Des fuites savamment orchestrées ou la chronique d’un sabotage diplomatique annoncé

Redigé par Tite Gatabazi
Le 11 juin 2025 à 12:28

Il est un adage populaire, à la portée cruelle et à la sagacité intacte, qui enseigne que qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. L’image, aussi triviale soit-elle, en dit long sur les subterfuges employés par ceux qui, redoutant la paix ou y voyant une menace à leurs équilibres internes, préfèrent saborder les dynamiques de dialogue que d’en assumer les exigences.

En matière diplomatique, ce genre de stratégie prend un visage plus sournois : celui des fuites organisées, des indiscrétions savamment distillées dans la presse, non pour éclairer, mais pour envenimer.

Ce que l’on observe autour des pourparlers entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, qu’ils se tiennent à Doha, à Luanda ou à Washington, relève précisément de cette logique viciée. Voilà que certains, tapis dans les marges du processus de négociation, s’emploient à torpiller les travaux en cours en livrant aux médias des documents de travail encore en évolution ou des propositions unilatérales, dans le dessein évident de provoquer une levée de boucliers médiatique et de rendre l’opinion nationale comme internationale juge et bourreau d’un processus encore inachevé.

Le ministre rwandais des Affaires étrangères, lucide et prompt à déceler les mécanismes d’une telle entreprise de sabotage, a pris les devants. Dans une mise en garde ferme publiée sur son compte X, devenu l’épicentre d’une diplomatie de clarification, il écrit sans ambages : « J’espère que ceux qui participent aux négociations en cours en vue d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda, et qui divulguent de manière malveillante à la presse des propositions unilatérales et des documents de travail en cours d’élaboration, comprennent qu’ils risquent de compromettre le succès des pourparlers de Washington. »

Voilà qui est dit. Et avec une gravité proportionnelle à l’enjeu.

Car enfin, nul observateur de bonne foi ne saurait ignorer la récurrence de ces méthodes dans l’histoire récente des négociations africaines. De Nairobi à Luanda, en passant par les initiatives régionales sous l’égide de l’Union africaine ou les efforts du Qatar, les signes d’une mauvaise volonté congolaise se sont multipliés avec une constance désarmante. Les volte-face de Kinshasa, ses exigences irréalistes, son recours systématique à la dramatisation médiatique ont depuis longtemps discrédité ses prétentions à une paix sincère.

Le président Tshisekedi, au lieu d’incarner la hauteur d’un homme d’État soucieux de la stabilité régionale, semble prisonnier d’une logique de surenchère militaire et de diversion politique, dictée par des considérations de politique interne plus que par une vision d’avenir pour son peuple.

Ce pouvoir, que rongent les contradictions et les fractures internes, trouve dans la guerre une respiration perverse, une occasion de suspendre le débat démocratique, de justifier l’extension des états d’exception et de resserrer son emprise sur une société désabusée.

Dès lors, que les processus de Doha ou de Washington échouent n’est pas un accident : c’est une stratégie. Une stratégie de l’échec méthodiquement entretenue, dont l’énergie désespérée s’alimente à la peur de la paix et à la certitude que seule la guerre maintient encore une façade d’unité nationale.

Il appartient dès lors aux acteurs, mais aussi aux opinions publiques, de ne pas se laisser abuser. Car lorsque la négociation est instrumentalisée pour mieux être avortée, lorsque la clameur devient un outil de gouvernance, et que l’échec diplomatique est savamment planifié pour en imputer la responsabilité à l’autre partie, il ne s’agit plus de maladresse ou de complexité, mais de duplicité assumée.

Il faut le dire, le redire, et en tirer toutes les conséquences. Le moment est venu de replacer les responsabilités là où elles doivent être, au-delà des diversions orchestrées.
La paix est à ce prix : un prix de vérité.

Kayikwamba Wagner, ministre des affaires étrangères de la RDC

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