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ONU : les moutons noirs du Conseil des droits de l’homme

Redigé par Le Point
Le 14 novembre 2013 à 11:31

L’Assemblée générale de l’ONU élisait mardi 14 nouveaux membres de son Conseil des droits de l’homme. Parmi eux, un quatuor qui fait polémique.
À compter du 1er janvier 2014, l’Arabie saoudite, la Chine, Cuba et la Russie siégeront au Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU. Aux côtés de 10 autres nouvelles nations élues le 12 novembre pour trois ans* (Afrique du Sud, Algérie, France, Royaume-Uni, Macédoine, Maldives, Maroc, Mexique, Namibie et Vietnam), parmi les 47 que compte le Conseil, ces 4 États (...)

L’Assemblée générale de l’ONU élisait mardi 14 nouveaux membres de son Conseil des droits de l’homme. Parmi eux, un quatuor qui fait polémique.

À compter du 1er janvier 2014, l’Arabie saoudite, la Chine, Cuba et la Russie siégeront au Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU. Aux côtés de 10 autres nouvelles nations élues le 12 novembre pour trois ans* (Afrique du Sud, Algérie, France, Royaume-Uni, Macédoine, Maldives, Maroc, Mexique, Namibie et Vietnam), parmi les 47 que compte le Conseil, ces 4 États auront pour mission de "promouvoir le respect universel et la défense de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales", comme le rappelle la résolution 60/251, acte fondateur du CDH.

Associations et ONG n’ont pas manqué de vivement réagir à cette annonce, dénonçant les nombreuses atteintes faites aux droits et libertés dans ces quatre pays. En effet, Chinois, Cubains, Russes et Saoudiens vont désormais siéger dans un conseil où ils sont loin de faire figure d’exemple.

Russie et Chine : dérive autoritaire

"La Russie connaît une véritable dérive autoritaire ces dernières années. Les lois liberticides, les atteintes aux droits des minorités, des opposants, des journalistes sont de plus en plus nombreuses", rappelle Jean-Marie Fardeau, directeur France d’Human Rights Watch (HRW). L’ONG Reporters sans frontières place d’ailleurs le pays de Vladimir Poutine à la 148e place (sur 179) de son classement 2013 en matière de liberté de la presse.

En Chine, le Parti communiste chinois opère lui aussi un tour de vis répressif depuis plusieurs mois. Des dérives dénoncées par le responsable français de HRW, qui rappelle également que "le Prix Nobel de la paix 2010, Liu Xiaobo, est toujours derrière les barreaux". Le pays est également vivement critiqué concernant les violences faites aux minorités ouïghoure et tibétaine. À l’issue du vote de l’Assemblée générale de l’ONU mardi soir, un petit groupe de défenseurs des droits des Tibétains a d’ailleurs manifesté devant le siège de l’organisation internationale à New York, selon Reuters.

Répression en Arabie saoudite et à Cuba

Le royaume saoudien qui, après avoir refusé en octobre un siège au Conseil de sécurité de l’ONU (en signe de défiance envers les États-Unis), s’est finalement porté candidat pour le CDH. Pourtant, les entraves aux droits des femmes, des homosexuels, la répression contre la minorité chiite et le sort des neuf millions de travailleurs immigrés en Arabie saoudite sont autant de points noirs, selon Human Rights Watch.

Quant à Cuba, Jean-Marie Fardeau s’inquiète de la situation qui "semble ne pas évoluer depuis des décennies". Le membre de l’ONG dénonce ainsi l’importante répression contre les dissidents, les exils forcés et l’usage constant de la "détention de court terme". Une pratique qui consiste, selon lui, à "emprisonner un opposant, pendant douze ou vingt-quatre heures et de façon régulière pour ainsi détruire sa vie sociale et professionnelle".

"C’est un jeu politique"

Lors du vote à l’Assemblée générale, qui réunit les 193 pays membres de l’ONU, 97 voix sont nécessaires pour accéder au CDH et ainsi représenter son aire géographique (5 au total). Le 12 novembre, Russes et Chinois ont pu se targuer d’avoir recueilli 176 voix chacun (sur 193). Cuba totalise 148 voix et l’Arabie saoudite 140. Des scores importants pour des nations jugées peu respectueuses des droits de l’homme.

"C’est un jeu politique", estime Alexandra Novosseloff, docteur en sciences politiques et relations internationales de l’université Panthéon-Assas (Paris II). "Le vote ne se fait pas au regard de la situation des droits de l’homme, mais sur des considérations politiques et économiques. S’opposer à l’élection de la Chine ou ne pas lui accorder son vote (pourtant secret), par exemple, c’est prendre le risque de perdre des marchés."

Une forme de politisation et de clientélisme avec lesquels l’ONU a pourtant voulu rompre. En 2006, la Commission des droits de l’homme créée soixante ans plus tôt tire sa révérence au profit du CDH, nouvelle institution censée mettre fin au "climat d’affrontement et de méfiance qui a marqué les dernières années d’existence de la Commission", selon les mots du secrétaire général des Nations unies de l’époque, Kofi Annan.

Peuvent-ils entraver le travail du CDH ?

Malgré la volonté de transparence du Conseil, les défenseurs des droits de l’homme craignent évidemment que l’arrivée de certaines nations ne vienne entraver ses initiatives. Pour Jean-Marie Fardeau, "il y a un risque que ces pays cherchent à ralentir ou à bloquer les activités du CDH", notamment lors des trois réunions annuelles au cours desquelles des projets de résolutions sont discutés. Ils peuvent également "s’opposer à la nomination d’experts indépendants, censés enquêter sur les affaires d’atteintes aux droits de l’homme" dans leur pays ou chez des alliés.

Si le risque d’influence est bien présent et confirmé par Alexandra Novosseloff, le docteur en sciences politiques estime pourtant qu’il "serait dangereux de mettre sur la touche un de ces pays". Au contraire, il faut voir dans cette élection "une opportunité unique de mettre ces pays face à leurs contradictions, notamment sur la question des droits de l’homme. Et si le Conseil ne peut forcer aucun de ses membres à changer, cette force de coercition viendra peut-être de la pression des experts, des médias et des diplomates".

* Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU est constitué de 47 nations, élues généralement pour un mandat de 3 ans par l’Assemblée générale. Ce mandat est renouvelable une fois. Après deux mandats consécutifs, le pays devra attendre 3 ans avant de pouvoir se représenter et d’être réélu.


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