Belgique- Louvain-La-Neuve : La dispora rwandaise de Louvain-La-Neuve a organisé ce samedi 22 avril 2017 une cérémonie de commémoration de la mémoire des Tutsi victimes du génocide de 1994 au Rwanda. Le discours prononcé par l’Ambassadeur du Rwanda en Belgique, M. Olivier Nduhungirehe pour la circonstance a pris des allures pédagogique en faveur du patriotisme-nationalisme rwandais. Il a énoncé et recommandé l’un des programmes majeurs du Gouvernement rwandais NDI UMUNYARWANDA consistant en un paquet de stratégies de ressoudure du tissu social rwandais.
Ci-après le texte du discours :
(...)
2. Ces moments de recueillement sont toujours pénibles, surtout pour les rescapés du génocide. Outre le cauchemar de la violence indicible du crime lui-même, il y a aussi le souvenir des visages, des sourires, de la joie, de l’amour et des moments clés de la vie d’êtres qui nous sont chers et qui ne sont malheureusement plus de ce monde. Le souvenir du bonheur perdu est souvent plus atroce que le souvenir de l’horreur vécu. Mais la souffrance des rescapés du génocide ne se limite pas au souvenir du passé ; il s’étend également à la situation du présent.
3. En effet, la période de commémoration est malheureusement une période pendant laquelle non seulement le traumatisme réapparait, mais surtout une période à laquelle la bête immonde se réveille. Les négationnistes redoublent de cynisme et d’activisme, et les génocidaires reprennent même du travail. On en a eu récemment des exemples tragiques. Comme je l’ai dit lors de la soirée de la mémoire, organisée le 7 avril dernier par Ibuka Mémoire et Justice, les forces génocidaires sont toujours actives et ne se reposeront que quand l’extermination sera accomplie. C’est pour cela qu’il faut toujours rester vigilants, même ici en Belgique, où les génocidaires battent le pavé et où le négationnisme a libre cours.
Mesdames et messieurs ;
4. L’une des particularités des commémorations à Louvain-la-Neuve est la messe, célébrée cet après-midi par Mgr Jérôme Kapangwa Nteziryayo, et je l’en remercie. Vous avez dit, Mgr, que vous avez commencé à célébrer la messe lors des cérémonies de commémoration il y a quinze ans ; je vous souhaite d’en faire le double pour les années à venir ! La messe nous permet de nous recueillir et de prier tous ensemble pour nos parents, nos enfants, nos frères et sœurs et nos amis, victimes du plus grand des péchés : la tentative pour l’homme d’exterminer son semblable.
5. Après le génocide, la foi, chrétienne ou autre, a été d’un grand réconfort pour les rescapés du génocide et les rwandais en général. Elle a donné à beaucoup une raison de vivre et une raison d’espérer, même après un génocide effroyable dans lequel des membres de la hiérarchie de l’Eglise, des religieux et des chrétiens ont pris part. Cette situation a bien sûr rendu difficile les relations entre l’Eglise et l’Etat, ce qui était bien dommage, lorsqu’on sait le rôle crucial de l’Eglise dans l’éducation des jeunes, la vie en communauté et le développement du pays.
6. A cet égard, le Gouvernement rwandais s’est réjoui des paroles du Pape François, qui a récemment exprimé sa profonde tristesse et sa solidarité aux victimes du génocide perpétré contre les Tutsi, et qui a imploré le pardon de Dieu pour les péchés et les manquements de l’Eglise et de ses membres. Cette demande de pardon annonce des relations plus apaisées avec l’Eglise, et j’espère que la prochaine visite du Saint-Père au Rwanda pourra amplifier ce mouvement.
