Cauchemar absolu des conservateurs américains, l’avortement gratuit est une réalité en France depuis début avril. Signe que, malgré la crise, les Français ont su garder le "sens des priorités", écrit la correspondante à Paris du Daily Beast.

Dans les locaux du planning familial de Rennes - AFP.
Depuis le 1er avril et l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi, les adolescentes françaises [entre 15 et 18 ans] bénéficient d’un accès gratuit à la contraception. Mais ce qui pourrait choquer davantage les Américains, c’est que les Françaises, tous âges confondus, peuvent désormais aussi avorter sans frais dans l’excellent système hospitalier public de leur pays. Jusque-là, seule une partie de cette intervention facturée [au moins] 450 euros était payante pour les patientes, et prise en charge par leur mutuelle.
Les autorités assurent que la loi a été pensée pour soutenir les familles les plus pauvres, où l’éducation sexuelle reste un tabou. Ce qui, en français politiquement correct, désigne ces populations exclues, nord-africaines et musulmanes vivant aux abords des grandes villes dans les banlieues* où le chômage des jeunes bat des records.
Dans cet univers en marge, l’avenir est sombre et sans perspective. Quand on vit dans ces immeubles dans un état de délabrement avancé, les chances d’en sortir sont bien minces. Le système français est conçu de telle façon que les banlieues n’ont pas la moindre chance d’intégrer la société française classique. J’ai dirigé il y a quelque temps une étude sur l’assimilation des musulmans dans les sociétés européennes : la France affichait le plus mauvais taux de réussite en Europe, se classant même derrière l’Allemagne, qui traite pourtant comme des chiens ses travailleurs immigrés turcs. Les jeunes femmes de ces communautés sont aux prises avec de réelles difficultés.
Le plus sûr moyen d’aller en enfer
Pourtant, je n’ai pas encore réussi à me faire une opinion sur la gratuité de l’IVG : si cette intervention est utilisée de façon inconséquente comme un simple moyen de contraception, et non comme l’ultime recours pour des femmes aux abois n’ayant pas les moyens de mettre un enfant au monde, nous voilà sur un terrain bien glissant. Mon opinion a été façonnée par une éducation catholique puis, aujourd’hui, par le fait de vivre dans une France largement catholique. Je me souviens que, toute jeune, je ne comprenais pas ce que l’arrêt Roe vs Wade [en l’adoptant le 22 janvier 1973, la Cour suprême des Etats-Unis a reconnu le droit à l’avortement comme un droit constitutionnel] avait de si important.
Au couvent dominicain très strict où j’étais scolarisée, nous avons passé toute notre année de cinquième [équivalent du CM2] à dessiner des banderoles contre cette loi qui autorisait "le meurtre de bébés à naître".
Puis je suis devenue adolescente, j’ai découvert Simone de Beauvoir et Susan Faludi (auteure notamment de Backlash : la guerre froide contre les femmes (éd. des Femmes, 1993)] et j’ai remis en cause cette haine dont m’avaient biberonnée les sœurs, assurant que tuer un fœtus était le plus sûr moyen d’aller en enfer. Dès que j’ai eu un petit ami, je me suis empressée d’aller au planning familial pour me faire prescrire la pilule.
Que se serait-il passé si j’avais eu 17 ans dans les années 1950 et que j’avais risqué de tomber enceinte chaque fois que nous faisions l’amour ? Aurais-je échoué chez quelque faiseuse d’anges comme c’est arrivé, selon la légende familiale, à ma grand-mère ultracatholique, ou pire, aurais-je connu le sort de cette tante tombée enceinte hors mariage, qui a dû se terrer chez elle tandis que son ventre s’arrondissait avant de se voir privée de son enfant à la naissance ? Quiconque a vu ce film terrible qu’est The Magdalene Sisters [Peter Mullan, 2002], sur les brutalités infligées à de jeunes Irlandaises enceintes sans être mariées dans les années 1950, ne peut oublier leurs souffrances.
C’est mon expérience personnelle qui m’a conduite à penser que si l’avortement n’est pas à prendre à la légère, il permet aussi d’épargner d’immenses chagrins à d’innombrables femmes qui ne sont pas capables émotionnellement, financièrement ou pour d’autres raisons de s’occuper d’un enfant.
Le droit des femmes de disposer de leur corps n’est pas contestable. Mais je ne suis pas sûre qu’une jeune fille de 15 ans mesure les souffrances futures auxquelles elle s’expose après un avortement décidé dans la précipitation ou une grossesse non désirée. Mon inquiétude se place sur le plan pédagogique : la gratuité de l’avortement encourage-t-elle au fond les femmes à avoir des relations sexuelles à un âge plus précoce ?
En France, le sexe, on n’en fait pas tout un plat
Une loi française de 1905 entérine le principe de laïcité* et de séparation de l’Eglise et de l’Etat, ce qui n’empêche pas la France, comme l’Espagne ou l’Italie, de rester un pays profondément catholique.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Ne vous eloignez pas du sujet de discussion; Les insultes,difamations,publicité et ségregations de tous genres ne sont pas tolerées Si vous souhaitez suivre le cours des discussions en cours fournissez une addresse email valide.
Votre commentaire apparaitra apre`s moderation par l'équipe d' IGIHE.com En cas de non respect d'une ou plusieurs des regles d'utilisation si dessus, le commentaire sera supprimer. Merci!