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Report des présidentielles en RDC : les signes avant-coureur

Redigé par Tite Gatabazi
Le 9 mars 2023 à 12:31

En RDC, le report des élections présidentielles prévues par la CENI en décembre 2023 a été envisagé longtemps avant que le Rwanda et la RDC ne soient brouillés. C’est-à-dire bien avant la reprise des hostilités entre les FARDC et le M23. Il serait par conséquent, malhonnête, de chercher à mettre ce report sur le dos du Rwanda, et même de la situation instable à l’Est.

Les signaux sont là depuis belle lurette et, en prêtant attention, on peut les retrouver dans différentes déclarations des officiels congolais étalées ici et là dans la presse. En les analysant, on en conclut que c’est un projet mûrement réfléchi et mis en œuvre par étapes successives.

Quant à la désignation d’un bouc émissaire, elle fait partie de l’agenda, et elle ne sert qu’à faire diversion et à distraire l’opinion publique congolaise.

Pendant que les officiels testait l’idée du report des élections par déclarations et médias interposés, les autorités se gardaient bien d’intervenir, laissant flotter un doute quant au respect des délais constitutionnels.

Ainsi, les blocages au niveau de la CENI ont été entretenus à dessein. Depuis la loi de 2011, le président de la RDC est élu au scrutin uninominal majoritaire à un tour pour un mandat renouvelable de cinq ans. Mais, dès septembre 2021, bien avant la reprise des hostilités par le M23, l’idée de la révision de la loi électorale bruissait déjà. On cherchait à instaurer un scrutin uninominal à deux tours et à abandonner celui à un tour.

A cette époque, le député national et ancien ministre, Lubaya Claudel André, passé chez Kabila et Kamerhe avant de rejoindre l’union sacrée de Tshisekedi avait déjà annoncé que, si au 15 septembre 2021, les conditions n’étaient pas encore réunies, il y avait de fortes chances que les élections présidentielles ne puissent pas se tenir.

“Si le fichier électoral n’est pas actualisé dans les temps et si on ne se donne pas les moyens de le faire, la tenue d’élections en 2023 deviendra hypothétique”, craint pour sa part le député André Claudel Lubaya.

Il faisait alors allusion au retard considérable pris par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), lassant entendre qu’elle ne pourrait plus rattraper les délais prescrits par la loi.

Dès son entrée en fonction en février 2022, Denis Kadima, le président de la CENI, avait à son tour déclaré qu’il y avait des raisons sérieuses qui militent en faveur du report des élections.

Il évoquait trois raisons majeures : l’état de siège dans certaines provinces (Ituri et Nord-Kivu), les ressources insuffisantes allouées à la commission et le climat politique délétère dans le pays.

Pour mémoire, les relations entre la RDC et le Rwanda étaient, à l’époque, au beau fixe.

Dans son interview du 28 juillet 2022 avec l’hebdomadaire Jeune Afrique, Kadima avait confié qu’il était trop tôt pour affirmer le report des élections. Mais il ne cesse de multiplier les alertes et les mises en garde sur les risques concrets de ce que, à Kinshasa, on qualifie de glissement, entendez "report des élections".

Ainsi, il s’inquiétait du manque de matériel nécessaire pour les opérations d’enrôlement des électeurs et d’autres opérations indispensables pour la bonne tenue du scrutin présidentiel. Il affirmait avoir besoin, au bas mot, de 624 millions de dollars américains et de 29 000 machines pour l’enrôlement. Le gouvernement congolais, lui, faisait la sourde oreille.

Kadima a déclaré : "le retard sera imputé au gouvernement”.

Le gouvernement congolais a fait abstraction de tous ces éléments, pourtant vérifiables, et a préféré mettre en place une rhétorique explicative du report des élections par la faute d’un bouc émissaire.

Felix Tshisekedi ne voulait pas évoquer le sujet dans ses prises de paroles publiques, car il peaufinait encore ses éléments de langage.

Il s’est d’abord contenté de déclarer, lors d’une interview avec RFI et France 24, que le report des élections n’était pas envisageable.

