Témoignage « Retour à Muganza »

Redigé par Aimable Karirima Ngarambe
Le 23 novembre 2011 à 01:46

Le 21 Novembre dernier, après la sortie du livre intitulé « Retour à Muganza » sur le génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda, le correspondant d’IGIHE.com en Belgique, Aimable Karirima Ngarambe, a interviewé l’Auteur de ce récit tragique et vécu, Marie Niyonteze.
Cette histoire écrite par une rwandaise cadre d’une entreprise belge, prouve que le génocide rwandais était prévisible. Elle fut arrêtée pour le simple motif d’être tutsie dans les années 90 et donna naissance de son bébé né en prison, (...)

Le 21 Novembre dernier, après la sortie du livre intitulé « Retour à Muganza » sur le génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda, le correspondant d’IGIHE.com en Belgique, Aimable Karirima Ngarambe, a interviewé l’Auteur de ce récit tragique et vécu, Marie Niyonteze.

Marie Niyonteze interviewée par Aimable Karirima Ngarambe

Cette histoire écrite par une rwandaise cadre d’une entreprise belge, prouve que le génocide rwandais était prévisible. Elle fut arrêtée pour le simple motif d’être tutsie dans les années 90 et donna naissance de son bébé né en prison, jusqu’à ce qu’elle soit acquittée, ce qui ne fut pas le cas d’un de ses frères. Et quatre ans plus tard, alors qu’elle a obtenu l’asile en Belgique, toute sa famille, dont un de ses enfants resté au pays, sera massacrée. Malgré tout cela, elle a tenu absolument à retourner dans son pays pour donner à ses proches une sépulture décente.

Certes, comme pour la Shoah, comme pour le génocide arménien, il est essentiel d’entretenir la flamme du souvenir dans notre monde où la ronde infernale des atrocités les chasse aussitôt des mémoires. Mais surtout, le récit de Marie Niyonteze nous prouve que ce génocide était prévisible, qu’une répétition générale avait eu lieu lors de la première incursion du FPR.

IGIHE.com : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?

Je m’appelle Marie Niyonteze, Je suis née à Muganza dans l’ancienne préfecture de Butare (Province du sud) au Rwanda en Octobre 1964. Naturalisée belge, je travaille dans la fonction publique belge, mariée et mère de deux enfants.

IGIHE.com : Comment cela se fait-il que vous vous êtes retrouvée en Belgique ?

Marie N : C’est en Mai 1993 que j’ai dû fuir le Rwanda, suite à une période de galère depuis le 1er octobre 1990. Et depuis, Je comptais sur les collègues et les amis belges avec qui je travaillais pour obtenir l’asile politique d’abord, puis la nationalité belge et une alliance par le mariage ensuite.

IGIHE.com : Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez été emprisonnée en 1990 ?

Marie N : Mon emprisonnement n’a d’autres raisons que parce que je suis née tutsie, que j’avais la mention de mon ethnie sur ma carte d’identité nationale, que je suis originaire de Butare, et que je travaillais à Ruhengeri au Nord du pays au moment de l’entrée du FPR après les accords d’Arusha.

IGIHE.com : Après cette atroce expérience, comment arrivez-vous à la supporter ?

Marie N : Supporter… je vis plutôt avec ! Je le fais pour l’Amour de mes parents, pour ma famille, pour la vie et le respect de celle-ci, pour mes enfants, pour mes amis. Malgré l’absence physique, ma famille décimée à Muganza reste l’essence de ce que je suis, puis il y a la magie des rencontres …

IGIHE.com : Comment vous est venue l’idée d’écrire ce récit ?

Marie N : C’est un récit de mémoire, pour que toute personne, qui aura l’occasion de poser les yeux sur ces lignes, puisse comprendre ce qui s’est passé et ne pas oublier.

C’est une démarche thérapeutique. C’est déjà dur de perdre un membre d’une famille, mais être coupée de la vie familiale, rester solitaire dans un monde qui tourne malgré l’absence des vôtres est lourd à porter. C’est une démarche de survie et j’ai eu la chance de croiser Gérard ADAM et grâce à lui, je suis passée de l’état de rescapée à celui de survivante.

C’est une démarche de devoir de survivante. Par ce récit, j’ai voulu donner une sépulture sur papier aux membres de ma famille dont je n’ai pas pu trouver les corps. Mon frère Calixte a été tué par son ami hutu Habiyambere Célestin loin de sa maison, les os de ma mère ont rejoint les autres au mémorial de Mugombwa…

IGIHE.com : Quelle message libre aimeriez-vous faire passer à vos lecteurs ?

Ne pas oublier : lutter contre l’indifférence. Se battre pour la justice pour que les générations avenir ne soient plus jamais menacées. Je pense à ceux et celles qui portent en mémoire ou dans leur chair les images et les marques du génocide.


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