Rwanda-RDC-Ouganda : collaboration transfrontalière pour protéger les Virunga

Redigé par IGIHE
Le 15 juin 2012 à 02:47

Gorilles des montagnes, buffles, antilopes… sont régulièrement chassés dans le massif des Virunga partagé entre la RD Congo, le Rwanda et le Rwanda. Depuis mars dernier, des patrouilles conjointes ont permis de détruire des centaines de pièges et de décourager les braconniers.
Bigega Gabriel, 64 ans, qui habite à Musanze tout proche du Parc national des volcans, est dans les mains de la police. Il a été pris en flagrant délit avec 15 kg de viande d’antilopes prises dans les pièges tendus par lui et (...)

Gorilles des montagnes, buffles, antilopes… sont régulièrement chassés dans le massif des Virunga partagé entre la RD Congo, le Rwanda et le Rwanda. Depuis mars dernier, des patrouilles conjointes ont permis de détruire des centaines de pièges et de décourager les braconniers.

Bigega Gabriel, 64 ans, qui habite à Musanze tout proche du Parc national des volcans, est dans les mains de la police. Il a été pris en flagrant délit avec 15 kg de viande d’antilopes prises dans les pièges tendus par lui et son compagnon qui a pu s’échapper.

Des centaines de pièges sont régulièrement installés par des braconniers dans ce grand massif montagneux des Virunga qui regroupe trois parcs nationaux contigus répartis sur les territoires du Rwanda, de l’Ouganda et de la République démocratique du Congo (RDC) : “Les animaux ne sont pas comme les hommes, ils n’ont pas besoin de visas pour traverser une frontière.

C’est pourquoi nous avons opté, il a quatre mois, pour des patrouilles coordonnées pour contrôler régulièrement le parc et supprimer les pièges déjà tendus“, explique Augustin Munyaneza, guide dans le parc.

 D’après Teddy Musabe de GVTC, une organisation qui se charge de la collaboration transfrontalière du grand Virunga. “D’un seul coup à la frontière Rwanda-congolaise, 150 pièges ont été démantelés et la fréquence des braconniers a diminué. Après six mois nous allons mettre ensemble les résultats“.

Depuis mars ces patrouilles coordonnées et conjointes qui incluent des gardes-forêts du Rwanda, de la RDC et du Burundi sont à l’œuvre. Des patrouilles conjointes sont menées par une équipe composée de gardes de plusieurs pays tandis que celles dites "coordonnées" sont nationales mais organisent leurs plannings avec celles des autres pays et communiquent avec elles. ″Ceci a été fait après avoir découvert, en février, la mort d’un bébé gorille dans un piège″, précise Teddy Musabe.

Faire des patrouilles chacun de son côté semblait inefficace puisque leurs horaires étaient différents et chacune ne pouvait pas aller au-delà des frontières de leur pays : ″Des braconniers pouvaient ainsi traverser d’un pays à l’autre sachant que de tel ou tel autre côté des gardes ne sont pas présents″, ajoute Augustin. ″Actuellement nous faisons les patrouilles comme si c’était un même territoire.

En plus, plus nous sommes nombreux, (un groupe de plus de 20 gardes), nous sommes plus efficaces pour démanteler de nombreux pièges ici et là. L’union fait la force″, se félicitent les gardes.

Ces patrouilles ne visent pas seulement les pièges mais aussi le partage des renseignements sur la présence des activités illégales qui menacent la conservation de la faune et de la flore du parc. ″Certaines gens vont dans la forêt couper les plantes comme les bambous ou encore faire l’apiculture ce qui détériore l’environnement du parc″, précise Prosper Uwingeli, chef du Parc national des Volcans au Rwanda.

Pour les en dissuader, plutôt que d’interdire purement et simplement ces pratiques, on donne des ruches modernes à ceux qui faisaient l’apiculture dans le parc afin qu’ils s’organisent en coopératives à l’extérieur des zones protégées. Des braconniers réunis dans les coopératives se reconvertissent en agriculteurs ou guident les touristes : ″Avant je vendais dans les campagnes, où les autorités ne pouvaient pas nous localiser, la viande de buffles ou d’antilopes.

Je gagnais souvent 50 000 Frw par semaine (90$). Mais après avoir pris conscience de l’importance du parc pour nous mêmes et le pays, j’ai abandonné″, souligne Nshimiyimana Emmanuel, ancien braconnier qui reconnaît qu’il jouait à cache-cache avec les gardes au risque d’être attrapé à tout moment. Les pays ayant conjugué leurs patrouilles, les braconniers ont désormais plus de chances d’être capturés.

Cependant les lois sur le braconnage varient selon les pays concernés. Olinga Moïse, chargé de la conservation à Kibale en Ouganda en témoigne attristé : ″Les gardes ont attrapé un braconnier avec 10 antilopes dans son véhicule.

