La récente annonce d’un contrat de sponsoring entre la République Démocratique du Congo et l’AS Monaco, à hauteur de 4,8 millions d’euros sur trois ans, pour promouvoir le tourisme congolais via l’inscription de l’invitation « Visit Congo » sur les maillots du club princier, illustre parfaitement ce divorce croissant entre les priorités réelles d’un peuple et les fantasmagories d’une élite dirigeante.
À l’heure où le pays s’abîme dans une spirale de violences chroniques, de pauvreté endémique, de disette budgétaire et de crise institutionnelle, ce geste de communication aussi coûteux qu’insensé apparaît comme une contrefaçon de gouvernance, une tentative grossière d’imiter les puissances qui, elles, peuvent se permettre de tels luxes car elles ont bâti les fondations solides d’un État fonctionnel.
Or, les imitations maladroites portent en elles les marques congénitales de leur imposture : leur précipitation, leur fausseté structurelle, leur vacuité visionnaire.
Que signifie « Visit Congo », sinon une invitation grotesque lancée dans le vide, un slogan creux suspendu dans l’irréel ? Qu’y aurait-il donc à visiter dans ce pays où les routes sont impraticables, les hôtels délabrés, les sites historiques à l’abandon, l’eau potable inaccessible à la majorité, l’électricité capricieuse, les infrastructures aériennes inachevées ?
A quels touristes s’adresse-t-on, sinon à des chimères d’ambassades ? Et quel est ce Congo que l’on prétend exhiber en Europe, alors même qu’aucune politique publique cohérente n’a été menée pour restaurer ne fût-ce qu’un semblant de décence touristique ?
Mais le scandale est d’autant plus éclatant que, dans le même temps, le football congolais meurt à petit feu. Son championnat national a été suspendu faute de financement, des clubs abandonnés, des joueurs livrés à eux-mêmes, et 800.000 euros seulement manquaient pour achever la saison 2023. Ce chiffre, dérisoire au regard des millions soudainement débloqués pour une opération de prestige à l’étranger, agit comme un révélateur cruel : la gouvernance actuelle choisit l’apparat à la substance, la vitrine au contenu, le mensonge flatteur à la vérité dérangeante.
Le ministre des Sports, en signant cet accord à La Turbie, n’a pas seulement fait preuve d’un manque d’à-propos tragique. Il a exposé une philosophie de gestion publique qui s’apparente à celle d’un marchand d’illusions : dépenser l’argent du contribuable pour bâtir un récit de papier glacé, pendant que la réalité, elle, sombre dans la nuit de l’abandon.
Faut-il rappeler qu’un État ne se vend pas comme un produit ? Qu’un peuple meurtri, affamé, déplacé, privé d’eau et d’avenir, ne peut être réduit à une étiquette marketing sur le maillot d’un club de Ligue 1 ?
Cette opération, loin d’être un levier de développement, est un aveu d’échec diplomatique, un désastre moral, une faute politique. Elle relève non d’un choix stratégique, mais d’un délire mimétique, cette manie pathologique de vouloir ressembler aux autres sans en partager les ressources, la stabilité ni la légitimité.
Ainsi donc, la RDC ne s’administre plus selon les principes d’utilité publique, mais selon ceux, dérisoires et déracinés, du paraître. Et dans cette mascarade d’État, les Congolais, une fois encore, sont réduits au silence de l’humiliation.

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