Rwanda : les militaires belges « ne pouvaient pas » sauver les réfugiés de l’ETO

Redigé par La Libre Afrique
Le 10 mars 2018 à 03:12

La cour d’appel du tribunal civil de Bruxelles a entendu jeudi 8 mars les avocats de la partie défenderesse au procès intenté à l’Etat belge et à deux de ses officiers, pour leur inaction lors du massacre de l’ETO, le 11 avril 1994.

Ils sont poursuivis pour crime de guerre par mission pour avoir quitté l’école où s’étaient réfugiées 2000 personnes, qui furent ensuite tuées – sauf une cinquantaine qui en réchappèrent, généralement parce qu’elles ont survécu sous les cadavres – par des extrémistes hutus.

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Me Gilles Vanderbeck, le conseil des officiers militaires Marchal et Dewez, a plaidé, jeudi, que ses clients n’étaient pas responsables du massacre commis à l’École Technique Officielle (ETO) Don Bosco à Kigali. Dans ce dossier, des proches de victimes du génocide rwandais ont intenté une action au civil contre l’État belge et plusieurs officiers militaires belges.

« Mes clients ne pouvaient mettre fin au crime à l’ETO de Kigali. Il n’était pas possible d’empêcher ce qui s’est passé », a plaidé Me Gilles Vanderbeck, conseil du colonel Luc Marchal, qui était « numéro deux » de la mission onusienne au Rwanda, et du colonel Joseph Dewez, qui était chef du contingent belge à Kigali.

« Dès le départ, ils ont dit aux réfugiés qu’il ne fallait pas rester à l’ETO ; que eux, militaires, allaient peut-être être mutés ailleurs. L’ordre de mes clients de quitter l’ETO n’avait rien d’illégal. Il répondait à une stratégie militaire. Leur responsabilité personnelle n’est pas engagée », a soutenu l’avocat.

Les militaires belges plus en danger que les réfugiés

Me Vanderbeck a notamment rappelé qu’il y avait interdiction aux casques bleus belges de recourir à la force, sauf en cas de légitime défense, et que la mission onusienne avait un devoir d’impartialité. Il a affirmé que, de plus, les bataillons belges sur place possédaient un armement trop léger, avec seulement 30% des munitions requises, et n’étaient donc pas en état de riposter.

L’avocat a également avancé que les militaires belges étaient plus exposés dans ce pays que les autres militaires de la mission de l’ONU. « La vision du colonel Dewez est, à un moment, que sa compagnie est plus en danger que les réfugiés qui sont là », a-t-il dit. Celui-ci a encore expliqué que le contingent belge à l’ETO avait, de plus, eu la garantie que des renforts y seraient envoyés.

Dans ce dossier, des proches de victimes du massacre commis dans et autour de l’ETO réclament une centaine de milliers d’euros de dommages et intérêts à l’État belge et à certains officiers militaires. Ils estiment qu’en ayant donné l’ordre d’évacuer les forces armées belges de l’ETO le 11 avril 1994, ces autorités ont commis une faute.

L’avocat récuse le film

Le 7 avril 1994, alors que débute le génocide de Tutsis au Rwanda, certains de ceux-ci avaient trouvé refuge à l’ETO Don Bosco de Kigali, gardée par une centaine de casques bleus belges. Des milices extrémistes hutues avaient ensuite encerclé l’école. Quatre jours plus tard, les soldats belges avaient quitté ce lieu pour s’occuper de l’évacuation des civils belges à l’aéroport de Kigali, laissant derrière eux plus de 2.000 Tutsis et opposants au régime hutu de Juvénal Habyarimana. Ceux-ci avaient supplié les Belges de ne pas les abandonner.

Cet épisode du génocide rwandais a été évoqué dans un film intitulé « Shooting Dogs », sorti en 2005, que les avocats des victimes demandent aux juges de visionner. Mais pour Me Vanderbeck, ce film n’a rien à voir avec ce qu’il s’est passé à l’ETO. « Qu’on cesse de tout mélanger », a-t-il rétorqué jeudi.

Pour les familles des victimes de l’ETO, les autorités étatique et militaire belges auraient dû connaître les conséquences pour la population rwandaise de leur départ de l’ETO.

Les débats se poursuivront le 15 mars prochain par les répliques.


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