Mesdames et messieurs ;
7. Le hasard du calendrier fait que les commémorations à Louvain-la-Neuve coïncident avec la commémoration du génocide à Butare, dans le sud du pays. J’en parle toujours, non pas parce que c’est ma région d’origine, mais parce que les massacres dans cette ville illustrent bien le caractère planifié du génocide perpétré contre les Tutsi. Vous avez tous entendu la phrase : « L’attentat contre l’avion du Président Habyarimana est l’élément déclencheur du génocide ». Rien ne peut être plus faux ! Et pour cause, les véritables éléments déclencheurs de ce crime sont l’idéologique du génocide, inculquée aux différentes générations de rwandais pendant des décennies, ainsi qu’une décision politique de faire tomber le Rwanda dans l’Apocalypse.
8. C’est exactement ce qui s’est passé à Butare, une ville qui n’a pas été prise d’une colère populaire soudaine après l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana, mais une ville à laquelle le Gouvernement intérimaire a imposé le génocide, deux semaines après l’attentat. Suite à cette « importation » des massacres, toute la préfecture de Butare s’enflamma. Au moment où je vous parle, il y a 23 ans jour pour jour, 25.000 Tutsi, qui s’étaient réfugiés à la colline de Kabuye dans la Sous-Préfecture de Gisagara, étaient entrain d’être massacrés par l’armée et la milice Interahamwe, sous l’ordre du Sous-préfet d’alors, Dominique Ntawukuriryayo.
9. Nous rendons aujourd’hui hommage aux hommes et aux femmes de bien, victimes du génocide à Butare, y compris le Préfet Jean-Baptiste Habyarimana et la reine Rosalie Gicanda.
Mesdames et messieurs ;
10. A Louvain-la-Neuve, ville intellectuelle, nous faisons plus que prier et se souvenir. Dans la foulée de notre rassemblement au monument de la lutte contre l’intolérance cet après-midi, nous devons également méditer sur le respect de l’autre, sur le respect de la vie, sur la vie en commun, sur la cohésion nationale et sur l’amitié entre les peuples. Car, l’intolérance est la graine du génocide, l’intolérance engendre la stigmatisation, la discrimination et la déshumanisation, qui sont parmi les éléments qui forment l’idéologie du génocide.
11. La question qui me hante depuis 23 ans est celle-ci : comment en est-on arrivés là ? Comment une idéologie de haine, aussi puissante et aussi ancienne soit-elle, peut-elle convaincre des rwandais ordinaires à ôter si facilement et si sauvagement la vie de leurs voisins, de leurs amis, des membres de leurs familles, du nourrisson qui vous sourit jusqu’au vieillard qui vous implore ? « Même les meilleurs s’y sont laissés prendre », disait Laurien Ntezimana. Qu’est ce qui nous est arrivés, en tant que peuple, en tant que chrétiens ou croyants, en tant qu’être humain, pour que, individuellement et collectivement, l’on tombe dans une telle barbarie ?
12. Et nous, parents et dirigeants, nous avons la lourde tâche non seulement de marcher avec nos jeunes enfants dans des commémorations annuelles du génocide, de leur expliquer ce qui s’est passé dans notre pays, mais surtout de tirer avec eux les leçons du passé. En d’autres termes, nous devons transmettre la flamme du souvenir aux générations futures mais également la flamme de la tolérance. La tolérance s’apprend du plus jeune âge et ne peut souffrir d’exception. Aucune idéologie, aucune croyance, aucune culture et aucune pratique ne peut justifier la stigmatisation d’un groupe humain, quelle que soit sa différence. « N’ayez d’intolérance que vis-à-vis de l’intolérance », disait le philosophe Hyppolyte Taine. N’ayez donc d’intolérance que vis-à-vis du mal, de la haine, de la violence et du génocide.
13. Pour conclure, Mesdames et messieurs, la tolérance pour les citoyens rwandais, c’est « Ndi Umunyarwanda », c’est notre appartenance à une communauté nationale, unie par un territoire, une langue, une culture et une histoire ; une communauté soudée par sa foi en l’avenir, sa dignité et ses valeurs. Et que cet Igihango entre nous autres Banyarwanda ne se limite pas aux discours de cette période de commémoration mais qu’il soit notre façon de vivre et notre manière de façonner l’avenir.
(...)
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