Rwanda : les producteurs refusent d’approvisionner les usines à bas prix

Redigé par Jean de la Croix Tabaro Agence Syfia
Le 24 décembre 2012 à 10:18

Plusieurs usines agro-alimentaires implantées au Rwanda ces dernières années sont aujourd’hui au bord de la faillite. Les agriculteurs refusent de leur vendre leurs produits au prix qu’elles ont fixé sans concertation. Et pour les industriels, les prix demandés sont beaucoup plus chers que dans les pays voisins.
L’usine de transformation du maïs à Nyabihu au nord-ouest du Rwanda vient de fermer ses portes par manque de matières premières dont la région est pourtant grande productrice.
Les (...)

Plusieurs usines agro-alimentaires implantées au Rwanda ces dernières années sont aujourd’hui au bord de la faillite. Les agriculteurs refusent de leur vendre leurs produits au prix qu’elles ont fixé sans concertation. Et pour les industriels, les prix demandés sont beaucoup plus chers que dans les pays voisins.

L’usine de transformation du maïs à Nyabihu au nord-ouest du Rwanda vient de fermer ses portes par manque de matières premières dont la région est pourtant grande productrice.

Les agriculteurs locaux ont refusé de fournir leur maïs à l’usine qui leur proposait un prix très inférieur à celui du marché local. Depuis le démarrage, ils n’ont pas pris en considération les demandes des agriculteurs. Au bout d’un certain temps, ils devaient aller de porte à porte pour chercher du maïs, ce qui ne pouvait pas réussir, remarque un agent du ministère du Commerce et de l’industrie (Minicom).

Les agriculteurs préfèrent écouler leur production au détail dans les marchés locaux ou aux grandes organisations comme le Programme alimentaire mondial (PAM).

La même menace pèse sur Kinazi Cassava plant, une usine de transformation du manioc de Ruhango, au centre sud du pays, une région riche en manioc. Les propriétaires de l’usine proposent 50 Frw (0.08$) par kilo de manioc, alors qu’au marché local, il est vendu à 180 Frw, (0.30$).

"Les tenants de cette usine n’ont pas voulu nous approcher pour convenir avec nous d’un prix. Nous aussi nous refusons de leur fournir nos maniocs à un prix dérisoire au risque de tomber en faillite", assure un membre de la coopérative Mbakungahaze (Que je vous enrichisse).

Selon un consultant du Minicom, une usine de fabrication de sauce tomate, SORWATOM importe même les semi-concentrés de tomates de Chine car les agriculteurs ont refusé de lui vendre les tomates. Une étude réalisée par le Minicom constate que les entrepreneurs qui n’approchent pas les agriculteurs avant de lancer leurs usines sont voués à l’échec.

Prix locaux élevés

L’implantation de petites industries agro-alimentaires fait partie de la stratégie de modernisation de l’agriculture rwandaise voulue par le gouvernement. Les objectifs en sont principalement de valoriser la production agricole (en particulier les produits vivriers), limiter les pertes et assurer l’approvisionnement alimentaire local.

De nombreuses usines de taille modeste ont ainsi été créées ces dernières années tandis que les agriculteurs étaient contraints de se concentrer sur les quelques cultures choisies par le ministère de l’Agriculture pour leur région.
Mais les industriels se plaignent eux de la cherté de ces produits agricoles locaux.

D’après un technicien d’une usine de transformation de maïs du nord, le maïs de la région est beaucoup plus cher que celui de l’Ouganda ou de la Tanzanie. Les opérateurs économiques préfèrent s’approvisionner dans les pays voisins où les prix sont bas", explique-t-il. Car dans ces pays le coût de production est moins élevé.

Pour un membre du collectif des coopératives des agriculteurs Imbaraga, basée à Musanze, Nord, les intrants agricoles coûtent très cher aux agriculteurs rwandais.

D’après un entrepreneur de l’agro-alimentaire, c’est aussi parce que les agriculteurs des pays voisins exploitent de grandes étendues et reçoivent des subventions de l’État. Selon lui, les taxes et impôts payés par les usines sont aussi très élevés.

Associer les petits producteurs

Les usines de transformation devraient consulter les agriculteurs avant de s’implanter dans la région espérant imposer un prix sans concertation, suggère le producteur membre du collectif. C’est aussi l’avis du Minicom qui a décidé de n’octroyer l’autorisation de monter une usine qu’à celui qui présente un contrat attestant l’engagement de la population locale à fournir ses produits.

D’après Alex Ruzibukira, chargé du développement industriel au MINICOM, "toute usine devra donner au moins 40% d’actions aux coopératives agricoles qui lui fournissent les matières premières’’.

Les rares entreprises qui impliquent les producteurs dans leur planification obtiennent des résultats encourageants. Sina Gérard, propriétaire d’une entreprise Urwibutso (souvenir) est une référence de réussite industrielle depuis plus de dix ans.

Son entreprise bien connue à Nyirangarama, un village dans la périphérie de Kigali, est très célèbre dans la fabrication des jus, pains, biscuits, bières, etc.

"Moi j’ai d’abord investi dans la matière première, témoigne-t-il. Je cultive tout ce dont j’ai besoin avant de compter sur les producteurs externes. Mais de nombreux agriculteurs du village sont impliqués lors du choix des produits et de la fixation des prix."


Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité