après-génocide, les trois principes constituent le fondement des (...)


Au pays de Gihanga, les droits civils et la démocratie (participative) sont indissociables. Ils s’inscrivent tous dans la Tradition « modernisée » et dans le contexte post-génocide. Et, comme les partis politiques, les corps intermédiaires (ONG, syndicats et médias) sont libres et citoyens.

Égalité et interdiction de toute discrimination, dialogue à la recherche du consensus et participation de tou(te)s au pouvoir : au Rwanda de l’après-génocide, les trois principes constituent le fondement des vingt-neuf libertés inscrites dans la Constitution (Chapitre IV, articles 12 à 40).
Lire aussi : Des libertés publiques au Rwanda : Priorité aux droits socio-économiques
http://fr.igihe.com/opinions-reactions/rwanda-des-libertes-publiques-au-pays-de-gihanga.html
Bien que figurant en queue de liste, les libertés syndicales (articles 31 à 33) ainsi que les libertés d’association ou d’expression (articles 38 à 40) sont évidemment aussi importantes que tous les autres droits : les droits de l’Homme sont indivisibles. Au Rwanda, elles sont surtout effectives et, depuis 1994, la progression des corps intermédiaires (ONG, syndicats et médias)est exponentielle. En témoignent les études et statistiques du Rwanda Governance Board (RGB), chargé de la mise en application des politiques publiques, de l’enregistrement des ONG, des médias et des associations professionnelles ainsi que de leur promotion et suivi.
Très forte progression des corps intermédiaires.
S’agissant des ONG, il en est dénombré plus 1 400 ONG. Et plus d’un cinquième de celles-ci (500) sont des organisations religieuses. En effet, la laïcité (article 4) et la liberté de conscience et de religion (article 37) ne sont pas que des vœux pieux : le catholicisme a cessé d’être la religion (quasi)officielle. Et, depuis 1994, l’Islam et surtout les églises « nouvelles » d’inspiration protestante, organisées en petites communautés « horizontales », ont le vent en poupe.
S’agissant des ONG qui concernent les droits socio-économiques (la lutte contre la faim, la lutte contre les maladies, la protection des enfants, la scolarité, l’économie, l’écologie ou alors la protection de la nature), ellessont nombreuses et très actives.
Dans le domaine des associations concernant les Droits de l’Homme, les associations des rescapés du génocide ou de lutte contre le génocide ont tout naturellement la priorité. Et elles sont très actives, elles aussi. Au premier rang, l’association IBUKA (souviens-toi) mais aussi AVEGA (Association des veuves du génocide) ou de l’AERG (Association des étudiants et élèves rescapés du Génocide ainsi que du GAERG (Groupe des anciens étudiants rescapés du génocide).
Il est d’autres associations des droits de l’Homme qui datent d’avant le génocide : le Collectif des Ligues et Associations des Droits de l’Homme (CLADHO), l’Association rwandaise pour la défense des droits de la personne et libertés publiques (ADL) ou la Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (LIPRODHOR). Ils sont toujours opérationnels mais il leur a fallu s’émanciper de la tutelle des « amis » et traditionnelsfinanceurs occidentaux de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), dont ils sont toujours pourtant membres.
S’agissant des médias, le RGB est chargé aussi de leur évaluation régulière et de leur développement (Baromètre Rwanda Media). En une vingtaine d’années, le nombre des stations de télévision est passé de 1 à 6, le nombre de stations radio de 1 à 29. Il existe actuellement plus de 45 titres de journaux, dont beaucoup en kinyarwanda, et plus de 80 sites-web d’information.
S’agissant enfin des syndicats, il ne cesse d’en naître de nouveaux. Y compris dans le secteur informel. Le dernier à voir le jour est sans doute le « Syndicat de Travailleurs Domestiques et de tous ceux qui font des travaux connexes comme les employés des hôtels, bars et restaurants », lancé le 26 septembre 2016. Ils sont organisés parprofession ou par catégorie socio-professionnelle et regroupés en centrales syndicales, fédérations et confédérations (Arrêté ministériel n° 11 du 04-09-2010 déterminant les conditions et modalités d’enregistrement des syndicats et des organisations patronales). Les pressions, les formations (des délégués syndicaux) et le dialogue social entre les syndicats, les employeurs et/ou le gouvernement font progresser le marché du travail et permettent de signer des conventions dont bénéficient des centaines de milliers de travailleurs.
Dialogue social et fonctionnement « horizontal » sont, en effet, les deux règles d’or du syndicalisme rwandais. Ainsi, fin 2016, le syndicat des Travailleurs Indépendants de l’Economie Informelle (SYTRIECI), affilié de StreetNet au Rwanda, a pu obtenir, après des négociations menées avec la Ville de Kigali, la construction de 12 petits marchés pour environ 8000 anciens vendeurs de rue et l’exemption des taxes pendant un an.
