A la veille du génocide, les associations de défense des droits de l’homme avaient alerté l’opinion internationale sur les massacres à caractère ethnique commis au Rwanda.
Un rapporteur spécial,Bacre Waly Ndiaye a été dès lors dépêché à Kigali en avril 1993 pour se rendre compte de la situation au Rwanda. Une situation décrite comme très préoccupante compte tenu de l’ampleur du contenu du rapport de ce rapporteur spécial. « Il règne actuellement au Rwanda un climat de méfiance et de terreur. […] les autorités ont distribué des armes à des civils, officiellement pour combattre le FPR […] ». Le rapporteur ajoute qu’ « il existe […] une certaine élite qui, pour s’accrocher au pouvoir, continue à alimenter la haine ethnique. » Et ce, notamment par le biais d’« une politique de propagande gouvernementale délibérément orientée » qui a pour effet « la désignation collective de tous les Tutsi de l’intérieur comme complices du FPR. »
Bacre Waly Ndiaye établit alors des responsabilités :
« Violations imputables aux Forces Armées Rwandaises :
les FAR ont […] joué un rôle actif et planifié au plus haut niveau dans certains cas de tueries de Tutsi par la population,
[…]
Violations imputables à des agents de l’administration territoriale : le rôle de ces fonctionnaires (préfets, sous-préfets, bourgmestres, conseillers, responsables de secteurs et de cellule) dans les massacres de populations civiles se situe principalement au niveau de l’incitation, de la planification, de l’encadrement et dans certains cas, de la participation physique. […]. Dans certaines localités, des agents de l’administration ont facilité la tâche des auteurs de massacres en mettant à la disposition de ceux-ci des moyens matériels, tels que des véhicules ou du carburant.
[…]
Violations imputables aux milices de partis politiques : les organisations des jeunesses de certains partis politiques se sont vues transformées en milices, parfois armées, et ont été utilisées dans la lutte pour le pouvoir. […] Il a été rapporté à maintes reprises que deux de ces milices, celles du MRND et de la CDR, se sont rendues coupables d’incitation à la violence contre les tutsi, de massacres de populations civiles et d’assassinats individuels à caractère politique. […] Il a aussi été rapporté que ces milices auraient été entrainées par des membres de la garde présidentielle et par des militaires. »
Dans son rapport, Bacre Waly Ndiaye relève également l’usage de la propagande par le pouvoir à travers les médias.
« L’implication des médias dans la propagation de rumeurs infondées et dans l’exacerbation des problèmes ethniques a été relevée à maintes reprises. Radio Rwanda, qui constitue la seule source d’information pour la majorité d’une population au faible niveau d’instruction, et qui demeure sous le contrôle direct de la présidence [d’Habyarimana], a joué un rôle néfaste dans la genèse de plusieurs massacres. Ceci est particulièrement vrai pour certaines émissions en kinyarwanda dont le contenu différait très sensiblement de celui des informations transmises en français, langue que ne comprend qu’une petite partie de la population. »
L’incitation à la haine ethnique, manipulation par le biais des médias, formation de milices par l’armée, distribution d’armes (fusils, grenades) à des civils, organisation d’assassinats ciblés et de massacres ethniques de masse par les autorités, impunité absolue : tous les ingrédients que l’on retrouvera dans le génocide au printemps 94 sont déjà décrits dans ce rapport de l’ONU d’août 1993.
Ainsi, à la question de savoir si ces massacres constituent des crimes de génocide, le Rapporteur Spécial de l’ONU répond :
« Il ressort très clairement des cas de violences intercommunautaires portés à l’attention du Rapporteur spécial que les victimes des attaques, des Tutsi dans l’écrasante majorité des cas, ont été désignés comme cible uniquement à cause de leur appartenance ethnique, et pour aucune autre raison objective. On pourrait donc considérer que les alinéas a) et b) de l’article II [qui porte définition du génocide dans la convention de 1948] sont susceptibles de s’appliquer […] »
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