Constant Mutamba : Une diversion magistrale déguisée en martyre réformiste

Redigé par Tom Ndahiro
Le 20 juin 2025 à 09:35

Lorsqu’un ministre de la Justice démissionne, on pourrait s’attendre à un moment de réflexion solennelle, une introspection sincère, voire à une humble acceptation d’une responsabilité politique ou morale.

Mais Constant Mutamba, désormais ex-ministre congolais de la Justice, nous a plutôt gratifiés d’une véritable leçon d’illusionnisme politique, d’acrobaties accusatoires et d’une hallucination victimaire drapée dans le drapeau congolais.

Si la satire réclamait un jour un scénario réel, cette lettre de démission — datée du 17 juin 2025 — mériterait à elle seule un prix Pulitzer.

Il est fascinant qu’un homme ayant étudié le droit — entre deux cours, quelques performances théâtrales sur le campus et des samboussas au fromage à la cafétéria — puisse rédiger une lettre de démission qui tient davantage de la confession d’un sorcier délirant que d’un esprit juridique.

On imagine Mutamba, vêtu des robes de la justice, tenant dans une main la balance, et dans l’autre un manuel de conspirations, n’écrivant non pas à l’encre mais dans le brouillard.

Il transperce la compréhension du lecteur avec des déclarations si embrouillées que même Kafka en rougirait. Ce n’est pas du juridisme. Ce n’est même pas du langage administratif. C’est un genre hybride que l’on pourrait qualifier de « martyrisation fantasmée sous contrainte ».

Tout juriste compétent pourrait se demander s’il a rédigé cette lettre sous l’emprise d’un narcotique ou guidé par une planche de Ouija. C’est un texte qui ne cherche ni à clarifier, ni à informer, mais à embrouiller et à hypnotiser.

Son objectif, peut-être, n’était pas de démissionner, mais de lancer une incantation — une manœuvre d’enfumage assez dense pour faire oublier au peuple ce que le Parlement, la justice et les journalistes d’investigation lui reprochent réellement.

Pas besoin d’être expert en droit constitutionnel pour voir clair dans son jeu, mais peut-être cryptographe pour déchiffrer ce qu’il espérait accomplir.

Mutamba ouvre sa lettre au président Tshisekedi avec le son triomphal de la « réforme audacieuse » — une ritournelle familière chez tous les messies autoproclamés qui évoluent dans les marécages de la politique congolaise. « Conformément à vos instructions et à celles du Premier ministre, j’ai engagé des réformes audacieuses dans le secteur de la justice, que votre cabinet comme notre peuple ont qualifié de “malade” », écrit-il.

Bravo ! Sauf que ce diagnostic, bien que non dénué de vérité, est devenu l’équivalent congolais du sempiternel « pensées et prières ». Et comme toutes les phrases trop répétées, elle sert surtout à étoffer un CV tout en éludant les résultats concrets.

Mutamba s’évertue à se présenter en réformateur sacrifié, un chirurgien du droit intrépide opérant en urgence sur un patient judiciaire en phase terminale, tout en résistant aux anticorps conservateurs qui tentaient de l’éliminer.

Il se targue d’avoir protégé les veuves et les orphelins, d’avoir mis les entreprises publiques à l’abri des prédateurs mafieux, d’avoir sécurisé les investisseurs et d’avoir assaini le climat des affaires de ses pathogènes juridiques.

Tellement vertueux, tellement noble — presque angélique, pourrait-on dire. Il ne manque plus qu’un chœur d’êtres célestes chantant derrière le Palais de Justice.

Mais comme dans toutes les bonnes histoires de la politique congolaise, la vérité ne réside pas dans ce qui est dit, mais dans ce qui est savamment passé sous silence.

Pas un seul paragraphe ne mentionne les 20 millions de dollars américains qui auraient disparu sous sa supervision, une somme destinée à la construction de prisons — non pas dans une zone en guerre ou contrôlée par le M23.

Non, ces fonds étaient alloués à un centre correctionnel moderne à Kisangani, en plein cœur du pays, bien loin de Goma ou Bukavu. À moins que les insurgés de l’AFC/M23 aient soudainement appris à se téléporter à travers les provinces, il est difficile de comprendre comment il les relie à sa chute.

À moins, bien sûr, qu’il n’ait acquis des biens appartenant à leurs membres ou alliés à Kinshasa, et qu’il soupçonne désormais qu’ils soient au courant. Cela expliquerait pourquoi il parle de vengeances avec la paranoïa d’un méchant shakespearien hanté par des fantômes.

