A cette époque, la toge du constitutionnaliste était portée comme un manteau de vertu. On citait Montesquieu, Rousseau, Sieyès ou Kelsen avec des accents sacerdotaux, invoquant l’État de droit, la limitation des mandats, la séparation des pouvoirs, la souveraineté du peuple. Les auditoires vibraient alors au rythme d’une foi civique : la Constitution était l’évangile de la République, et ces hommes en étaient les prêtres.
Mais c’était avant. Avant que la République du ventre, selon l’expression de Kambere, ne les enrôle dans son clergé politique sous le règne de Félix Tshisekedi. Les voilà désormais métamorphosés en marchands de clauses prétendument intangibles, en alchimistes du texte fondamental, s’évertuant à rendre révisable ce que le constituant avait voulu irrévocable.
En créant entre eux une “Association des constitutionnalistes de l’Union sacrée”, ces professeurs du droit ont constitué une confrérie d’exégètes zélés dont la mission ne souffre plus d’ambiguïté : disserter de la Constitution, non pour la défendre, mais pour en rédiger l’oraison funèbre.
A force de tourner autour de la mangeoire du pouvoir, observe ironiquement Kambere, ils finiront par confondre la science du droit avec la science du repas. Autrefois, leurs tribunes faisaient trembler les murs du Palais du peuple sous Joseph Kabila ; aujourd’hui, ces mêmes voix, qui jadis invoquaient la morale républicaine, se font les chantres d’un régime dont elles redoutent de perdre les grâces.
Ils tremblent à l’idée de voir s’effondrer leurs nominations et applaudissent des décisions indignes, telles que la condamnation d’un homme qui fut, paradoxalement, l’artisan de la première alternance pacifique et démocratique au sommet de l’État.
Kambere rappelle avec une ironie mordante que Joseph Kabila, en assumant sans fard la transmission du pouvoir, avait consolidé les fondations du constitutionnalisme congolais. Ironie du sort : ceux-là mêmes qui s’en réclamaient hier en deviennent aujourd’hui les fossoyeurs.
Jadis défenseurs de la limitation des mandats comme pilier de la démocratie, ils s’appliquent désormais à en démontrer la « souplesse philosophique ». Leur nouveau catéchisme ? « La Constitution n’est pas un carcan, mais un instrument évolutif au service du progrès » formule élégante pour masquer leur soumission à la volonté du prince du jour, le roi-soleil de la Cité de l’Union sacrée : Fatshi Béton.
Parmi les plus zélés de ces renégats, Kambere cite André Mbata lui-même, devenu lecteur fervent de communiqués officiels avec la dévotion d’un novice du pouvoir, et Jacques Djoli, rapporteur de l’Assemblée nationale, miraculeusement rescapé d’une motion contre son président Vital Kamerhe. Ce dernier, dans un accès d’auto-préservation, alla jusqu’à qualifier Joseph Kabila de « produit périmé », renonçant ainsi à toute dignité scientifique pour mériter les faveurs de la majorité.
Avec le communiqué du professeur Mbata, conclut Kambere, la comédie institutionnelle atteint son paroxysme : le Parlement, naguère temple du débat républicain, n’est plus qu’un décor vide où le pouvoir exécute sa propre liturgie.
Le peuple, lui, regarde en silence mais son silence est mémoire. Car même ceux qui n’ont jamais ouvert un code savent aujourd’hui distinguer le droit du peuple du droit du pouvoir.
Lorsqu’un professeur de droit constitutionnel abdique son indépendance pour devenir le griot d’un régime enivré d’éternité, il cesse d’être un constitutionnaliste : il devient fonctionnaire de la dérive. Le vrai constitutionnaliste, lui, demeure du côté de la Loi contre la folie du pouvoir, du côté du peuple contre l’ivresse du trône.














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