Collecter les faits, documenter les réalités de terrain, rapporter des images et des témoignages authentiques de chaque rive du front : telle est la mission fondamentale du journaliste non seulement dans sa dimension professionnelle, mais surtout dans son impératif éthique. Ce travail, ingrat et périlleux, constitue le socle de toute compréhension éclairée du conflit.
Or, force est de constater que certaines agences de presse internationales, à l’instar de Reuters, semblent s’affranchir avec une légèreté coupable de cette double obligation de rigueur et d’intégrité. Plutôt que d’interroger les faits à la lumière du réel, nombre d’entre elles préfèrent relayer des narratifs préfabriqués, souvent dictés par une proximité douteuse avec les instances officielles de Kinshasa, dont l’histoire récente atteste les dérives propagandistes.
Ces rédactions, pourtant prétendument garantes d’un journalisme impartial, tombent dans le piège d’un parti pris insidieux, reproduisant les éléments de langage d’un pouvoir central dont la crédibilité est érodée par des décennies de manipulations, d’amalgames, et de désinformation systémique.
L’objectivité parfaite n’existe certes pas ; mais un devoir d’équité minimale s’impose. Ce devoir est d’autant plus crucial lorsqu’il s’agit de conflits armés où les tragédies humaines sont instrumentalisées à des fins politiques.
Des précédents récents devraient appeler à la prudence. Le traitement médiatique de la tragédie de Kishishe, par exemple, a mis au jour de profondes défaillances dans la manière dont les Nations Unies et, par extension, les médias internationaux construisent et relayent leurs récits.
La MONUSCO, en quête de légitimité et soumise aux pressions du pouvoir congolais, avait alors transgressé les principes élémentaires d’investigation et de vérification. Les faits avaient été distordus, les chiffres exagérés, et les responsabilités attribuées sans le moindre respect du contradictoire.
C’est dans cette même logique biaisée que plusieurs agences ont, depuis la prise de Goma, diffusé des accusations infondées à l’encontre de l’AFC/M23, lesquelles se sont révélées ultérieurement infondées, voire délibérément fabriquées.
A Bukavu, des tentatives d’instrumentalisation d’organisations humanitaires neutres telles que le Comité international de la Croix-Rouge a même été constatées signe alarmant d’une volonté de travestir les faits, d’inverser les rôles, et de discréditer une rébellion dont les revendications, pour autant qu’elles puissent être discutées, relèvent d’une quête de justice et de sécurité face à des persécutions systématiques.
Or, lorsque Reuters choisit aujourd’hui de relayer sans réserve des accusations de massacres prétendument commis par le M23 accusations émanant de structures onusiennes notoirement soumises à des conflits d’intérêts et à des pressions politiques , elle ne fait pas œuvre d’information. Elle participe, consciemment à une entreprise de délégitimation d’un acteur en faveur d’un régime dont les pratiques et les intentions ne sont ni neutres ni pacifiques.
Le danger est immense. Car lorsque les médias se font le relais aveugle de récits biaisés, ils cessent d’être témoins pour devenir complices. Ils façonnent une mémoire tronquée, ils renforcent les préjugés, ils alimentent des politiques répressives en dissimulant les véritables dynamiques du conflit. Une telle attitude n’est pas simplement regrettable : elle est irresponsable. Et dans un contexte aussi explosif que celui de l’Est congolais, elle peut être criminelle.
Il est urgent de réaffirmer le rôle fondamental du journalisme de terrain, affranchi des injonctions politiques et soucieux de vérité, même lorsque celle-ci dérange les intérêts établis. Dans la boue des collines du Nord-Kivu comme dans les rues de Bunagana ou les abords du lac Édouard, de Minova ou de Nyamitaba, les peuples méritent mieux que des récits préfabriqués. Ils méritent qu’on les écoute, qu’on les voie et qu’on rapporte leurs paroles avec la gravité et l’exactitude qu’impose leur tragédie.

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