Pas un mot non plus sur sa proposition de rétablir la peine de mort pour les crimes économiques — une politique draconienne que beaucoup soupçonnent d’avoir été motivée moins par la justice que par l’envie de régler des comptes.

Pas même une note de bas de page pour expliquer comment son ministère, sous son œil vigilant, a continué à instrumentaliser la justice contre les opposants politiques. Cela aussi, sans doute, relève d’une forme audacieuse de réforme, non ?

Mais voilà qu’arrive le rebondissement, digne d’un thriller criminel hollywoodien.

« Hélas, au moment même où je poursuivais, tel votre fidèle soldat, les hauts responsables de l’AFC/M23, j’ai reçu un coup de poignard dans le dos, à travers un complot politique clairement conçu à Kigali et exécuté par certains de nos compatriotes », se lamente-t-il.

Ah ! Le coup de maître. Pourquoi s’encombrer de détails ennuyeux comme le détournement de fonds quand on peut simplement invoquer le Grand Ennemi de l’État : le Rwanda.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le manuel de la politique congolaise, voici la règle d’or : lorsqu’on est acculé, il faut toujours se tourner vers le Rwanda.

Voiture en panne ? Rwanda. Hausse des prix du carburant ? Rwanda. Le Parlement refuse d’adopter votre projet de loi douteux ? Rwanda. C’est l’étoile polaire à laquelle Kinshasa aligne sa boussole politique.

Un autre chapitre ?

La lettre de Mutamba n’est pas une démission, c’est un rituel d’exorcisme. Il s’absout en expulsant le démon du blâme et en lui donnant un nom : Rwanda.

Il affirme que ses malheurs ne sont pas de son propre fait, mais le résultat d’un vaste complot imaginé à Kigali.

Même un simple tweet du ministre rwandais des Affaires étrangères est érigé en preuve irréfutable d’une partie d’échecs machiavélique transfrontalière.

Nous voilà en plein roman de Dan Brown, sauf qu’il y a moins de faits et beaucoup plus de fiction.

Et n’oublions pas la cerise sur ce sundae mélodramatique : multiples tentatives d’assassinat, empoisonnements, et « réseaux mafieux » infiltrant les institutions. Pas de dates, pas de suspects, pas de rapports médicaux, pas d’arrestations — seulement des insinuations floues et un appel à la compassion nationale.

L’expression « réseaux de type mafieux » revient souvent dans la liturgie accusatoire de Mutamba, mais jamais accompagnée de la moindre précision.

Un réseau, par définition, est un système structuré, une toile d’acteurs, d’intérêts et d’opérations interconnectés. On ne démantèle pas une mafia en la nommant au passage, puis en lançant la grenade en direction du Rwanda.

Même Mario Puzo, en fictionnalisant la Cosa Nostra, a su nous offrir Don Corleone, des capi, des exécutants de rue, un consigliere et des rituels d’initiation.

Puzo a tissé un univers si vivant que le lecteur pouvait sentir la tension entre l’omertà sicilienne et l’ambition d’acier new-yorkaise. Mutamba, lui, ne nous offre que des ombres et des fantômes.

Pas de noms. Pas de ministères. Pas de lanceurs d’alerte. Juste de vagues allusions à des menaces proférées par des ennemis sans visage. On pourrait s’attendre à ce que le plus haut magistrat du pays cherche des preuves, engage des poursuites et mobilise les tribunaux.

À la place, on reçoit l’équivalent rhétorique d’une maison hantée.

Selon Mutamba, ces réseaux auraient désormais réussi à le « humilier ». Mais de qui parle-t-il exactement ? Des agents de Kigali ? Des rivaux politiques à Kinshasa ?

Ou n’est-ce que la manifestation de sa propre paranoïa politique ? Peu importe. En cas de doute, fabriquez un brouillard d’ennemis. La recette a fait ses preuves pour beaucoup avant lui.

Et pourtant, l’ironie est presque trop savoureuse.

Voici un homme qui détenait le portefeuille de la justice, affirmant qu’un ennemi étranger aurait infiltré toutes les branches du gouvernement — la Présidence, la Cour suprême, le Parlement et la Primature.

Il suggère que ce n’est pas Kinshasa, mais Kigali, qui tire les ficelles de la souveraineté congolaise.

Sous-entend-il que le président Félix Tshisekedi est une marionnette ? Que la Première ministre Judith Suminwa reçoit ses ordres de l’autre côté de la frontière rwandaise ?

Si cela était ne serait-ce qu’en partie vrai, alors sa lettre de démission n’aurait pas dû être adressée au président de la RDC, mais au ministère de la Gouvernance du Rwanda.

Et pourtant, c’est par ce tour de passe-passe rhétorique que Mutamba espère pouvoir quitter la scène non pas en accusé, mais en martyr patriotique.

Rappelons-le : c’est le procureur près la Cour suprême de justice du Congo qui a demandé la levée de l’immunité parlementaire de Mutamba.

Ce même Parlement — pas vraiment réputé pour sa rapidité ni pour sa colonne vertébrale — semble pourtant disposé à l’examiner.

Selon la logique de Mutamba, ces actions ne relèveraient ni de procédures judiciaires, ni de la reddition de comptes politique, mais plutôt de l’espionnage et de la manipulation étrangère.

Un instant, reprenons : devons-nous désormais croire que le pouvoir judiciaire, le législatif et l’exécutif congolais sont tous compromis par Kigali ?

Que le système judiciaire national est piloté en Bluetooth depuis les collines du Rwanda ?

Que l’accusation portant sur les 20 millions de dollars — soigneusement passée sous silence dans sa lettre de démission — a été téléguidée depuis Kigali dans le seul but de salir sa réputation ?

Prenons un instant pour nous divertir de l’absurde.

Si Kigali contrôle réellement Kinshasa comme Mutamba le sous-entend, alors il aurait aussi décidé de la paire de chaussettes qu’il portait aux réunions du Conseil des ministres, de la marque de téléphone qu’il a utilisée pour envoyer sa lettre de démission, et du repas qu’il a pris avant d’être prétendument empoisonné.

Dans ce cas, Mutamba devrait peut-être réclamer une indemnisation médicale auprès des autorités rwandaises, et non de celles de la RDC. Et si le complot est aussi épais, alors peut-être faudrait-il que le Saint-Esprit ouvre une enquête.

L’absurdité atteint encore de nouveaux sommets. Il promet de ne jamais abandonner la lutte contre les envahisseurs. Mais contre quels envahisseurs ?

Ceux qui auraient soi-disant infiltré son propre gouvernement ou ceux qui vivent dans l’État voisin qu’il accuse désormais de tous les maux ?

Son discours est tellement théâtral qu’il laisse peu de place à une politique cohérente. Le patriotisme cesse d’être un devoir envers la nation pour devenir un costume à enfiler lorsque le rideau se lève.

On peut rappeler que Mutamba a l’habitude de s’aligner sur les récits des génocidaires rwandais.

Soutien de longue date d’une rhétorique anti-rwandaise, sa philosophie politique semble sortie tout droit du manuel du négationnisme, de la diversion et de la déformation. La lettre de « démission » en est la conclusion logique : un déplacement de la responsabilité vers l’extérieur tout en s’érigeant un piédestal moral à l’intérieur.

Et puisqu’on évoque des idées obsédantes, abordons la sinistre fascination de Mutamba pour la peine de mort à l’encontre des détourneurs de fonds publics. Cela sonnait comme un tonnerre de justice : pendez les corrompus !

Mais voici le Congo — un pays où la corruption n’est pas une exception, mais la sève même de la vie politique. Dans un tel contexte, cette proposition était soit un souhait de mort, soit un leurre cynique.

Croyait-il sincèrement pouvoir survivre à une telle loi alors que son propre président, ses collègues au cabinet, et nombre de ceux assis au Parlement pourraient tous, avec un minimum d’effort, se retrouver au pied de l’échafaud ?

Ou bien ce geste visait-il à se peindre en moraliste messianique, un homme trop juste pour être corrompu — donc au-dessus de tout soupçon ?

Plus dangereusement encore, une telle proposition a peut-être déclenché des instincts de conservation chez les véritables puissants — ceux qui ont volé beaucoup, souvent en toute impunité.

Dans un pays où chaque ministre possède son propre cimetière de squelettes, un homme qui ose réclamer la corde peut être perçu non pas comme un réformateur, mais comme un poids.

Et que fait une mafia avec un poids ? Elle l’élimine — non pas par la loi, mais par la politique, le scandale et la diffamation.

Alors peut-être que les empoisonnements et complots n’étaient pas des illusions, mais réels — seulement pas venus du Rwanda. Ne se pourrait-il pas que le danger vienne plutôt du village politique auquel il appartient ?

Que le véritable « ennemi » portait des costumes taillés à Kinshasa, et non des treillis militaires venus de l’autre côté de la frontière ?

Ceux qui redoutaient la corde auraient-ils chuchoté aux oreilles des tribunaux, poussé le Parlement, et conspiré avec des médias pour évincer Mutamba de l’échiquier ?

Ce sont des ennemis intérieurs — réels et tangibles. Mais il est bien plus facile, et politiquement bien plus sûr, d’invoquer un adversaire étranger que de nommer les vipères dans son propre nid.

Et c’est là que réside la dernière et amère ironie.

En accusant le Rwanda, Mutamba ne cherche pas seulement à esquiver la balle de la responsabilité, mais il s’assure aussi de rester dans le récit patriotique du nationalisme congolais — une histoire où chaque scandale est un sabotage étranger, et chaque échec, une victime d’une agression extérieure.

Dans ce récit, il n’y a pas de détourneurs, seulement des martyrs ; pas de pourriture interne, seulement des termites venus de l’extérieur.

Pourquoi toujours le Rwanda, cependant ? Pourquoi toujours le Rwanda ?

Parce que le Rwanda est le méchant parfait dans le théâtre politique de la RDC. Il est proche, historique, chargé émotionnellement.

Le Rwanda n’est pas seulement un pays ; il a été transformé en une métaphore — d’invasion, de trahison et de domination. Il est devenu la carte ultime « sortie de prison gratuite ».

Quand un dirigeant congolais est pris la main dans le sac, le réflexe immédiat est de crier : « Regardez ! Là-bas ! Kigali ! » La foule, longtemps conditionnée à ce refrain, oublie de regarder le trésor vide, les prisons en ruines, ou les écoles et hôpitaux fantômes.

C’est comme un magicien qui, à court de tours, crie soudain « au feu » et s’échappe de scène sous le couvert de la panique. Le Rwanda est l’alarme incendie. La parfaite distraction. Le bouc émissaire commode.

Ainsi, alors que le rideau tombe sur le bref et déroutant mandat de Mutamba, demandons-nous : cette démission est-elle un moment de purification ou une nouvelle couche d’obfuscation ?

Assistons-nous à la chute d’un réformateur ou à la mise en scène d’une performance destinée à protéger des intérêts plus profonds et enracinés ?

Une chose est certaine : l’héritage de Constant Mutamba ne sera pas une réforme de la justice. Ce sera le dernier chapitre de la longue chronique congolaise du blâme, du déni et du théâtre politique.

Quand la Justice porte une perruque de clown

Maintenant que le ministre a quitté son poste pour entrer dans le panthéon des martyrs autoproclamés, nous attendons la suite.

Écrira-t-il un mémoire intitulé J’ai été empoisonné par la Justice ? Fondera-t-il un parti politique : « Patriotes Congolais contre l’Infiltration de Kigali » (PCIK) ?

Fera-t-il défection et se proclamera-t-il président en exil lors d’un live YouTube, avec hymnes nationaux et graphismes empruntés à PowerPoint 2003 ?

Et n’oublions pas sa tentative d’invoquer le spectre de la direction de l’AFC/M23 comme le croquemitaine derrière sa chute politique.

Pour un homme qui affirme avoir été à la tête de la justice congolaise, il doit bien savoir à quel point il est absurde de prétendre qu’un groupe rebelle basé à des milliers de kilomètres — dont les membres n’ont aucune autorité dans le système judiciaire de l’État — aurait conspiré pour orchestrer sa chute au cœur de Kinshasa.

Quel intérêt l’AFC/M23 aurait-elle dans un projet de construction de prison à Kisangani ?

À moins que, comme on le suppose, Mutamba ait aidé à saisir des propriétés à Kinshasa ou ailleurs, liées à des personnalités accusées de collaboration, et qu’il craigne désormais des représailles ou d’être démasqué.

Son récit tourne en rond : il accuse les autres de vendettas tout en affirmant être la cible parce qu’il a été trop juste, trop inflexible, trop patriote.

Mais les vraies vendettas sont rarement des affaires transfrontalières ; elles sont locales, nourries par la trahison, l’envie et des dettes non réglées.