Mais, surtout, s’ils sont libres, les syndicats sont aussi (acteurs) citoyens. Il en est de même des autres corps intermédiaires. Au même titre que les partis politiques. Et à l’instar des corps constitués comme la Police ou l’Armée, une armée citoyenne et pas uniquement pendant la « Semaine de l’Armée ». Une semaine qui a duré deux mois en 2017 : du 4 mai au 4 juillet, les équipes médicales militaires sont allées à la rencontre des patients dans presque tous les hôpitaux du pays.
Des corps intermédiaires libres et citoyens.
La société rwandaise est une « société du NOUS », une société du « Partage ». Le Rwanda est le pays de l’Ubuntu, des solidarités « horizontales ». Et de la démocratie (à dominante) participative : le modèle participatif est celui qui permet au peuple, le plus large possible, d’exercer le plus possible les pouvoirs de gouvernement les plus étendus. C’est le « PAR le peuple » qui différencie les différentes formes de démocratie (pouvoir du peuple, pour le peuple et par le peuple). Au Rwanda, la participation du peuple se fait par le biais des « solutions endogènes », toutes fondées sur l’Ubuntu.
Lire aussi : L’Ubuntu et la démocratie participative au Rwanda
http://www.fr.igihe.com/education-culture/l-ubuntu-et-la-democratie-participative-au-rwanda.html
Et au pays de l’Ubuntu (« Tu es donc je suis »), patriotisme rime avec altruisme : le patriotisme, que le Rwanda est le seul pays au monde à inscrire, en toutes lettres, dans sa devise _ « Unité-Travail-Patriotisme » _ s’entend d’abord par le « demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le pays », pour reprendre la formule du Discours d’investiture du Président Kennedy. Et non par le « demandez ce que le pays peut faire pour vous », propreaux « pays du JE » et du « Départage » : les intérêts individuels et/ou catégoriels priment sur l’intérêt collectif.
Et, dans une société du NOUS, liberté rime avec citoyenneté : « être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres » (Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté) ».
Ainsi, les ONG, nationales ou internationales, participent, chacune dans son domaine spécifique, aux programmes selon l’ordre des priorités fixées par le gouvernement : tel est le cas de Médecins du monde, qui œuvre dans le domaine de la santé (mentale) en accompagnant spécialement les associations des rescapés. C’est le cas aussi du Collectif des Ligues et Associations des Droits de l’Homme (CLADHO), qui a lancé, le 26 septembre 2016, « le Syndicat de Travailleurs Domestiques et de tous ceux qui font des travaux connexes comme les employés des hôtels, bars et restaurants ». S’agissant des syndicats, la Fédération des Coopératives des Conducteurs des Taxi Motos (FERWACOTAMO)apporte sa contribution aux programmes tels que le « One Dollar Campaign », destiné à aider chaque orphelin rescapé à se construire une maison.
Quant aux médias, la presse écrite et les médias audio-visuels jouent pleinement leur rôle de vigilance citoyenne : ils ne se privent pas de critiquer le pouvoir et de dénoncer les abus de certains responsables politiques. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les journaux _ surtout ceux en langue nationale _ ou d’écouter les radios notamment les radios libres : la parole est libre et les auditeurs réagissent notamment sur les réseaux sociaux, très développés au Pays des mille collines.
Seuls garde-fous, inscrits dans le Code d’Éthique et de Déontologie des médias rwandais et, d’abord, dans la Constitution : les « gens exerçant une autorité dans la vie publique bénéficient d’une protection pour leur vie privée excepté quand leur vie privée peut avoir un effet sur la vie publique » (article 21 du Code de déontologie). Au même titre que les personnes privées (article 17 et article 23 de la Constitution).
Ensuite, au pays qui entend encore résonner les appels à exterminer le tutsi des « Médias de la haine » du Hutu power, les journalistes « doivent être au courant du danger de discrimination pouvant être véhiculée par eux et faire tout pour éviter de faciliter une telle discrimination basée, entre autres, sur la race, le sexe, l’ethnie, la langue, la religion, l’opinion politique, les origines nationales ou sociales, le handicap mental ou physique et le SIDA » (article 16 du Code d’Éthique et de la Constitution). Au même titre que les formations politiques (article 57 de la Constitution).
De façon générale, les corps intermédiaires remplissent donc leur rôle d’inter-médiaire. Pour les médias, il s’agit d’informer et d’expliquer _ en mettant l’information en perspective _ de médiatiser sans chercher à s’ériger en un « quatrième pouvoir » _ alors qu’ils ne jouissent d’aucune légitimité populaire _ et de jouer pleinement leur rôle de vigilance et d’alerte. Quant aux syndicats, ils sont là pour défendre les intérêts de leurs adhérents et de la profession. Sans idéologie partisane, en évitant la bagarre, qui « détruit » et qui n’est pas dans l’ADN culturel du Pays de Gihanga, pays du dialogue (social et politique). Mais, au pays de la démocratie (à dominante) participative, s’ils sont libres, les corps intermédiaires (médias, syndicats ou ONG) sont aussi citoyens.
*And


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