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La procréation assistée au Rwanda : Débats et perspectives

Redigé par Alain Bertrand Tunezerwe
Le 6 novembre 2024 à 12:24

Ce 5 novembre 2024, le Ministre de la Santé, Dr Sabin Nsanzimana, a présenté au Parlement un projet de loi régissant les services médicaux liés à la procréation assistée, sujet qui a suscité de vives discussions au sein des législateurs et de la société rwandaise. Le projet de loi vise à répondre aux besoins des couples confrontés à l’infertilité, tout en encadrant les pratiques de maternité de substitution et de procréation par technologies reproductives.

La nouvelle législation, qui a été publiée le 30 juillet 2024, établit que les couples mariés peuvent avoir recours à la procréation assistée, que ce soit par méthodes naturelles ou technologiques. Selon l’article 279, alinéa 2, cette procréation par technologies reproductives peut également être réalisée avec la participation d’un tiers, dans le cadre d’un accord légal. Toutefois, l’accès à ces services sera restreint à des critères spécifiques, notamment l’âge des donneurs et des mères porteuses, qui devront avoir entre 21 et 40 ans.

Dr Sabin Nsanzimana a expliqué que beaucoup de Rwandais, en particulier les couples confrontés à l’infertilité, souhaitent accéder à des services de maternité de substitution, mais se heurtent à un manque de régulation et d’infrastructures adaptées. Actuellement, le taux de personnes souffrant d’infertilité est élevé au Rwanda, avec 15 % des patientes traitées pour des troubles gynécologiques au Centre Hospitalier Militaire de Kanombe étant concernées par ce problème.

Une des préoccupations majeures soulevées par les législateurs, comme la députée Murora Beth, concerne le risque que la procréation assistée devienne une activité commerciale. Selon elle, la possibilité de recourir à des dons de gamètes ou à des mères porteuses pourrait transformer ces pratiques en un marché lucratif. "Si nous autorisons la donation d’ovocytes ou de spermatozoïdes, cela pourrait se transformer en un commerce", a-t-elle averti. Elle a également soulevé des inquiétudes sur l’exploitation possible de jeunes donneurs, notamment des enfants de moins de 18 ans, pour la fourniture de gamètes.

Dr Nsanzimana a réagi à ces préoccupations en assurant que des mesures rigoureuses seront mises en place pour éviter toute dérive commerciale. "Nous avons cherché à éviter que cette loi ne devienne une faille pour des pratiques abusives. Dans certains pays, des individus ont profité de failles législatives pour organiser des transactions commerciales, souvent en exploitant des jeunes filles ou des femmes encore mineures", a-t-il expliqué.

Un autre point de débat soulevé par les législateurs concerne le nombre de fois qu’une personne peut accepter de porter un enfant pour autrui. Le Député Muhakwa Valens a proposé que des limites soient imposées, en s’interrogeant sur la fréquence à laquelle une personne pourrait porter un enfant pour une autre. "Il est nécessaire de réfléchir au nombre d’enfants qu’une personne pourrait porter pendant la période de fertilité", a-t-il souligné. Il a également suggéré que des tests médicaux soient réalisés pour garantir que la personne choisie pour la maternité de substitution puisse porter un enfant sans risque pour sa santé.

Dr Nsanzimana a répondu que des évaluations médicales rigoureuses seront mises en place pour chaque candidate à la maternité de substitution, afin d’éviter toute complication médicale.

Un autre aspect de la loi qui a suscité des interrogations est la restriction des services de maternité de substitution aux seuls couples mariés confrontés à l’infertilité. Le Député Nabahire Anasthase a exprimé des doutes quant à cette limitation, soulignant que de nombreuses femmes non mariées, qui souhaitent avoir des enfants, devraient aussi pouvoir avoir recours à ces services. "Pourquoi ne pas permettre à ces femmes seules de recourir à la maternité de substitution ou à la donation de gamètes ?" a-t-il demandé.

Dr Nsanzimana a répondu que, bien que la loi actuelle limite l’accès aux couples mariés, des amendements pourraient être envisagés à l’avenir pour élargir ces services à d’autres catégories de la population, selon les besoins sociaux et éthiques.

Les premiers bénéficiaires des services de maternité de substitution au Rwanda ont payé 3,5 millions de francs rwandais, mais le Dr Nsanzimana a souligné que, à mesure que ces services seront intégrés dans le système d’assurance maladie, leur coût pourrait baisser et devenir plus accessible. Ces services ont été introduits au Rwanda en 2024 et sont destinés à répondre à un besoin croissant, tout en garantissant que les pratiques respectent des normes éthiques strictes.

La procréation assistée, bien que relativement nouvelle au Rwanda, existe depuis plus de 30 ans dans d’autres pays. Elle a fait ses débuts en 1986, avec la naissance du premier enfant conçu grâce à la technologie reproductive. Aux États-Unis, par exemple, environ 750 enfants naissent chaque année grâce à cette méthode.

Le projet de loi sur la procréation assistée au Rwanda est un pas important pour répondre aux défis liés à l’infertilité, mais soulève également des questions éthiques et sociales complexes. Les débats en cours au Parlement montrent la volonté de créer un cadre légal qui protège les individus tout en évitant les dérives commerciales. La mise en place de régulations strictes et de suivis médicaux rigoureux sera essentielle pour garantir que ces technologies ne deviennent pas un marché lucratif, tout en répondant aux besoins légitimes des couples en quête d’une famille.

Le Dr Sabin Nsanzimana, a présenté au Parlement un projet de loi régissant les services médicaux liés à la procréation assistée.
Le sujet a suscité de vives discussions au sein des législateurs.
Une des préoccupations majeures soulevées par les législateurs concerne le risque que la procréation assistée devienne une activité commerciale.
Le projet de loi sur la procréation assistée au Rwanda est un pas important pour répondre aux défis liés à l’infertilité.

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