Dans un gouvernement débordant de rivalités silencieuses, Mutamba a peut-être simplement secoué la mauvaise cage d’élite.

Restez à l’écoute. Tant que la machine politique congolaise continuera de récompenser le statut de victime plutôt que la responsabilité, il y aura toujours un autre Mutamba prêt à saigner devant les caméras et à crier au loup par-delà la frontière.

Ce n’est pas la justice. C’est du théâtre. Et malheureusement, le peuple congolais est encore forcé d’acheter les billets.

Ainsi, avec une seule lettre — à moitié démission, à moitié hallucination — Mutamba nous montre ce qui tient lieu de manifeste politique dans les hautes sphères du pouvoir congolais.

Que cet homme ait un jour détenu le portefeuille sacré de la Justice devrait inquiéter chaque citoyen honnête. Mais ce ne sera probablement pas le cas. Car ce qu’il a écrit n’est pas le fruit du hasard.

C’était soigneusement calibré — jusqu’à la dernière virgule hystérique — pour un public conditionné à récompenser les fausses impressions, à condition qu’elles soient habillées de patriotisme et pointent un doigt tremblant en direction de Kigali.

Pour survivre à Kinshasa, il faut parler en langues, accuser le vent, et rédiger des manifestes dégoulinants d’une paranoïa si âcre qu’elle en assomme les faits.

Sa lettre, dès lors, n’était pas une confession, mais un chant de survie — comme un album des plus grands succès de la corruption : Face A, le martyre ; Face B, le Rwanda.

Réfléchissez-y. En une seule lettre, il a accusé tout le monde — du Parlement à la Primature, de la Cour suprême aux institutions « infiltrées » non nommées — d’être les pions d’un complot étranger.

Et pourtant, personne ne s’en émeut. Pourquoi ? Parce que le Rwanda est mentionné, et dans la liturgie politique congolaise, cela absout tous les péchés.

C’est le génie du ridicule : un homme se tient dans un bâtiment en flammes, s’asperge d’essence, jette l’allumette, puis crie : « Regardez ! C’est le Rwanda qui a mis le feu ! »

Et la foule, bien dressée, tourne le dos aux flammes et se met à scander.

Voilà, cher lecteur, comment la justice est étouffée — non pas dans le silence, mais sous une ovation debout.

Car soyons honnêtes — lorsque le ministre de la Justice rédige une lettre qui tient à la fois du drame judiciaire, du procès en sorcellerie et de la prophétie dystopique, on ne parle plus de dysfonctionnement.

On assiste à une mascarade judiciaire. La lettre n’était pas adressée au Président, mais à la postérité — pour montrer aux futurs charlatans comment pleurer en public sans jamais avouer.

Et pourquoi Mutamba écrirait-il autrement ? Il connaît son public. Une classe politique qui récompense la logorrhée plutôt que la vérité, le mélodrame plutôt que la responsabilité, les slogans plutôt que le fond.

Mutamba n’est pas un idiot. Il sait que la vérité est une gêne, et que la mise en scène fait office de politique.

Ils ne lisent pas des ouvrages de droit ; ils récitent des incantations. Ils ne bâtissent pas des institutions ; ils construisent des récits. Plus c’est long, plus c’est bruyant, plus c’est grotesque — plus cela semble authentique.

C’est ainsi qu’un homme, accusé de détournement, peut au lieu de cela mettre tout l’État en accusation — du Parlement jusqu’au Président — puis quitter la scène sous les applaudissements, simplement parce qu’il a murmuré le mot sacré : Rwanda.

C’est l’équivalent politique de lâcher un pet dans une église ou une mosquée et d’en accuser Satan pour l’odeur.

Et nous y voilà. Un homme autrefois chargé de faire respecter la justice transforme sa démission en exorcisme, invite les fantômes de Kigali à porter le blâme, et s’en va non pas avec honte — mais avec panache.

Il faut reconnaître l’habileté de l’œuvre. Ce n’est pas de la gouvernance. C’est de la sorcellerie en costume.

Mais la plus grande tragédie ? C’est qu’il pourrait bien revenir au pouvoir. Car dans un système où le délire fait office de monnaie, Mutamba n’a pas démissionné.

Il a investi.

Mutamba s’évertue à se présenter en réformateur sacrifié, un chirurgien du droit intrépide opérant en urgence sur un patient judiciaire en phase terminale, tout en résistant aux anticorps conservateurs qui tentaient de l’éliminer.

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