SafeMotos, la start-up qui veut uberiser les motos-taxis d’Afrique

Redigé par IGIHE
Le 16 août 2016 à 09:46

« Don’t get killed today. » A SafeMotos, le slogan anxiogène, placardé au mur, tranche avec une atmosphère des plus détendue, presque californienne. Ici, on se détend d’une partie de ping-pong ou de fléchette, on sifflote un air de jazz devant son ordinateur portable. Les bureaux de la start-up ne dominent pourtant pas la skyline de San Francisco, mais les collines de Kigali.
Lancée en juin 2015, l’application a déjà gagné son surnom d’« Uber des motos-taxis », permettant depuis un an aux habitants de (...)

« Don’t get killed today. » A SafeMotos, le slogan anxiogène, placardé au mur, tranche avec une atmosphère des plus détendue, presque californienne. Ici, on se détend d’une partie de ping-pong ou de fléchette, on sifflote un air de jazz devant son ordinateur portable. Les bureaux de la start-up ne dominent pourtant pas la skyline de San Francisco, mais les collines de Kigali.

Lancée en juin 2015, l’application a déjà gagné son surnom d’« Uber des motos-taxis », permettant depuis un an aux habitants de la capitale rwandaise de commander des chauffeurs à la conduite irréprochable grâce à leurs portables. SafeMotos compte 5 000 utilisateurs réguliers. En quelques mois, l’application a été téléchargée 10 000 fois et comptabilise 28 000 trajets.
Contrôle de la conduite

A l’origine du projet, il y a deux jeunes hommes, Barrett Nash et Peter Kariuki (de nationalité canadienne et kényane), mais aussi un crash. Quelques mois après avoir fait germer l’idée de leur start-up, les deux compères prennent un moto-taxi pour un trajet dans Kigali. Soudain, un pick-up surgit. La route est glissante. Les deux amis et leurs chauffeurs se fracassent sur les parois du camion. Une frayeur pour Barrett, quelques dents cassées pour Peter. Mais une certitude : les motos-taxis sont dangereux.

Le succès de SafeMotos repose donc d’abord sur un contrôle rigoureux de la conduite des chauffeurs. Ces derniers signent un contrat, auquel l’entreprise peut mettre fin à tout moment. Il doit avoir son permis (bien sûr) mais aussi un casque de qualité et une veste réfléchissante. « S’il ne peut pas acheter tout ça, on peut lui ouvrir un microcrédit », explique Barrett Nash.

Sur leurs tableaux de bord, les équipes de SafeMotos contrôlent l’activité de leurs chauffeurs, notés de 0 à 100 en fonction de la qualité de leur conduite. Chaque profil est assorti de graphiques et de cartes, montrant les temps de parcours, retraçant chaque trajet. « On vérifie les motos toutes les semaines, insiste Herve Munyurangeri, l’un des jeunes développeurs rwandais de l’application. On a un système de carton jaune et de carton rouge pour rappeler les chauffeurs à l’ordre s’ils conduisent trop mal. En un an, un seul motard a été viré, et nous n’avons eu qu’un seul accident. »

La technologie Safe Motos impressionne, permettant de retracer à la seconde près les accélérations d’un chauffeur trop pressé. « C’est pourtant assez simple », rigole Peter Kariuki. SafeMotos utilise en effet une combinaison de logiciels et d’applications déjà existants. « Avec OpenStreetMap, on sait exactement à quoi ressemblent les rues, leurs longueurs, les différents croisements. Avec le GPS, on peut suivre chaque chauffeur dans ses trajets. Et nous avons aussi accès aux limites de vitesse fixées par le gouvernement pour chaque voie de circulation. En croisant les données, grâce un algorithme, on peut donc savoir combien de temps le chauffeur met pour parcourir telle rue et à quelle vitesse, et déterminer s’il est allé trop vite, s’il a freiné trop brutalement… »

Pas vraiment rentable

Une autoroute de 60 000 kilomètres de données a été accumulée en un an. Fini de héler les mobylettes ! L’application utilise le même principe qu’Uber. Il suffit de la télécharger et de signaler sa position sur une carte afin de convoquer la venue d’un moto-taxi. « Le temps d’attente est de moins de cinq minutes s », nous assure-t-on. On l’a testé : après plusieurs blocages, un chauffeur nous est finalement attribué… avec vingt minutes d’attente.

Une hérésie dans une ville où il suffit de lever la main à toute heure pour arrêter une moto. Car SafeMotos reste une goutte d’eau dans un océan motorisé : à Kigali, il demeure en effet assez rare de croiser le petit drapeau rouge des chauffeurs de l’application, accroché à l’avant de la bécane. Dans la capitale rwandaise, roulent 10 à 15 000 motos-taxis effectuant 200 000 trajets par jour, contre à peine 350 virées quotidiennes pour les 70 chauffeurs de SafeMotos.

SafeMotos met cependant un terme à la traditionnelle négociation du prix du moto-taxi. Comme pour Uber, celui-ci est défini automatiquement en fonction de la distance et du temps de parcours. On peut payer en liquide, ou avec un portefeuille électronique, débité à chaque trajet. « Le prix du marché est de 100 francs rwandais par kilomètre [11 centimes d’euros], explique Barrett Nash. Nous, on charge 105 francs. 85 sont reversés au chauffeur et on fait donc 20 francs de bénéfice par trajet [à peine plus de deux centimes] ». Avec 350 trajets par jour, cela fait grosso modo sept euros de bénéfice quotidien… SafeMotos est loin d’être rentable.

Avec Le Monde


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