De la prééminence militaire à la consécration diplomatique

Redigé par Tite Gatabazi
Le 17 décembre 2025 à 11:07

Après avoir, sur le théâtre des opérations, imposé une supériorité militaire que nul observateur sérieux ne saurait désormais contester, l’AFC/M23 franchit une étape décisive dans la mue stratégique de son action.

Le retrait négocié de la ville d’Uvira ne relève ni de la capitulation ni d’un simple réajustement tactique : il constitue l’aboutissement d’une séquence diplomatique maîtrisée, où la force acquise sur le terrain est convertie en levier politique. En ce sens, l’Alliance ne se contente plus de dicter le tempo des affrontements ; elle s’érige en acteur capable d’infléchir l’agenda des médiations internationales et d’imposer ses propres termes au processus de désescalade.

Cette manœuvre, présentée comme un geste de responsabilité et de maturité politique, consolide un rapport de force déjà favorable. Elle accrédite l’idée que l’AFC/M23, forte de ses positions militaires, peut se permettre le retrait sans s’exposer à une perte stratégique immédiate, précisément parce que ce retrait est encadré, négocié et conditionné.

Ainsi, la diplomatie apparaît ici comme le prolongement raisonné de la victoire militaire : une victoire moins spectaculaire que la conquête, mais infiniment plus structurante, car elle redéfinit la place de l’Alliance dans l’architecture régionale des négociations.

Uvira, épicentre d’un basculement des alliances

La prise d’Uvira avait constitué un tournant majeur dans la recomposition des forces gravitant autour des FARDC. Elle avait précipité une convergence hétéroclite, où se sont agrégés, dans une logique de survie plus que de cohérence stratégique, des éléments des FARDC, des FDLR, des groupes dits Wazalendo, des mercenaires et des contingents burundais.

Cette coalition de circonstance, révélatrice d’une fébrilité croissante, avait moins pour objet l’élaboration d’une stratégie durable que la tentative désespérée d’endiguer une dynamique devenue incontrôlable.

En négociant son retrait d’Uvira, l’AFC/M23 inverse subtilement les termes de ce basculement. Elle expose les fragilités internes de cette alliance composite, dont l’unité repose davantage sur l’adversité que sur une vision partagée. Le retrait, loin d’affaiblir l’Alliance, accentue les contradictions de ses adversaires, désormais confrontés à la gestion d’un espace qu’ils avaient instrumentalisé comme symbole de résistance.

Il place également les médiateurs internationaux face à leurs responsabilités, en les sommant de garantir un cadre sécuritaire crédible, sans lequel toute recomposition des alliances ne serait qu’un prélude à de nouvelles violences.

Dès lors, Uvira cesse d’être uniquement un enjeu territorial pour devenir un marqueur politique. Le succès diplomatique de l’AFC/M23 réside précisément dans cette capacité à transformer une conquête militaire en capital politique, puis à monnayer ce capital dans l’arène des négociations.

Ce faisant, l’Alliance affirme une centralité nouvelle : celle d’un acteur qui, tout en maîtrisant la force, démontre qu’il sait aussi en suspendre l’usage, lorsque cela sert une stratégie globale de légitimation et de consolidation de son rapport de force.

L’AFC/M23 a transformé son avantage sur le terrain en levier politique à travers un retrait négocié d’Uvira, présenté comme un choix stratégique et diplomatique

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