Le Rwandais Pascal Simbikangwa, 53 ans, détenu en France, est accusé par le parquet de Paris de complicité de génocide et de complicité de crime contre l’humanité
Le Rwandais Pascal Simbikangwa, 53 ans, détenu sur notre sol depuis 2009, est désormais formellement accusé par le parquet de Paris de complicité de génocide et de complicité de crime contre l’humanité, le pôle crimes contre l’humanité venant d’émettre un réquisitoire définitif de 80 pages à son encontre.
Au juge d’instruction, maintenant, de décider si Simbikangwa sera jugé aux Assises dans les prochains mois, ou s’il bénéficiera d’un non-lieu.
Il pourrait être le premier Rwandais devant un tribunal en France pour des faits aussi graves.
Pourquoi Pascal Simbikangwa est en France
Malgré l’accident de la route qui lui a fait perdre l’usage de ses jambes en 1986, Pascal Simbikangwa a toujours entretenu sa vigueur de chef. L’homme, fluet, tassé dans son fauteuil roulant, ne paie pourtant pas de mine, si ce n’était son regard soutenu.
Il est très réactif, du genre à interrompre les magistrats et les avocats, observe maître Domitille Philippart, qui l’a vu en visioconférence lors d’une audience. Il est sur la défensive et nie les faits qui lui sont reprochés, en disant même qu’il a défendu des Tutsis."
Au Rwanda, ce capitaine a une réputation sulfureuse. On lui attribue des assassinats d’opposants sous le régime de Juvénal Habyarimana (le président mort dans l’attentat contre son avion le 6 avril 1994), dont il était membre des services de renseignements.
Il aurait assisté en personne à des séances de torture. Après avoir exécuté les basses oeuvres, a-t-il été impliqué dans le génocide qui fit, entre avril et juin 1994, près de 800 000 victimes tutsies et hutus modérées ?
Alors que le pays des mille collines n’est plus qu’un charnier à ciel ouvert, Simbikangwa s’évapore. Sur sa fiche Interpol alors émise, il sourit, vêtu de son treillis de militaire.
En octobre 2008, un certain David Safari Senyamuhura est arrêté à Mayotte. L’individu est soupçonné de trafic de faux papiers d’identité, il aurait fabriqué plus de 3000 passeports.
La police découvre alors que « Safari » a tenté d’obtenir le statut de réfugié politique, rejeté par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) en raison de soupçons sur son passé. Et qu’il n’est autre que Simbikangwa... Un homme à l’encontre duquel la République rwandaise a émis un acte d’accusation grave. Pour Kigali, Pascal Simbikangwa appartient à la "Catégorie I", les personnes les plus recherchées.
Le Rwanda ne parviendra pas à obtenir son extradition. L’ex-militaire va être mis en examen et incarcéré à la Réunion en avril 2009, peu après le dépôt d’une plainte par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une association en pointe dans la traque des génocidaires. Il a depuis été transféré à Fresnes. La France a compétence pour juger sur son sol les génocidaires y résidant. Ce qu’elle s’attelle à faire.
Ce qu’on lui reproche
Pascal Simbikangwa est accusé de s’être rendu complice du génocide et des crimes contre l’humanité, en établissant des barrages (ces lieux de contrôles de papiers où étaient massivement « machettés » les Tutsis en fuite), distribuant des armes aux miliciens, réprimant la presse et éditant des journaux de propagande haineuse.
Sans parler des faits de tortures et de meurtres. L’acte d’accusation rwandais détaille des "anecdotes" cruelles : "En décembre 1993 et sous [ses] ordres, les hommes en uniforme arrêtèrent une dame tutsie […]. La victime avait une blessure recouverte de gaze. Pascal Simbikangwa retira si brusquement le pansement que le sang jaillit."
L’homme aurait été membre de la fameuse « Akazu » (petite maison) ou "clique des seigneurs", des proches du couple Habyarimana alors au pouvoir. Il aurait aussi mené les "escadrons de la mort" qui semaient la terreur dans Kigali.
L’enquête française
La justice française a fait sa propre enquête. Depuis sa création en janvier 2012, le Pôle crimes contre l’humanité du parquet de Paris s’est beaucoup étoffé.
De deux magistrats à temps pleins à ses débuts, il est passé à trois juges d’instruction, deux procureurs et quatre assistants spécialisés.
Une dizaine de gendarmes-enquêteurs de la section de recherche de Paris leur prête main forte. "Nous avons longtemps déploré l’inertie de la justice française, se souvient Simon Foreman, avocat du CPCR, partie civile dans ce dossier. Mais la force de travail de ce pôle s’est décuplée et les documents que l’instruction nous fournit constituent désormais un dossier de plus de 7000 pages, qui a beaucoup grossi cette dernière année. Une centaine de témoins ont été auditionnés au Rwanda !"
En Europe, des procès de génocidaires ont eu lieu en Allemagne, en Belgique, en Suède et aux Pays-Bas. Si Simbikangwa est renvoyé devant les Assises, le sien pourrait avoir lieu fin 2013-2014, alors que se profile le vingtième anniversaire du drame.
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