​L’Operation Turquoise revisitée

Redigé par La Nouvelle Releve
Le 7 octobre 2013 à 10:46

"Ce qui est arrivé au Rwanda est, que cela vous plaise ou non, un moment de l’histoire de France au XX ème siècle."
Boubacar Boris Diop, écrivain sénégalais, Murambi, le livre des ossements.
Les initiatives de la coopération franco-rwandaise sous le général Charles De Gaulle
Il convient de noter ici qu’en juillet 1993, le colonel Anatole Nsengiyumva est devenu le commandant opérationnel de la région militaire de Gisenyi, qui englobe les trois régions de Gisenyi, Ruhengeri et Kibuye. Selon des (...)

"Ce qui est arrivé au Rwanda est, que cela vous plaise ou non, un moment de l’histoire de France au XX ème siècle."

Boubacar Boris Diop, écrivain sénégalais, Murambi, le livre des ossements.

Les initiatives de la coopération franco-rwandaise sous le général Charles De Gaulle

Il convient de noter ici qu’en juillet 1993, le colonel Anatole Nsengiyumva est devenu le commandant opérationnel de la région militaire de Gisenyi, qui englobe les trois régions de Gisenyi, Ruhengeri et Kibuye. Selon des documents émanant du TPIR, Nsengiyumva avait aussi une autre casquette dans la région : celle de chef des miliciens Interahamwe.

Condamné en première instance par le TPIR à la prison à vie en décembre 2008, en appel en décembre 2011, sa peine a été ramenée à quinze de prison seulement. Curieusement, selon la journaliste britannique Linda Melvern, citant la mission des Nations Unies pour le Rwanda (MINUAR) et d’autres sources concordantes, c’est Anatole Nsengiyumva qui aurait fait disparaître les batteries des missiles sol-air de type Sam 7 et de 15 missiles sol-air Mistral de fabrication française, dont deux échantillons auraient servi à abattre le Falcon 50 du président Juvénal Habyarimana, en avril 1994, probablement remises au général zaïrois Baramoto de la division spéciale présidentielle (DSP), de l’autre côté de la frontière.

Voir mon article sur l’aventurier Paul Barril dans le précédent numéro de Dialogue- no 202). Il semble qu’à l’heure actuelle, le groupe du juge français Marc Trévidic enquête sur cette affaire.

Au passage, le diplomate (Jean Fines, lire plus haut) recommande aux autorités françaises le ministre de la Garde Nationale et de la police, qui a le bon goût d’envisager la création d’une gendarmerie calquée sur le modèle français- le major Juvénal Habyarimana.

Un an plus tard, en 1966, l’ambassadeur précise sa pensée : « Si un jour survient un coup d’Etat, l’auteur en serait Juvénal Habyarimana, dont les opinions sont rassurantes […] » Peu après, la France vend alors à un prix avantageux d’équipement militaire au Rwanda. Il s’agit de douze automitrailleuses légères Panhard (AML) et deux hélicoptères Alouette III.

C’est avec cet armement dissuasif que, logiquement, Juvénal Habyarimana s’empare des rênes du pays à la faveur du coup d’Etat particulièrement sanglant, le 5 juillet 1973. Paris s’en félicite discrètement. L’année suivante, Georges Pompidou lui ajoute la livraison d’un avion Caravelle flambant neuf avec son équipage et ses quatre techniciens de maintenance au complet.

En 1975, Valéry Giscard d’Estaing signe avec Kigali un nouvel accord, qui fixe pour la première fois les conditions d’une assistance militaire technique. Une nouvelle étape est franchie. Si, en effet, l’article 6 exprime une certaine retenue, en revanche, l’article 7 prévoit que le Rwanda pourra accéder à des matériels militaires français, à titre gratuit ou onéreux. Tant et si bien qu’à partir de 1980 « L’aide en fourniture d’armes a revêtu un caractère spectaculaire par sa diversité et la progression de son volume annuel (note du 11 février 1982, citée par Olivier Thimonnier, op. cit.), au point d’en être décuplée.Le dérapage politique et militaire sous François Mitterrand.

Les années suivantes, François Mitterrand abandonne toute prudence. C’en est fini de l’article 6 du précédent accord conclu sous Giscard d’Estaing et de l’interdiction faite aux coopérants militaires français d’être associés de près ou de loin à toute opération ou exécution d’opération de guerre, de maintien ou rétablissement de l’ordre ou de la légalité » au Rwanda. L’accord de coopération militaire technique devient de facto un accord de défense qui ne dit pas son nom, même s’il n’en a pas le statut.

Parallèlement, les fils des deux présidents développent une amitié que Jean-Christophe Mitterrand niera plus tard devant la commission parlementaire française d’information sur le Rwanda. Pourtant, la responsable de la coopération civile française à Kigali de 1981 à 1984, Thérèse Pujolle, l’atteste : « A chaque fois que Jean-Christophe Mitterrand débarquait, quinze Mercedes l’attendaient […]. On constatera, ajoute-t-elle, une complicité incroyable, un compagnonnage auquel on ne comprendra rien entre Jean-Christophe Mitterrand, alias « papamadit », fils du président français, et Jean-Pierre Habyarimana, fils de président rwandais. » (Laure de Vulpian et Thierry Prungnaud, ibidem, pp.395-396).

Or, en politique, il est évident qu’on ne donne jamais rien pour rien. Bien d’observateurs critiques envisagent l’existence de renvois d’ascenseur réciproques, de remerciements pour services rendus. Il se murmure que, dès le premier septennat de François Mitterrand, des valises de billets de banque issus des fonds de la coopération française repartaient de Kigali, en sens inverse, vers Paris, pour atterrir notamment dans les caisses du Parti socialiste (PS).

Mais on pourrait parier que ces pratiques avaient déjà profité- ou profitaient encore- à la droite. Rumeurs sans preuves, certes, commentent les deux co-auteurs, ibidem, p.388, mais crédibles s’agissant d’années où les règles de financement des partis politiques étaient quasi inexistantes et où l’Afrique était une « pompe à fric ». Voilà qui, en tout cas, pourrait expliquer l’embarras toujours actuel de certains politiciens et généraux français et plus particulièrement des socialistes à propos du soutien de la France au Rwanda au début des années 1990. Cette gêne qui se perpétue bien au- delà du « délai raisonnable ».


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