La peine imposée pour ces crimes s’élevait à 100.000 shillings ougandais (40$) ou un emprisonnement de trois mois. Il a payé les 100.000 shillings sur le champ et s’en est allé se moquant de nous.” Ceux qui ont tué dans le parc national impénétrable de Bwindi un gorille de montagne, un animal protégé, n’ont été condamnés qu’à payer 50.000 shillings (20 $).

En RDC, les lois en la matière ont un caractère nettement plus dissuasif puisque, “ ceux qui sont pris sont emprisonnés et peuvent être condamnés à des peines allant de 5 ans de prison à la peine de mort selon la gravité du braconnage“, selon Dr Muamba Kshibasu de l’institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN).

Au Rwanda la loi n’est pas à jour, elle date de 1974 et les juges ne sont guère préoccupés par ce problème. Selon Bizimungu François de Rwanda Development Board (RDB) qui a dans ses attributions les parcs et forêts, les juges ne prennent pas au sérieux les activités illégales et relativisent les peines :“ Actuellement nous sensibilisons tous les organes y compris les parquets pour que nous ayons la même compréhension de cette réalité ” "Ce dont nous avons besoin, c’est de sanctionner suivant la classification de l’espèce.

Si une espèce est menacée d’extinction, la sanction doit être plus sévère,” plaide pour sa part Prosper Uwingeli. L’année passée 35 éléphants ont été tués dans ces montagnes des Virunga et quelques gorilles retrouvés morts dans les pièges.

 Les personnes chargées des forêts sont tous unanimes que, si dans le temps la chasse était pratiquée pour chercher de la nourriture, maintenant elle est devenue un vrai business et qu’aujourd’hui plus qu’hier, la vigilance et la protection des espèces doivent être des priorités.

Trois pays pour un massif et 400 gorilles
La chaîne des volcans (Virunga en swahili) est située à la frontière entre le Rwanda, l’Ouganda et la République démocratique du Congo (RDC). Elle regroupe le parc national des Volcans au nord-est du Rwanda. Créé en 1934, il s’étend sur plus de 125 km2. Il englobe cinq des huit volcans : Karisimbi, Bisoke, Muhabura, Gahinga et Sabyinyo.

Cette chaîne s’étire du nord-est de la RDC avec le parc national de Virunga, qui s’étend sur 790 000 ha et au sud-ouest de l’Ouganda avec le parc national de Mgahinga étendu sur 33,7km2. Un peu plus loin en Ouganda le grand Virunga inclut aussi le parc national impénétrable de Bwindi (320km2) situé le long de la frontière avec la RDC à proximité du parc national des Virunga et le Queen Elizabeth Park, tous situés au sud-ouest de l’Ouganda.

Ils hébergent une multiplicité d’espèces dont les buffles, éléphants, antilopes, chimpanzés, différents oiseaux en plus d’une flore diversifiée. C’est le sanctuaire des gorilles de montagnes. La moitié des 700 gorilles de montagne du monde vivent là. Ils traversent comme bon leur semble toute la région.

De la RDC ou de l’Ouganda vers le Rwanda et vice versa. Ainsi ″les groupes de gorilles Kwitonda de la RDC et Nyakagezi de l’Ouganda vivent au Rwanda respectivement depuis huit ans et dix mois.

 Les groupes Hirwa et Agashya du Rwanda ont séjourné aussi quelques semaines en RDC puis sont revenus″, assure Prosper Uwingeli, chef du parc des Volcans au Rwanda. Des va-et-vient qui impliquent un partage des revenus entre les trois pays. En effet, les touristes sont nombreux à venir les voir.

Selon Prosper, depuis 2006, un processus de monitoring a commencé : ″Chaque jour nous inventorions combien de touristes visitent tel ou tel groupe. Après un temps nous partageons la moitié des revenus avec les pays dont les gorilles ont immigré vers le Rwanda″, explique-t-il sans donner le montant depuis lors partagé.

Au Rwanda, RDB a décidé, en juin, d’augmenter de 50% le permis de visite de ces primates. De 500 à 700 $ pour les étrangers non résidents, de 250 à 375 $ pour les étrangers résidents et de 20 000 Frw à 30 000 Frw pour les rwandais (de 33$ à 49$). La demande accrue des touristes et une croissance significative de la population des gorilles en sont les raisons.

Chaque année, depuis 8 ans, à Kinigi au nord, près du parc, le Rwanda célèbre le kwita izina (nommer), une cérémonie destinée à donner des noms aux bébés gorilles. Ce 16 juin, 20 nouveaux nés sont ainsi concernés qui s’ajoutent aux 400 gorilles vivant dans ce massif.

source:syfia-grands-lacs.info


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