Il n’y avait pas lieu, par conséquent, de s’inquiéter sur le respect du calendrier électoral, affirmait-il. Le Gouvernement a fixé la date des élections au 20 décembre 2023, mais la rumeur d’un report persite.

La première fausse note du gouvernement vient du ministre de la communication et porte parole. Le 26 octobre 2022, dans un communiqué passé inaperçu, Patrick Muyaya annonce la couleur : suite à l’agression rwandaise, écrit-il, les élections présidentielles pourraient être reportées. Le communiqué précise que "la paix et la stabilité dans la partie Est sont nécessaires pour la bonne tenue des élections en 2023".

Dont acte.

Ce communiqué ouvrit la cadence, et tous les relais du régime entonnèrent un chapelet convenu, qui alternait des références à "l’agression rwandaise" et au "report des élections".

Il ne fallut pas attendre longtemps pour que le problème soit exporté par le très zélé Président de l’Assemblée nationale, Mbosso Christophe. En visite à Bruxelles pour quémander l’aide de la Belgique dans "la guerre contre le Rwanda".

Il déclara ainsi, dans le journal Le Soir du 13 janvier 2023 : "si le scrutin a lieu cette année et que le Nord Kivu est toujours occupé, les populations ne pourront pas voter librement. Or personne ne souhaite un report du scrutin. Il faut que la guerre s’arrête afin que l’on puisse voter librement sur l’ensemble du territoire.

Tout en veillant à exprimer ses inquiétudes sur les défis et les couacs survenus dans la préparation des opérations électorales, le gouvernement congolais s’est bien gardé d’agir pour les résoudre. En particulier, il s’est abstenu d’octroyer les subsides afin que la commission électorale puisse y répondre.

Mieux, il a multiplié les obstacles sur le processus de paix initié par les Chefs d’Etats de la région. Ainsi, on constate la persistance de la coalition avec les FDLR, Mai Mai, Nyatura, dont les exactions sur les populations ont continué.

Pour mieux faire entendre sa voix, Félix Tshisekedi s’est invité à la session du Haut Commissariat des Nations Unis au Droits de l’Homme, habituellement réservée aux ambassadeurs ou aux ministres. Pour l’anecdote, il est, à ce jour, le seul record Chef d’Etat en exercice à s’y être exprimé, si bien que le protocole l’a pris pour un ministre.

Devant cette commission, le 27 février 2023, il a déclaré : "alors que la guerre continue à l’Est du pays, il y a une forte probabilité qu’elle ait une incidence sur le processus électoral compte tenu du nombre très élevé des déplacés internes".

Mais personne n’est dupe. Le plaidoyer de Tshisekedi pour obtenir la condamnation et les sanctions contre le Rwanda est resté lettre morte. Lors de la visite du Pape, il a accusé le Rwanda d’agression contre son pays, mais le Pape s’est contenté de rappeler que la RDC devait combattre la corruption et le tribalisme.

Mais c’est la visite d’Emmanuel Macron qui aura été pour Tshisekedi un chemin de croix. Non seulement le président français n’a pas repris le refrain accusatoire contre le Rwanda, mais il a insisté sur les responsabilités internes des gouvernements congolais dans les crises qui secouent la RDC depuis 1994.

Alors que Félix Tshisekedi entonne le refrain du report des présidentielles, des voix s’élèvent en RDC pour lui rappeler qu’il n’a pas gagné les élections de 2018, et qu’il n’est à la tête du pays que suite à un accord politique signé avec le président sortant Kabila.

Face aux attaques téléguidées dont il faisait l’objet, même E. Macron a tenu à lui rappeler le contexte dans lequel il a accédé au pouvoir.

Derrière les postures contradictoires et les péripéties diplomatiques, Félix Tshisekedi refuse de se soumettre à l’épreuve de vérité, et ses acrobaties de langage ne font que semer la confusion au sein des partenaires.

Derrière tout cela, le président congolais n’a qu’un seul agenda : le report des élections, qui aura lieu, non pour des raisons sécuritaires, mais pour des raisons de politique intérieure.

C’est un fait.

La tenue des élections de 2023 est hypothéquée depuis septembre 2021

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